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Coronavirus: l'économie française face à une crise sans précédent

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Image d'illustration - Eric Piermont - AFP

A mesure que s’étend l’épidémie de coronavirus, la France s’enfonce dans une crise économique sans précédent. Mais avec l’espoir que celle-ci ne dure que quelques mois.

Des primes afin de "valoriser ceux et celles qui travaillent", c’est l’idée avancée ce jeudi par le président de la République Emmanuel Macron. Ces primes s’adresseront aux salariés qui poursuivent leur activité en pleine épidémie de coronavirus. Le président a notamment ciblé les agriculteurs, le secteur de l’agroalimentaire et de la grande distribution ou encore les industriels, autant de professions indispensables à la poursuite de l’activité alors que la population est appelée à rester confinée chez elle pour enrayer la progression du virus.

Clairement, depuis plusieurs semaines, l’économie française tourne au ralenti. Au premier trimestre, la croissance sera nulle. Toute la question est désormais de savoir quelle sera l'intensité de cette crise, et combien de temps elle risque de durer.

Une crise économique "puissante" 

Le gouvernement ne s’en cache pas, cela va tanguer. L’économie française va en effet subir un "coup d’arrêt puissant, massif brutal", a estimé ce jeudi le Premier ministre Edouard Philippe, même si son ampleur est encore difficile à évaluer.

"Il n’existe aucun modèle pour une crise comme celle-ci, où l’économie s’arrête progressivement dans chaque grande zone économique, résume Flavien Neuvy, économiste, président de l’Observatoire Cetelem de l’Automobile. Personne ne peut donc en estimer l’ampleur avant d’avoir dépassé le pic de l’épidémie dans le monde, notamment aux Etats-Unis, pour en tirer les enseignements".

Le gouvernement a déjà révisé ses prévisions de croissance, de 1,3% à -1% pour cette année. Le ministre de l'Action et des comptes publics Gérald Darmanin a lui annoncé que le déficit atteindra 3,9% du PIB.

"Le spectre d'une dette publique supérieure à 100 % du PIB n'a jamais été aussi proche", confiait au Parisien un fonctionnaire de la direction du Budget.

Selon les chiffres compilés par l’Observatoire BFM Business, la situation se montre bien plus critique. La croissance comme le déficit vont plonger entre 6 et 10%, selon les économistes interrogés. Au second trimestre, il faut s’attendre à un recul de 15% du PIB. "Du jamais-vu", résume Emmanuel Lechypre, éditorialiste économique chez BFMTV et BFM Business.

Des Français doublement touchés

En étudiant les pandémies précédentes comme la grippe espagnole au début des années 20 ou la grippe asiatique en 1957, on remarque que la crise sanitaire s’insinue par de multiples biais dans notre économie.

"Il y a un choc d’offre, un choc sur la force de travail, nous explique Eric Heyer, économiste à l’OFCE. Il y a des malades, des salariés qui ne viennent pas travailler pour se protéger ou d’autres qui doivent garder les enfants, car les écoles sont fermées. Cela a un gros impact sur la production".

En parallèle, la demande ralentit, car les entreprises n’ont plus de commandes de leur donneurs d’ordre qui n’enregistrent plus de demandes de la part d’une population qui ne peut plus sortir de chez elle. Et qui de surcroit s’inquiète face au virus, décale ses achats importants comme ses dépenses de loisirs.

Les prévisions de commandes de voitures annoncent par exemple une baisse de 75% sur les six prochaines semaines. Certains secteurs sont plus durement touchés que d’autres comme le tourisme, le monde du spectacle, la restauration. Ces secteurs enregistrent des pertes sèches. Un achat de voiture neuve se décale, un dîner au restaurant ne se fait pas deux fois, pour rattraper la période de confinement.

Préparer le rebond

Tous les regards sont désormais tourner vers l’Etat. Tout l’enjeu est d’assurer la survie des entreprises dans cette période critique. L’économiste Mathieu Plane en appelait ainsi à la mise en place "d’un fonds de 40 milliards d’euros pour recapitaliser les entreprises de l’économie réelle qui sont stratégiques pour notre économie".

Le gouvernement a débloqué d’un côté 45 milliards d’euros de soutien immédiat, dont 32 milliards de report de charges et 8,5 milliards d’euros pour le chômage partiel. Deux milliards d’euros sont destinés aux indépendants. Emmanuel Macron a aussi assuré des garanties bancaires à hauteur de 300 milliards d’euros afin de soutenir la trésorerie des entreprises. Aucune nationalisation ne serait en revanche dans les tuyaux.

Reste à savoir si ces sommes pourront compenser tous les chocs, notamment pour les indépendants, les salariés des start-up comme de la nouvelle économe type Uber et Deliveroo.

Tout n’est pas totalement sombre. Les économistes se montrent assez optimistes sur le front du chômage. Le chômage partiel doit préserver les salariés. Si les sommes et reports de charges promis par l’Etat arrivent rapidement, les entreprises qui ont du mal à recruter ces derniers mois ne devraient pas se séparer de leurs salariés. Le repli de l’activité pourrait seulement freiner les créations d’emploi comme l’arrivée des nouveaux entrants sur le marché du travail. En prenant à sa charge le coût de la crise, le gouvernement veut aussi garantir que les salariés ne perdront pas (trop) en pouvoir d’achat pendant cette période.

"Ce que l’on voit dans les pandémies précédentes, c’est qu’après une forte crise suit généralement un fort rebond, poursuit Eric Heyer. La politique économique s’avère ici très importante, les ménages ne doivent pas avoir perdu en pouvoir d’achat pour consommer. Il faut alors que les entreprises soient toujours là, prêtes à produire".

Une fin de crise en juin ou en septembre?

La question à laquelle personne ne sait pour l’instant répondre est: quand viendra ce rebond? "Contrairement à une crise immobilière ou financière qui dure des années, ici l’horizon de temps est bornée, l’exemple de la Chine nous l’indique, c’est une crise de quelques mois", poursuit Emmanuel Lechypre.

Reste à savoir si la France sortira de la crise sanitaire, et verra donc la reprise arriver, en juin ou en septembre… Lors de la reprise, les économistes estiment que la croissance remontra de 6 à 7%, de quoi atténuer les moins 15% du deuxième trimestre. 

"L’enjeu de ces trois mois de décalage de l’activité est colossal", résume Emmanuel Lechypre. Ces trois mois correspondent à trois à quatre points de PIB, la différence entre une récession de 6% en 2020 en France ou de 10%.

Pauline Ducamp