Travailler plus pour une indemnisation plus courte: comment le gouvernement compte serrer la vis sur l'assurance chômage

Photo du site de France Travail (photo d'illustration). - HJBC / Shutterstock
Moins de six mois après l'entrée en vigueur de la dernière convention d'assurance chômage, le gouvernement appelle déjà à la modifier. "La situation financière du régime de l'assurance-chômage et la nécessité de travailler plus nombreux rendent nécessaire une évolution des règles de l'assurance chômage", écrit le Premier ministre François Bayrou, dans une lettre de cadrage adressée aux partenaires sociaux ce week-end.
Consulté par BFM Business, le document indique notamment le souhait du gouvernement de durcir les conditions d'accès à l'indemnisation par France Travail. Et ce, en modifiant deux paramètres clés: la durée minimale de travail requise ainsi que la période de référence d'affiliation (PRA).
"La France est en effet l'un des pays de l'Union européenne où les conditions d'indemnisation sont parmi les plus favorables et présente une durée maximale d'indemnisation plus élevée que la moyenne européenne", affirme le locataire de Matignon.
Vers huit mois de travail minimum pour toucher le chômage?
Sans l'expliciter tel quel dans la lettre de cadrage, il est sous-entendu que le gouvernement attend des partenaires sociaux qu'ils s'accordent d'abord sur un allongement de la durée minimale de travail requise pour déclencher le versement des allocations chômage aux demandeurs d'emploi.
Actuellement, il faut avoir travaillé au moins six mois pour percevoir l'allocation chômage. La France fait ainsi partie des pays européens les plus généreux, avec les Pays-Bas, la Suède et le Luxembourg qui requièrent cette même durée pour indemniser leurs demandeurs d'emploi.
Mais la majorité des pays européens exigent au moins un an de travail pour ouvrir les droits: c'est le cas de l'Allemagne, de l'Espagne, du Portugal, de la Suisse, de la Belgique ou encore de la Finlande. L'Irlande est encore plus sévère que les demandeurs d'emploi doivent avoir travaillé au moins deux ans pour être indemnisé.
Pour rappel, lorsque Gabriel Attal était encore Premier ministre, il était envisagé d'allonger la durée minimale de travail requise de six à huit mois pour toucher le chômage. Mais sous l'effet de la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin 2024, le projet est tombé à l'eau et la dernière convention signée par les partenaires sociaux en novembre dernier n'a pas modifié ce paramètre.
La nouvelle lettre de cadrage rédigée par François Bayrou rouvre donc ce chantier sans pour autant se risquer à mentionner précisément la durée souhaitée. Cela pourrait très bien être sept mois, huit ou plus longtemps, sachant que la moyenne européenne tourne autour de 10 mois de travail minimum.
Raboter la période de référence d'affiliation
Mais pour "inciter" encore plus les allocataires à reprendre un emploi, le Premier ministre entend aussi raboter la période de référence d'affiliation (PRA), qui est décisive dans le calcul de vos droits au chômage.
En effet, actuellement, en France, il faut non seulement avoir travaillé au moins six mois… mais pendant les 24 mois qui précèdent la perte de l'emploi si vous avez moins de 55 ans, 36 mois si vous êtes plus âgé.
Sans l'annoncer clairement non plus dans la lettre, le gouvernement envisage de réduire la durée de cette période de référence d'affiliation. De cette manière, il faudrait avoir travaillé plus longtemps (peut-être huit mois par exemple), sur une période précédant la perte du précédent emploi plus courte.
Quand Gabriel Attal était à la tête de Matignon, il était question d'abaisser la durée de la période d'affiliation de référence à 20 mois pour les moins de 57 ans et 30 mois pour les plus âgés. Il n'est donc pas exclu que le gouvernement pousse à nouveau les partenaires sociaux à s'accorder sur ce scénario, qui implique aussi un changement sur les bornes d'âge.
Autrement dit, sans toucher directement la durée d'indemnisation des demandeurs d'emploi, en allongeant la durée minimale de travail et, surtout, en réduisant la période de référence d'affiliation, bon nombre d'allocataires subiront une baisse de leur durée d'indemnisation par France Travail.
Prenons l'exemple d'un allocataire qui a perdu son emploi après 22 mois de travail. Avec les règles actuelles, ces 22 mois de travail sont pris en compte dans le calcul de son indemnisation puisqu'ils figurent sur la période de référence d'affiliation de 24 mois. Or, si cette période de référence d'affiliation est abaissée à 20 mois, alors seuls 20 mois sur les 22 mois travaillés seraient pris en compte dans le calcul des allocations chômage. Après application du coefficient de 0,75 au nombre de jours calendaires, le demandeur d'emploi ne serait indemnisé que pendant 15 mois au lieu de 16,5 mois. Soit une perte d'un mois et demi d'allocation chômage.