ÉDITO. L’avertissement de Fitch à la France

Bercy s'est félicité de la "très haute qualité de la signature française" après la décision de Fitch de ne pas dégrader la note souveraine de la France, vendredi dernier. Mais restons lucides. Tout, dans le long communiqué de l'agence, indique que nous aurions dû être dégradés.
D'abord parce que nos perspectives de croissance sont drastiquement revues à la baisse. Pour 2025 la prévision passe de 1,2% à 0,6%. Et pour 2026, on tombe à 0,9% contre 1,3% prévu auparavant. Une baisse principalement due "aux risques accrus de protectionnisme international et à une croissance plus faible en Allemagne, principal partenaire commercial de la France", précise Fitch.
Ensuite, parce qu'à 6% du PIB, notre déficit représente "plus du double de la médiane des pays notés AA".
L'agence de notation épingle un "bilan médiocre en matière de consolidation budgétaire", conséquence "d’une forte croissance des dépenses" qui ont augmenté de 2,1 points depuis la pandémie.
Et parmi ces dépenses, Fitch identifie très clairement les trois coupables du dérapage en 2024: l'indexation des prestations sociales sur l'inflation, l'augmentation des dépenses des collectivités locales et la hausse des charges d'intérêts.
Et pour la suite, que prévoit l’agence de notation?
Malheureusement rien de très optimiste. Du fait du ralentissement de la croissance, Fitch anticipe un déficit de 5,5% au lieu de 5,4% annoncés par Bercy. En 2026, il serait toujours de 5,6% du PIB et 5,4 % en 2027… En clair, aucune amélioration sur les trois prochaines années. Ce qui déboucherait sur une dette de 120% du PIB en 2028.
Ceux qui partiront alors à la retraite avaient commencé leur vie professionnelle avec une sac social de 20% sur le dos. Ceux qui arriveront sur le marché du travail en 2028 auront un sac de 120% à tirer. Ce n’est pas la même histoire.
Cette année le déficit va pourtant bien reculer?
Grâce aux hausses d’impôts oui. Mais on ne va pas pouvoir augmenter de 15 à 20 milliards les impôts chaque année. Or, on a bien vu durant l'examen budgétaire que pour décrocher le PS, l'exécutif n'a fait que reculer sur les efforts en dépenses: sur les dépenses de santé, sur l'effort demandé aux collectivités locales ou bien encore du décalage de l’indexation des retraites.
Preuve que l’avertissement de Fitch n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd, le Premier ministre a clairement dit non hier à un retour à 62 ans. Ce qui a déclenché une pluie de réactions négatives à gauche.
Dans sa note, l'agence évoque parmi les risques "l'impasse politique et la polarisation se sont intensifiées en France après les élections anticipées de 2024 et la chute du gouvernement Barnier". Elle anticipe de nouvelles élections "probablement au second semestre 2025". "Toutefois, l’issue de ces élections et leurs implications économiques restent très incertaines." On ne saurait dire mieux.