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"C'est une illusion d'optique": pourquoi la lutte contre la fraude sociale peut s'avérer paradoxalement trop coûteuse pour les finances publiques

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Invité de Radio Classique ce mardi 12 août, l'économiste et directeur général du Cercle de l'épargne Philippe Crevel a mis en garde contre le coût potentiellement élevé de la lutte contre la fraude sociale. S'il la considère "évidemment nécessaire" et "indispensable", il explique que "ce n'est pas ça qui va complètement rétablir l'équilibre des finances publiques".

À première vue, la somme est colossale. Mais pour l'économiste Philippe Crevel, la fraude sociale, estimée à 13 milliards d'euros en France par le Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), "reste limitée", a-t-il considéré au micro de Radio Classique ce mardi 12 août.

Si le directeur général du Cercle de l'épargne considère "évidemment nécessaire" et "indispensable" la lutte contre la fraude sociale, il a relativisé son intérêt, 10 jours après la présentation, par la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Catherine Vautrin, des grandes lignes du projet de loi visant à renforcer la lutte contre la fraude sociale.

"Il faut prendre en compte le coût pour lutter contre cette fraude sociale. (...) À un moment donné, ça peut coûter plus cher que le montant qui sera recouvré", a-t-il affimé.
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Seulement 600 millions d'euros recouvrés

Ces dernières années, les gouvernements successifs ont à plusieurs reprises renforcé leurs moyens de lutte contre la fraude sociale. Malgré les efforts et l'augmentation de nombre de fraudes détectées, seulement 600 millions d'euros ont été recouvrés selon le HCFiPS.

"C'est un combat permanent, un combat qui est sans fin, dans le sens où l'imagination des fraudeurs est assez illimitée en la matière. (...) Ce n'est pas ça qui va complètement rétablir l'équilibre des finances publiques, c'est une illusion d'optique", a commenté Philippe Crevel.

"La fraude sociale qui est visée par le gouvernement est une fraude qui est extrêmement pointiste, dans le sens où ce sont des bénéficiaires, localisés, des personnes qui peuvent être à l’étranger D’où la nécessité du compte courant en France pour bénéficier des aides sociales. C’est donc très compliqué d’aller chercher au cas par cas. Ce sont des individus, on ne rattrape pas d’un coup 50 millions ou 100 millions. Là, on est sur des petites sommes et c’est extrêmement compliqué, coûteux, cela nécessite du temps, du personnel derrière ", a détaillé l'économiste.

Dans son projet de loi qui sera soumis à l'examen des parlementaires cet automne, entre les textes budgétaires, le gouvernement prévoit ainsi de verser l'assurance chômage uniquement sur un compte bancaire situé en France ou dans l'Union européenne (UE).

L'administration mise aussi sur l'intelligence artificielle pour renforcer sa lutte contre la fraude sociale: cela "permet justement d'aller plus vite, et avec beaucoup plus de précisions que dans le passé", a souligné Philippe Crevel.

Caroline Robin