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Assurance-maladie: des remboursements en fonction des revenus, cette piste pour réduire le déficit

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Faire payer davantage soins et médicaments à ceux qui ont des revenus élevés. C'est la proposition choc de la Cour des Comptes. Une idée pas totalement nouvelle qui remet en cause la conception profondément universaliste du modèle français.

Et si les dépenses de santé étaient remboursées en fonction des revenus? Comprendre, faire payer davantage actes chirurgicaux, boîtes de médicaments ou même remboursements optiques aux foyers disposant d’un revenu fiscal supérieur?

Telle est la proposition choc avancée dans la dernière note de la Cour des Comptes publiée le 14 avril. Une piste de réponse à une enveloppe des dépenses de santé en progression (l'Ondam, 265,4 milliards d'euros pour 2025) et un déficit de la Sécurité sociale qui devrait atteindre 19,9 milliards pour 2028.

Une proposition inspirée du modèle allemand...

Ce remboursement des soins en fonction des revenus, la Cour des comptes s'y réfère sobrement dans une section de son rapport intitulée "repenser le champ du remboursement par l’assurance maladie", qui comprend deux pistes.

Une contribution renforcée du patient pour "les actes ou des produits de santé dont les effets ont une efficacité limitée". Comme par exemple la prise en charge des soins de cure thermale, qui pourrait être diminuée, leur service médical n'ayant "pas été démontré".

Mais surtout, cette proposition de remboursement différencié est plus iconoclaste:

"Il serait possible de repenser le champ des soins remboursés par l’assurance maladie obligatoire en fonction du niveau de revenus des assurés, comme cela est appliqué en Allemagne".

En Allemagne effectivement un bouclier inversé de ce type est en place. Il s'agit de faire contribuer les assurés en fonction de leur revenu dans la limite d'un plafond maximal de contributions, de 10 euros maximum par jour ou de 2% du salaire par an.

...qui séduit moyennement

Cette proposition de moindre remboursement en fonction des revenus -si elle a l'avantage de réduire un peu les dépenses de l'Assurance-maladie- détricote le modèle universel français. Dans notre modèle hérité des ordonnances de 1945, chaque assuré bénéficie du même niveau de couverture de la Sécurité sociale pour les soins et les médicaments quelque soient ses revenus. Ce qui excède le plafond de prise en charge est souvent remboursé par les complémentaires santé, devenues obligatoires pour les salariés.

L'idée n'est pas totalement nouvelle, le ministre de l'Economie Eric Lombard avait déjà avancé cette proposition en janvier dernier.

"Peut-être qu’on peut davantage segmenter les catégories de population. Être remboursé à 100% des médicaments quand on a des revenus supérieurs à la moyenne, est-ce que c’est vraiment indispensable?", avait soulevé le ministre sur le plateau de LCI avant que cette communication ne soit démentie.

Un député de la majorité, Jean-Carl Grelier avait également déposé en mai dernier une proposition de loi plafonnant le reste à charge des consultations médicales et médicaments serait fonction d’un pourcentage du revenu annuel des patients.

Santé : rembourser en fonction des revenus ? - 16/04
Santé : rembourser en fonction des revenus ? - 16/04
3:27

Interrogés sur BFMTV, les réactions sont variées: "Les gens qui gagnent plus c’est qu’ils le méritent, réagit la cliente d'une pharmacie. Donc je ne vois pas pourquoi on les pénaliserait". D'autres clients estiment que faire payer davantage les plus riches pour la santé est "assez juste".

Cette mesure est défendue par certains au nom de la justice sociale; C'est oublier que le système actuel, s'il offre des soins au même prix pour tous, repose en revanche sur la solidarité de chacun dans la perception des contributions. "Les gens les plus riches payent davantage que les gens les plus pauvres, souligne Philippe Besset, président de la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France. On a une véritable justice sociale en France qui n'est pas sur les dépenses mais sur les recettes".

Une proposition difficile à faire passer donc. D'autant que différencier le niveau de couverture pourrait avoir des effets pervers et notamment remettre en cause le consentement à l'impôt des plus riches pour une couverture de santé qui leur bénéficie moins directement.

Marine Landau