"C'est le minimum syndical": pour Thomas Piketty, il n'y a aucune raison de ne pas appliquer la taxe Zucman

Faire participer les plus fortunés aux efforts pour réduire le déficit public est aujourd'hui au centre du débat avec comme levier la fameuse taxe Zucman. Cette dernière, portée notamment par l'opposition de gauche, prévoit de taxer à hauteur de 2% les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros. Elle pourrait rapporter jusqu'à 20 milliards d'euros mais elle est farouchement rejetée par le patronat, la droite et le bloc central.
Un rejet qui ulcère Thomas Piketty. Sur BFMTV/RMC ce vendredi, l'économiste estime au contraire que l'application de cette taxe est "le minimum syndical".
Pour une simple et bonne raison: l'explosion du patrimoine des plus riches. Il rappelle qu'il "est passé de 200 milliards d'euros en 2010 à 1.200 milliards aujourd'hui, soit une croissance de 7 à 8% par an. L'enrichissement des 500 plus grandes fortunes françaises a été spectaculaire. Avec 2% (de taxation, NDLR) par an, il faudrait un siècle pour revenir au point de départ de 2010 qui n'était pas un état de pauvreté pour ces familles. Il y a une question de justice fiscale minimum".
"Une question de souveraineté"
Pour celui qui est également directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, la pertinence de cette taxe est même désormais validée par les économistes libéraux, notamment "ceux qui ont fait le programme d'Emmanuel Macron".
A l'inverse, le monde politique et "le bloc central est complètement à côté de l'histoire et nous met dans une situation intenable. Les politiques sont vraiment à la traîne, il y a un changement de réalité".
Thomas Piketty rejette par ailleurs les arguments qui empêcheraient l'application de cette taxe, notamment la question de l'assiette basée sur la valorisation d'une entreprise, valorisation qui est virtuelle.
"C'est très simple: il suffit (au chef d'entreprise) de vendre 2% du capital de l'entreprise aux salariés par exemple, c'est l'occasion d'impliquer les salariés. Vous pouvez aussi payer l'impôt (à l'Etat, NDLR) en titres et ensuite ça pourrait être l'amorce d'un fonds souverain. Ou on les met en vente aux salariés à des conditions préférentielles. Il y a des solutions" pour toutes les excuses à ne pas le faire.
Au final, pour l'économiste, cet impôt relève d'une question de souveraineté. "Un pays qui refuse de faire payer à ses plus riches citoyens le même impôt que les classes moyennes et les classes populaires, c'est un pays qui abandonne sa souveraineté et qui va dans le mur car vous faites perdre la confiance à une partie de la population".