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"Elle empêche la France de redresser ses comptes": pour cet économiste, la BCE a asphyxié la croissance du pays et est responsable de la situation

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Alors que la Banque centrale européenne doit annoncer un maintien de sa politique monétaire, Nicolas Goetzmann estime que cette approche contraint excessivement la croissance française tout en faisant pression à la hausse sur les taux d'intérêt.

À moins d'une grosse surprise, la Banque centrale européenne (BCE) devrait laisser ses taux directeurs inchangés, ce jeudi 11 septembre, considérant que sa politique monétaire est bien "calibrée" pour maintenir la stabilité des prix. C'est une mauvaise nouvelle pour la France, empêtrée dans une crise politique et budgétaire, selon l'économiste Nicolas Goetzmann, qui pense que l'institution de Francfort est en partie responsable de cette situation.

"Tant que la BCE est aussi restrictive, on ne peut pas redresser les comptes", estime le responsable de la recherche et de la stratégie macroéconomique à la Financière de la Cité, une société de gestion de portefeuilles, sur le plateau de BFM Business.

"La politique de la BCE va amputer les recettes fiscales parce qu'il n'y aura pas de croissance, et les taux élevés pèsent lourdement sur les dépenses", ajoute Nicolas Goetzmann.

Selon lui, le relèvement des taux, opéré à partir de 2022 pour endiguer l'inflation, a été trop brutal et a asphyxié la croissance. "Si on regarde la demande domestique, qui est la somme de la consommation des ménages et de l'investissement des entreprises, on constate qu'elle n'a augmenté que de 0,06% sur les trois dernières années. L'économie française stagne depuis le relèvement des taux", regrette Nicolas Goetzmann sur BFM Business.

Réduction du bilan trop rapide

Ce dernier juge que la Banque centrale européenne a adopté une approche trop restrictive, alors que "l'inflation n'était pas liée à la demande domestique mais au choc énergétique" et que "la France a été le pays le plus impacté". L'inflation y est nettement plus faible que dans le reste de la zone euro (0,8% sur un an en août, contre 2,1% en moyenne).

Ces derniers mois, l'institution dirigée par Christine Lagarde a nettement baissé ses taux directeurs -le principal se situe aujourd'hui à 2%- mais Nicolas Goetzmann considère que la politique monétaire contraint toujours excessivement l'économie parce que l'institution de Francfort réduit trop fortement la taille de son bilan.

En clair, les gardiens de l'euro vendent actuellement une partie de leurs actifs, et notamment des obligations souveraines, qu'ils avaient acheté pour soutenir les États membres lors de la crise de la zone euro, puis après la pandémie de Covid-19.

En tournant cette page, "la BCE fait monter les taux d'intérêt à long terme", constate Nicolas Goetzmann, qui plaide pour une action plus modérée, en notant que "la réduction du bilan est beaucoup plus rapide qu'aux États-Unis alors que la croissance européenne est nettement plus faible".

Avec ces arguments, Nicolas Goetzmann s’inscrit dans les pas de Mario Draghi, l’ancien président de la BCE (2011-2019), qui avait considérablement assoupli la politique monétaire pour sortir la zone euro de la profonde crise du début des années 2010.

Dans son rapport publié l’année dernière, Mario Draghi imputait le déclassement européen à des politiques économiques inadaptées. Il leur reprochait notamment d’avoir excessivement comprimé la demande intérieure, plombé l’augmentation de la productivité et donc ralenti l’économie et l’augmentation des salaires depuis la crise financière de 2008. Draghi prévenait que ces politiques compliqueraient sérieusement le maintien d'un modèle social ambitieux.

P.La.