Pourquoi le beurre et la crème pourraient venir à manquer

Va-t-on manquer de beurre et de crème prochainement? Après la sécheresse historique qui a touché la France cet été, la présence des produits laitiers pourrait être plus clairsemée dans les rayons des supermarchés. Car, dans les prés, l'herbe n'est plus verte: les pâturages ont souffert du printemps sec puis des épisodes successifs de canicule. Les éleveurs de vaches laitières n'ont plus assez d'herbe pour nourrir leurs animaux, les contraignant à puiser dans les stocks de fourrage prévus pour les temps hivernaux ou à acheter de l'alimentation.
À la sécheresse estivale, s'ajoute la flambée des coûts de production. Déjà le prix de l'alimentation animale, nécessaire pour compléter le manque de fourrage, mais aussi les engrais pour faire pousser les cultures fourragères et le carburant pour faire tourner les engins agricoles. Le prix du lait grimpe aussi, mais pas suffisamment pour permettre aux éleveurs de compenser la forte des coûts de production – les appels à faire passer le prix de vente du lait à 1 euro le litre dans les supermarchés se multiplient depuis le début de l'année.
Moins de vaches laitières
Face à cette équation difficile à résoudre, certains éleveurs choisissent de se séparer d'une partie de leurs animaux pour réduire leurs charges et faire entrer un peu de trésorerie, en envoyant à l’abattoir des vaches encore en âge de produire. D'autres producteurs, dans le pire des cas, peuvent aussi purement et simplement abandonner l'élevage. Moins de vaches laitières, cela signifie une moindre production de lait, et donc moins de lait disponible pour l'industrie agroalimentaire. D'autant plus que les vaches produisent moins de lait en période de canicule.
Une situation qui pèse sur la production de beurre et de crème. La tension est forte sur les matières grasses laitières, tirées par une demande croissante au niveau mondial, et alors même que la collecte de lait diminue depuis plusieurs années en raison d'un manque de renouvellement des exploitations (la sécheresse n'est venue qu'aggraver le phénomène). Le géant Lactalis, propriétaire des marques Lactel et Président, a évoqué le risque de pénurie auprès du magazine 60 millions de consommateurs, évoquant aussi un lait moins gras du fait d'une nourriture animale plus pauvre.
"La collecte de lait au printemps permet habituellement de produire et de constituer des stocks importants pour compenser le déficit habituel de matière grasse sur le deuxième semestre", a expliqué une porte-parole de Lactalis au magazine. "Jamais, à l’abord de cette deuxième partie de l’année, les stocks de beurre n’ont été aussi faibles. On peut donc s’attendre à une très forte pénurie".
Raréfaction plutôt que pénurie
Le président-directeur général de la Fédération nationale de l’industrie laitière (Fnil), François-Xavier Huard, se veut néanmoins rassurant: il ne faut pas s'attendre à des rayons entièrement vides dans les supermarchés. Reste que la production risque d'être perturbée par ce manque de lait. Les industriels laitiers "vont probablement faire des arbitrages entre les produits laitiers, en fonction des disponibilités et du prix", explique le patron de la Fnil, qui rassemble les entreprises laitières. Mais il est difficile de dire aujourd'hui quels seront ces arbitrages.
"Il faudrait parler de raréfaction plutôt que de pénurie. On ne manquera pas de beurre ou de crème, mais il n'y aura peut-être pas autant de quantités et autant de diversité dans les gammes qu'habituellement", souligne François-Xavier Huard.
De quoi craindre des achats compulsifs de certains clients en cas de moindre disponibilité de beurre ou de la crème dans les magasins, rappelant l'effet "huile de tournesol" au printemps lié à la guerre en Ukraine. Une partie des consommateurs, craignant une éventuelle pénurie, avait réalisé des achats de précaution pour stocker des bouteilles à la maison, une surconsommation qui avait aggravé le manque temporaire d'huile de tournesol et vidé les rayons dans certains supermarchés, convaincant d'autres consommateurs de faire de même.