"Dérive des arrêts maladie": les Français sont loin d'être ceux qui en prennent le plus en Europe

C'est une antienne assez récurrente. Les Français ne travaillent pas assez. Et ils sont trop souvent en arrêt maladie. La facture collective des arrêts maladie a augmenté de 25% depuis la fin du Covid selon Amélie de Montchalin, la ministre des Comptes publics.
L'Assurance-maladie y consacre désormais 17 milliards d'euros contre 10 milliards en 2010. Le cabinet Diot-Siaci relève également une durée moyenne des arrêts en constante augmentation. Tout en reconnaissant qu’une part non négligeable des arrêts maladie va de pair avec le vieillissement de la population active, le gouvernement s'inquiète d'une forte prévalence des arrêts maladie chez les jeunes.
L'Allemagne en tête du classement
Mais les arrêts maladie sont-ils un mal spécifiquement français? Comment se situe-t-on dans l'Hexagone par rapport à nos partenaires européens? Alors que la ministre des Comptes publics indique que les chiffres creusent l'écart avec l'Allemagne, il semblerait au contraire que le recours aux arrêts maladies n'est pas une pratique spécifiquement française. Selon les données OCDE "Absence from work due to illness", ce sont les Allemands qui sont en tête du classement avec 24,9 jours par an d'arrêt en 2022, suivis par la Lettonie et 20,4 jours puis par la République tchèque (19 jours).
Des pays comme l'Espagne, la Slovénie, les Pays-Bas ou le Luxembourg ont tous, selon l'OCDE, des nombres moyens de jours d'arrêts maladie supérieurs à la France.
Ces chiffres diffèrent de ceux donnés par la caisse d'assurance-maladie allemande, la Techniker Krankenkasse qui enregistre pour 2024 17,7 jours d'absence en moyenne par salarié sur les onze premiers mois de l'année. La France pointe elle à 14,2 jours selon les données OCDE. Si l'on se réfère aux chiffres de l'Insee de 2022, on relève un écart entre le public et le privé avec 19,2 jours dans le public, et 16,1 jours dans le privé.
Les jeux de données des pays diffèrent, ainsi que les définitions retenues et les modes de calcul. Mais quels que soient les chiffres considérés, l'Allemagne reste championne européenne des arrêts maladie, avec une progression constante chaque année.

Maladie, fatigue et risques psychosociaux
Si la nature du régime d'indemnisation peut expliquer l'importance du recours à des arrêts maladie, comme en France où un arrêt-maladie est indemnisé 50% du salaire jusqu'à six mois (complété généralement par les mutuelles) ou en Allemagne où les salariés sont indemnisés sans jour de carence à 100% de leurs revenus dans la limite de 78 semaines, la générosité des systèmes de santé n'explique pas tout.
La plupart des pays concernés relèvent une progression constante des chiffres depuis le Covid. Un rapport différent à la maladie et au risque de propagation infectieuse peut-être. Mais, comme le relèvent aussi les analystes et les membres du gouvernement, la survenue de maladies psychiques et la recrudescence des risques psycho-sociaux alimenteraient de plus en plus les arrêts maladie.
Selon l'étude Diot-Siaci portant sur les salariés français, la fatigue arrive en deuxième position des motifs d'arrêt les plus cités. Plus largement, les arrêts à répétition ou prolongés pourraient aussi être un symptôme d'une évolution du rapport au travail, jugé moins central dans la vie personnelle.