Comment les Français perçoivent l'inflation

La valse des étiquettes n'épargne quasiment plus personne. Selon une enquête réalisée par la Banque de France avec l'institut CSA*, 96% des ménages ont bien constaté que les prix avaient augmenté par rapport à 2021. Un an plus tôt, ils n'étaient "que" deux tiers à ressentir l'inflation et un quart jugeait les prix stables.
Il faut dire que depuis plusieurs mois maintenant, l'inflation avoisine les 6% sur un an (6,2% aujourd'hui), contre seulement 1,6% en moyenne l'an passé. De quoi propulser le thème de l'augmentation des prix et du pouvoir d'achat en tête des préoccupations principales de la majorité des ménages, loin devant le changement climatique, l'exclusion sociale et la pauvreté, ou le chômage.
La moitié des Français estime l'inflation à plus de 7%
Une majorité de consommateurs estime que l'inflation est, à leurs yeux, supérieure au chiffre avancé par l'Insee. Un constat qui se retrouve "dans toutes les données d'enquête, quelles que soient les périodes et les pays" dans lesquels on demande aux ménages d'estimer l'ampleur de la hausse des prix, tempère toutefois la Banque de France.
Dans le détail, la moitié des Français estime que l'inflation est supérieure à 7%**. Ils sont par ailleurs un quart à juger qu'elle s'établit en deça des 5%, tandis qu'un Français sur six pense au contraire que la hausse des prix à la consommation est d'au moins 20%, et 5% avancent même le chiffre de 30%. A titre de comparaison, la hausse des prix médiane ressentie en zone euro au deuxième trimestre était de 12,5%, contre une inflation mesurée à 8%.
Anticipations
Dans son enquête, la Banque de France s'est aussi penchée sur les anticipations d'inflation. Soit à l'ampleur de la hausse des prix à laquelle s'attendaient les consommateurs pour les mois à venir. Ces anticipations jouent un rôle crucial pour les banques centrales dont la mission première est d'assurer la stabilité des prix en faisant en sorte que "les prix et les salaires fixés aujourd'hui n'intègrent pas d'ancitipation de hausse soutenue des prix demain. Dans un tel cas, cette hausse des prix pourrait s'auto-entretenir, créant une spirale inflationniste", note la Banque de France.
Les résultats montrent que les Français ne s'attendent pas à un ralentissement de l'inflation à court terme. Au contraire, 90% des ménages anticipent au moment de l'enquête une hausse des prix dans les douze mois à venir. Soit 15 points de plus qu'à la même période un an plus tôt. Leur prévision d'inflation s'établit ainsi à 8,6% en moyenne, tandis que l'anticipation médiane se situe à 5%.
Pour rappel, la Banque de France table, elle, sur une augmentation des prix à la consommation de 4,7% en moyenne en 2023, mais "les ménages forment leurs anticipations d'inflation à un an essentiellement à partir de ce qu'ils perçoivent aujourd'hui", rappelle l'institution.
Les femmes perçoivent une inflation plus élevée que les hommes
Si chaque ménage n'a pas le même perception de l'inflation, c'est que leur ressenti dépend d'une multitude de critères. A commencer par le niveau de revenus. Sans surprise, les plus aisés sont moins sensibles à la flambée des prix que les plus modestes. L'estimation de l'inflation par les ménages disposant d'un revenu mensuel supérieur à 4000 euros est ainsi inférieure de deux points de pourcentage à celle des ménages disposant d'un revenu de moins de 2000 euros par mois.
Dans la même logique, les diplômés bac+3 ou bac+5 dont la rémunération est en général supérieure à la moyenne perçoivent un niveau d'inflation 5 points inférieur à l'estimation des non diplômés. Les diplômés du brevet ou du baccalauréat ont quant à eux une perception d'inflation de deux points supérieure aux non diplômés. Enfin, parce qu'ils ont souvent un budget plus limité, les jeunes de moins de 25 ans estiment de leur côté l'inflation à un niveau environ six points supérieur à celui des plus de 50 ans.
La perception de l'inflation dépend également du genre. D'après la Banque de France, les femmes, qui ont encore aujourd'hui davantage tendance à s'occuper des achats quotidiens que les hommes, ressentent davantage l'évolution des prix. A cet égard, l'inflation qu'elles perçoivent est deux points supérieure à celle ressentie par leurs homologues masculins.
Une perception basée sur les achats du quotidien
Contrairement à l'Insee qui mesure l'inflation à partir d'un vaste panier de biens et services, les ménages perçoivent l'inflation à l'aune de ce qu'ils consomment le plus. "Les ménages extrapolent l'évolution des prix qu'ils observent au quotidien", résume la Banque de France. A titre d'exemple, les Français déclarant acheter de l'essence (produit qui la plus augmenté sur un an à juin 2022) plus d'une fois par semaine perçoivent une inflation globale supérieure de 3 points par rapport aux consommateurs qui n'en achètent jamais ou quasiment jamais. En clair, la perception d'inflation dépend de la structure de consommation.
A noter par ailleurs qu'une large majorité de ménages perçoit l'augmentation des prix de l'essence (75%), des fruits et légumes (90%) ou du pain (72%) parce qu'il s'agit de produits qui leur sont familiers. A l'inverse, ils sont près de 12% à ne pas être capables de se prononcer sur l'évolution passée du prix des produits électroménagers, contre seulement 1 à 2% pour l'essence et l'alimentation. La Banque de France souligne par ailleurs que les ménages ont des perceptions semblables de l'évolution des prix des produits et électroménagers et des produits d'habillement, alors que les premiers ont augmenté de 5% sur un an en juin, contre +0,5% pour les seconds.
Dit autrement, "il est sans doute plus difficile d’évaluer la hausse des prix de l’électroménager, dont l’achat est moins fréquent pour les ménages. À l’inverse, les ménages peuvent surestimer la hausse des prix de certains biens qu’ils achètent très fréquemment", expliquent les experts de la Banque de France.
*Enquête commandée par la Banque de France à l’institut CSA et menée auprès de 5054 résidents de 18 ans et plus interrogés entre le 28 avril et le 11 juin 2022, lorsque l'inflation atteignait 5,6%, déjà proche des 6,2% d'octobre.
**Médiane pondérée