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Finances publiques

Impôts, cotisations: c'est en France et en Grèce que le taux de prélèvements a le plus baissé en 2023

Le ministère de l'Economie à Bercy, le 5 juin 2023

Le ministère de l'Economie à Bercy, le 5 juin 2023 - AFP

À 45,6%, le taux de prélèvements obligatoires en France a reculé de deux points en 2023. Une baisse qui tient essentiellement à des rentrées fiscales bien inférieures aux attentes l'an dernier, après une année 2022 marquée par des recettes exceptionnelles.

Les impôts des Français auraient-ils massivement fondu en 2023? Si la France reste championne d'Europe de la pression fiscale, elle était l'année dernière, après la Grèce (-2,1 points), le pays de l'UE où le taux de prélèvements obligatoires (impôts, taxes, cotisations sociales) a le plus baissé, passant de 47,6% à 45,6% du PIB, selon les derniers chiffres d'Eurostat*.

Avec ce recul de 2 points en un an, l'Hexagone affiche son plus bas taux de prélèvements obligatoires depuis 2011. L'année 2023 n'a pourtant pas été marquée par de nouvelles mesures de baisses d'impôts massives, du moins pas d'ampleur comparable à celles prises ces dernières années pour les entreprises comme pour les ménages. L'explication est donc ailleurs.

Un taux de prélèvements obligatoires anormalement élevé en 2022

En réalité, la forte baisse du taux de prélèvements obligatoires l'an passé tient essentiellement au recul des recettes fiscales. Recul qui résulte lui-même de deux facteurs. D'abord le taux de prélèvements obligatoires de 2022 qui était étonnamment élevé, malgré la suppression de la redevance TV, l'abaissement de l'impôt sur les sociétés à 25% ou encore la poursuite de la baisse de la taxe d'habitation.

Mais dans le même temps, les salaires ont progressé dans le sillage de l'inflation, ce qui a fait progresser la masse salariale et donc les cotisations sociales versées par les entreprises. L'assiette de l'impôt sur le revenu a par ailleurs continué de s'élargir grâce à l'embellie sur le front de l'emploi. Enfin, nombreuses sont les entreprises à avoir vu leurs bénéfices fortement augmenter grâce à l'inflation et aux derniers effets de la reprise post-Covid. De quoi grossir les recettes de l'impôt sur les sociétés.

Dit autrement, le niveau des recettes fiscales étaient exceptionnelles en 2022 et "cela n'était pas normal", comme l'expliquait lors d'une audition au Sénat François Écalle, fondateur du site FipEco et spécialiste des finances publiques. Selon lui, "les recettes fiscales et sociales ont été gonflées en 2021 et 2022 parce que des impôts comme l'impôt sur les sociétés amplifient toujours le rebond de l'activité". "Les chiffres aberrants sont le taux de prélèvements obligatoires et le déficit de 2022. L'année 2023 constitue un retour à la normale: après des baisses de 50 milliards d'euros d'impôt, il est finalement normal que le taux de prélèvements obligatoires diminue", soulignait-il.

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Ralentissement économique

Cette baisse du taux de prélèvements obligatoires en 2023 était donc attendue. Mais c'est son ampleur qui peut surprendre. Car si les recettes fiscales ont été nettement supérieures aux attentes en 2022, c'est tout l'inverse qui s'est produit l'an passé, Bercy ayant largement surestimé la manne qui allait rentrer dans ses caisses, ce qui explique soit dit en passant le dérapage du déficit public.

Il faut dire que la conjoncture s'est dégradée en 2023. Les recettes des administrations publiques ont été "pénalisées par le ralentissement de l’économie", expliquait l'Insee en début d'année, mais aussi par des "mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires, et un recul des transferts reçus". Au final, les recettes ont augmenté nettement moins vite que la richesse nationale: +2% en euros courants, quand le PIB progressait de 6,2% en valeur. D'où le net recul du taux de prélèvements obligatoires. En cela, "l’année 2023 est particulièrement atypique", indiquait de son côté l'Inspection générale des finances.

Dans le détail, les recettes provenant des impôts (avant déduction et crédits d'impôt) ont été quasi-stables, tandis que les droits de mutation ont chuté avec le recul des transactions immobilières. Surtout, l'impôt sur les sociétés s'est replié "très nettement (-10,7 milliards d'euros) en contrecoup d'une année 2022 exceptionnelle marquée par le dynamisme fiscal de 2021", relevait l'Insee. Sans compter les effets du ralentissement de la progression de la masse salariale, de la dernière étape de la suppression de taxe d'habitation sur les résidences principales ou de la nouvelle étape de suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

Pour 2024, les recettes fiscales ont également été revues en baisse. Si bien que le déficit a continué de déraper et pourrait atteindre 6,2% du PIB en fin d'année, contre 5,5% en 2023. Un creusement inédit qui a poussé la commission des Finances de l'Assemblée nationale a demandé sa transformation en commission d'enquête. Laquelle aura vocation à identifier les raisons de ce décrochage budgétaire.

*Si Eurostat estime le taux de prélèvements obligatoires de la France à 45,6% du PIB en 2023, l'Insee l'évalue à 43,2% (et 45% en 2022). Cet écart résulte d'une méthodologie différente: Eurostat considère les crédits d'impôts comme des subventions et les comptabilise parmi les dépenses publiques sans les déduire des prélèvements obligatoires. L'Insee "le fait tout en les incluant dans les dépenses publiques", rappelle François Ecalle. Par ailleurs, "l'institut européen de la statistique inclut dans les prélèvements obligatoires les cotisations que les États se versent à eux-mêmes pour financer les retraites de leurs agents", ce que ne fait pas l'Insee.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco