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Croissance au plus bas en 30 ans, population qui recule encore... La Chine peut-elle encore rêver de dépasser les Etats-Unis ?

Des conteneurs d'expédition et des portiques sont visibles au port de Qingdao à Qingdao, dans la province du Shandong, à l'est de la Chine, le 26 décembre 2024.

Des conteneurs d'expédition et des portiques sont visibles au port de Qingdao à Qingdao, dans la province du Shandong, à l'est de la Chine, le 26 décembre 2024. - AFP

Avec une population qui recule et veillit et une économie qui patine, la Chine semble être entrée dans une ère de stagnation comme le Japon des décennies avant elle.

L'ogre chinois fait-il encore peur ? Le pays qui rêvait de devenir la première puissance mondiale n'y parviendra peut-être jamais. Longtemps le consensus établissait que la Chine dépasserait les Etats-Unis entre 2020 et 2030. Ce n'est plus aujourd'hui d'actualité. Le PIB chinois reste plus d'un tiers inféreur à l'américain, soit tout de même plus de 10.000 milliards de dollars d'écart.

La Chine a enregistré en 2024 une croissance économique de 5%, le rythme le plus faible depuis trois décennies hors période de Covid, minée par l'essoufflement brutal de la consommation et alors que l'arrivée de Donald Trump à la Maison blanche ravive le spectre d'une guerre commerciale.

Par ailleurs, la puissance démographique chinoise est aussi en déclin. Le pays a annoncé vendredi que sa population avait diminué pour la troisième année consécutive en 2024, confirmant une tendance à la baisse après plus de six décennies de croissance. La Chine comptait 1,408 milliard habitants à la fin de l'année 2024, a indiqué le Bureau national des statistiques (NBS) de Pékin, contre 1,410 milliard l'année précédente.

Malgré la fin de la politique de l'enfant unique en 2016, la natalité n'a pas redécollé en Chine. Beaucoup relient cette baisse de la natalité à la flambée du coût de la vie et au nombre croissant de femmes qui entrent sur le marché du travail ou poursuivent des études supérieures. Les personnes âgées de plus de 60 ans représenteront près du tiers de la population chinoise d'ici 2035, selon le groupe de recherche Economist Intelligence Unit. Ce qui aura des conséquences négatives sur l'économie dans les prochaines années.

Chiffre sujet à caution

Pour 2024, Pékin s'était fixé l'objectif d'une croissance "d'environ 5%" de son Produit intérieur brut (PIB), après une progression de 5,2% en 2023, sur fond de crise persistante du secteur immobilier, de consommation intérieure toujours atone et de tensions commerciales avec les Etats-Unis et l'Union européenne.

En 2024, le PIB chinois a atteint 134.908 milliards de yuans (17.867 milliards d'euros), selon des estimations officielles du Bureau national des statistiques (BNS) publiées vendredi.

Eminemment politique et sujet à caution, le chiffre officiel du PIB n'en reste pas moins très scruté, compte tenu du poids de la deuxième économie mondiale.

Un groupe d'économistes interrogés par l'AFP avaient anticipé en moyenne un taux de croissance légèrement plus bas (4,9%).

Mais le chiffre définitif est "souvent sujet à des ajustements stratégiques pour refléter des objectifs internes", avertissait en début de semaine à l'AFP François Chimits, économiste à l'institut Mercator d'études sur la Chine.

La Chine peine à se relever d'une grave crise de l'immobilier qui pèse sur le moral des consommateurs et sur les finances des collectivités locales.

Rare embellie dans ce sombre tableau, en 2024, les exportations du géant asiatique ont atteint le niveau record d'environ 3.400 milliards d'euros, en hausse de 7,1% sur un an, selon des données officielles publiées lundi.

L'augmentation des importations s'est par ailleurs traduite par une accélération de la production industrielle, qui a gonflé de 5,8% l'an dernier, contre 4,6% en 2023.

A l'inverse, les ventes de détail ont enregistré un net essoufflement, progressant de 3,5% l'an dernier contre une augmentation de plus de 7% en 2023: un ralentissement drastique signalant une consommation toujours sous pression à l'heure où les ménages inquiets préfèrent reporter leurs achats.

Signaux "mitigés"

Ces chiffres envoient un message "mitigé", estime Zhiwei Zhang, économiste chez Pinpoint Asset Management.

"Le changement de cap politique (économique) en septembre a permis à l'économie de se stabiliser au quatrième trimestre", avec une croissance de 5,4% du PIB sur les trois derniers mois de l'année, mais "le taux de chômage a dépassé les 5%", observe l'expert.

L'assombrissement du marché du travail est de nature à plomber encore davantage la consommation.

Les nuages s'accumulent également sur le commerce extérieur, moteur de sa croissance économique, suspendu aux droits de douane élevés promis par le président élu américain Donald Trump.

"Les effets défavorables dus à l'environnement extérieur augmentent, la demande intérieure est insuffisante, certaines entreprises rencontrent des difficultés dans leur production et leur fonctionnement, l'économie continue de faire face à des obstacles et des défis", a reconnu le BNS vendredi.

"Crise de confiance"

Certes, Pékin a multiplié l'an dernier les mesures de soutien, les plus massives de ces dernières années, pour inciter les millions de consommateurs à la dépense.

Les autorités ont promis d'assouplir encore leurs politique budgétaire en 2025 et de poursuivre ses mesures de soutien aux consommateurs, à l'image de la récente extension des subventions permettant aux ménages de remplacer leurs produits d'électroménager.

Ces dernières semaines la Banque centrale chinoise a indiqué envisager d'autres baisses de ses taux directeurs en 2025.

Mais selon les analystes, d'autres efforts seront nécessaires pour dynamiser la consommation, surtout au regard des perspectives plus incertaines en matière de commerce extérieur.

"Les soutiens de politique monétaire ne suffiront probablement pas à eux seuls à redresser l'économie", a déclaré à l'AFP Harry Murphy Cruise de Moody's Analytics.

"La Chine souffre d'une crise de confiance, pas de crédit, les familles et les entreprises n'ont pas suffisamment confiance dans l'économie pour emprunter, même si cela est très bon marché", ajoute-t-il.

"Un stimulus politique important et durable est nécessaire pour renforcer la dynamique économique et soutenir la reprise", ajoute Zhiwei Zhang.

Or, les efforts du gouvernement peinent encore à se transformer en rebond de la consommation: la Chine a échappé de justesse à la déflation en décembre, les prix augmentant à peine, signe d'une demande toujours morose.

Face à ces défis, le panel d'experts sondés par l'AFP prévoit un nouveau ralentissement de la croissance chinoise à +4,4% en 2025, avec le risque qu'elle trébuche sous 4% en 2026.

Frédéric Bianchi avec AFP