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Vraies fausses promotions, prix barrés: les astuces des distributeurs pour contourner l'inflation

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Les grandes enseignes mettent en avant les promotions sur de nombreux produits pour limiter les effets de l'inflation. Mais souvent, le consommateur n'est pas vraiment gagnant selon une nouvelle enquête du magazine 60 millions de consommateurs.

Les rayons des super et hypermarchés qui échappent à l'inflation se font désormais de plus en plus rares. Produits frais, produits emballés: la hausse des prix due à la flambée des coûts de l'énergie, des matières premières, des transports, du conditionnement est bien là et se voit sur le ticket de caisse.

La grande distribution cherche les parades pour minorer cet effet et préserver le pouvoir d'achat de leurs clients. Certains entendent multiplier les premiers prix et les promotions: "c’est en resculptant notre offre qu’on va amortir le choc, en remettant par exemple plus de premiers prix sur les drives et dans les rayons", expliquait ainsi récemment Michel Edoaurd Leclerc.

Cette tendance est d'ailleurs forte depuis plus d'un an en réalité. Selon les chiffres de IRS cités par le magazine LSA, l'an passé, 10,6% du chiffre d'affaires de la grande distribution étaient générés par des promotions annoncées dans les catalogues. Soit un niveau similaire à l'avant covid.

Promotions encadrées

Pourtant, les pratiques ne sont pas toujours très honnêtes, observe 60 millions de consommateurs dans une vaste enquête publiée dans son dernier numéro hors-série "Manger sain, bon et pas cher" actuellement en kiosque.

Comme le rappelle nos confrères, la loi encadre sévèrement ces promotions. Depuis fin 2018, la loi Egalim interdit aux enseignes toute promo supérieure à 34% dans l’alimentaire. Le seuil de revente à perte a été relevé de 10% et les magasins ne peuvent plus avoir plus d’un quart de leurs produits en promotion.

Or, il semble que certaines enseignes dépassent cette limite. "Exemple avec des «Tartinettes» chocolat noisette de la marque Jardin Bio Etic à Auchan. Avant promotion, «60» a acheté le paquet à 3,44 euros alors que, quelques jours plus tard, le prix en catalogue n’est plus que de 2,80 euros". Pour le coup le consommateur y gagne mais la pratique est illégale.

Inversement, le consommateur ne s'y retrouve pas quand les promotions affichées en gros chiffres sur les catalogues (le principal vecteur pour informer les clients) ne correspondent pas à ce que l'on trouve en rayons (ou pas d'ailleurs) ou dissimulent une manipulation tarifaire.

Laisser croire qu'en achetant plus, on paye moins

L'enquête de 60 millions de consommateurs pointe en effet l'absence récurrente des promotions en question dans les magasins concernés. L'association dit avoir "été confrontée à ces cas de figure à de trop nombreuses reprises, comme chez Carrefour, U Express et E.Leclerc. Une pratique commerciale trompeuse, selon le code de la consommation" au sens de l’article L121-2 du Code de la consommation. Et invite les consommateurs à signaler ces abus à la répression des fraudes.

Les vraies fausses promotions sont également légions. Dans une précédente enquête, l'association accusait également la grande distribution de gonfler le prix initial du produit, le prix de référence barré pour que la réduction appliquée soit plus attractive. Selon nos confrères, il arrive que le produit en question n’ait jamais été vendu à ce prix.

Autre pratique discutable, les lots de produits (par deux ou trois) qui laissent croire qu'en achetant plus, on paye moins. Mais où le prix au kilo ou au litre est finalement plus cher que celui du même produit vendu à l'unité. Ou encore proposer d'acheter deux mêmes produits en grand format avec le second à prix cassé, une offre pas toujours vraiment rentable.

"Exemple avec une promo chez Lidl: un paquet de 50 sachets de tisanes Éléphant est proposé à 2,27 euros, avec "-68% de remise sur le 2e". Le lot vous revient alors à 3 euros. Mais si vous n’achetez qu’une boîte… vous la payerez plus cher que deux formats classiques de 25 sachets (1,10 euro pièce)!", peut-on lire dans cette enquête.

Conseil de nos confrères, "bien vérifier que le prix au kilo, au litre ou à l’unité est vraiment en dessous de celui des formats classiques".

Contourner la hausse des prix en réduisant le poids

Parfois, ce sont les industriels qui leurrent le consommateur. Il y a la pratique désormais bien connue de réduire le poids des produits ou des portions afin de maintenir le même prix de vente. Des boîtes de biscuits avec moins de biscuits, des portions de fromage un peu plus légères... Peu de clients s'en rendent compte.

Plus vicieux, attirer le chaland avec une quantité supplémentaire et gratuite de produit qui en fait ne l'est pas vraiment. "Exemple à Lidl, avec ce paquet de jambon de Paris sans couenne, affublé du sticker "6 tranches + 3 offertes". Son prix: 2,95 euros alors que nous trouvons dans une autre enseigne un paquet de 6 tranches à 2,93 euros. Autrement dit, les trois tranches chez Lidl sont presque offertes, puisqu’elles nous coûtent 2 centimes. C’est certes peu, mais pas gratuit".

Enfin, 60 millions de consommateurs pointe ces affiches promotionnelles encore présentes en rayon mais qui ne sont en fait plus valables. Le consommateur s'apperçoit alors avoir en réalité payé le produit au prix fort une fois qu'il est passé en caisse...

Ou encore la stratégie qui consiste à appliquer une promotion sur un produit populaire pour mieux fortement augmenter le prix ensuite. Lors d'une enquête publiée en janvier, 60 millions avait observé qu'après la période de promotion, le prix des bonbons M&M’s avait augmenté de 80 centimes par rapport à son prix d’avant la promotion.

Promotion en hypermarché
Promotion en hypermarché © Olivier Dauvers

Mais ce n'est pas tout, l'imagination des enseignes et parfois sans limite pour attirer l'oeil du client avec de gros prix barrés. Comme le signale Olivier Dauvers, spécialiste du secteur dans son blog, c'est même parfois risible. Comme proposer un centime de rabais sur des gnocchis avec la mention "Moins cher!"

Interrogés par BFM Business, les grandes enseignes de la distribution n'ont pas encore retourné nos demandes de commentaires ou ne souhaitent pas commenter cette enquête, à l'image de Lidl.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business