"Le prochain gouvernement devra réduire notre endettement": Pierre Moscovici alerte sur l'état des finances publiques

Pierre Moscovici poursuit sa campagne de prévention sur la maîtrise des dépenses publiques. Alors que le premier président de la Cour des comptes donne une interview dans l'édition du jour des Echos, il s'est également exprimé au micro de France Inter ce lundi matin afin de présenter les grandes lignes du dernier rapport des magistrats financiers sur les finances publiques.
Sans surprise, les Sages de la rue Cambon continuent de tirer la sonnette d'alarme alors que le pays se trouve dans une impasse politique quant à la composition du futur gouvernement, une semaine après les élections législatives.
"Je veux profiter de ce rapport pour lancer un appel aux forces politiques, leur dire qu'il y a une impasse politique dont il faut sortir", souligne Pierre Moscovici.
"Qui que ce soit, le prochain gouvernement devra réduire notre endettement", poursuit le premier président de la Cour des comptes.
Le représentant de la Cour des comptes rappelle ainsi quelques chiffres: une dette publique de 3.100 milliards d'euros qui pourrait s'élever à 3.600 milliards d'euros en 2027 tandis que la charge annuelle de la dette passerait de 52 à 80 milliards d'euros.
"Cela veut dire qu'il n'y a plus de marge de manœuvre pour faire le reste: l'éducation, la justice, la sécurité et financer la transition écologique, souligne Pierre Moscovici. Il faut absolument s'y atteler et réduire la dette n'est pas une politique de droite: c'est un impératif pour tous."
Une trajectoire de finances publiques déjà "caduque"
Le premier président de la Cour des comptes estime toujours que le "quoiqu'il en coûte" était justifié pendant la crise Covid contrairement aux dépenses élevées durant la crise énergétique: "je constate qu'on a dépensé 40 milliards d'euros dans cette affaire dont 30 milliards d'euros sont allés dans la poche des énergéticiens et que ça n'a pas forcément beaucoup réduit l'inflation et que ça a coûté très cher."
Il écarte l'argument du gouvernement selon lequel ces dépenses expliquent la dérive des finances publiques. "Tous les Etats européens ont protégé leurs citoyens exactement de la même manière, rappelle-t-il. Simplement nous avons 15 points de dette publique de plus qu'avant la crise Covid."
"Les autres se sont désendettés alors que nous n'avons jamais entrepris d'efforts de désendettement", assène Pierre Moscovici.
Estimant que la trajectoire de finances publiques de l'ancien gouvernement est déjà "caduque", Pierre Moscovici s'en remet au prochain pour présenter un plan de réforme à la Commission européenne, mais aussi préparer le futur projet de loi de finances et celui de la Sécurité sociale. "Vivre avec un remboursement de la dette publique de 80 milliards d'euros par an, ça paralyse l'État et ça empêche toute action publique, dénonce-t-il. Qu'on soit de droite ou de gauche, on doit savoir qu'un pays endetté est un pays paralysé et que les comptes en désordre sont le signe des nations qui s'abandonnent."
Une taxation carbone assortie de subventions pour les plus fragiles
Au-delà du constat amer, l'ancien patron de Bercy donne quelques pistes d'actions. S'il écarte toute politique d'austérité qui compromettrait la croissance française, il estime qu'il ne faut pas s'interdire le recours au levier fiscal sans pour autant "augmenter massivement les prélèvements obligatoires" dont le niveau "est l'un des plus importants d'Europe." Il se montre notamment favorable à l'instauration d'un prélèvement exceptionnel pour financer la transition écologique:
"L'une des pistes que nous ouvrons est la taxation carbone en l'assortissant de subventions pour les plus fragiles pour éviter ce qu'on a connu au moment de la crise des gilets jaunes où on n'a pas pris en compte les impacts sociaux de la taxation du carbone."
Enfin, il insiste sur le troisième levier qu'est la maîtrise des dépenses. "Il faut aller taper sur les moins efficaces et celles qui créent le moins de croissance, martèle Pierre Moscovici. Il faut que l'effort soit partagé justement et entre les différents niveaux: État, collectivités locales et Sécurité sociale."