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Les livreurs de Deliveroo et UberEATS craignent de propager le coronavirus

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- - Philippe LOPEZ / AFP

Une grève se prépare pour vendredi chez les coursiers à vélo des plateformes de livraison de repas à Lyon. Ces livreurs estiment que leurs nouvelles règles sanitaires n’écartent pas les risques et que leur activité devrait s’arrêter.

Vendredi à Lyon, à 20h, les livreurs à vélo de Deliveroo, UberEATS et autres plateformes se mettront en grève. A l’appel de la CGT des coursiers à vélo, ils protesteront contre “le gouvernement et les plateformes de livraison (qui) mettent en danger les livreurs”. En pleine épidémie, ils considèrent que, même avec les nouvelles règles édictées par l’exécutif, continuer à livrer des repas est une hérésie. 

Le gouvernement a en effet publié dimanche un “guide des précautions sanitaires à respecter dans le cadre de la livraison de repas à domicile”. Ce texte prévoit par exemple que les restaurants désignent une salle distincte de la cuisine pour la récupération de commande. En principe, le livreur y dépose son sac ouvert, sort, puis le cuistot remplit le sac, le referme, sort à son tour, et le livreur revient chercher le sac. 

Dans les faits, “un livreur me racontait qu’hier, à Bordeaux, le restaurateur était sorti lui donner la commande en mains propres, sans gants. Comme le livreur a eu un mouvement de recul, il a rigolé en disant, ’t’inquiète, j’ai pas le virus”, rapporte Arthur Hay, représentant CGT des livreurs à vélo de Gironde. “Alors bien sûr, la grande majorité des restaurateurs et des livreurs jouent le jeu, mais il suffit qu’un ou deux ne le fassent pas pour faire courir des risques à tout le monde”, se désole le jeune homme. 
Autre nouvelle règle censée garantir des livraisons de repas sans danger: les livreurs doivent se laver les mains aussi souvent que possible. “Mais où peuvent-ils le faire? Ils ne peuvent pas entrer dans les restaurants, encore moins chez les clients, et il n’est pas prévu de leur fournir du gel hydroalcoolique”, déplore Ludovic Rioux, des Coursiers de Lyon en lutte. 

Aucun contrôle prévu 

Deliveroo précise toutefois que les livreurs vont être pourvus en gel "dans les prochains jours", et qu'en attendant, "ils peuvent se faire rembourser leurs achats" par la plateforme. L'entreprise souligne aussi avoir "mis en place un service gratuit de téléconsultation de médecins". 

Si les livreurs tombent malade, il seront bien indemnisés par les plateformes, mais de 30 euros par jour, “soit 420 euros par mois, soit moins que le RSA”, s’indigne le livreur bordelais. 

Certains essaient donc de suivre au mieux les recommandations en se baladant avec une bouteille remplie d’eau savonneuse. Les autres n’ont de toute façon aucune amende ou rappel à l’ordre à craindre: “à ce stade, ce guide des bonnes pratiques n’est pas une loi”, souligne le porte-parole du ministère du Numérique, qui s’est chargé de le rédiger. Il n’est donc pas contraignant. Et “de toute façon, on n’a jamais eu aucun contrôle sanitaire, pas même en temps normal”, pointe Ludovic Rioux. 

Ni aide, ni chômage partiel

Malgré leurs inquiétudes et leur volonté de ne pas propager le virus, les “coursiers veulent sortir parce qu’ils sont payés à la tâche”, rappelle Arthur Hay. Même si d'après lui, il y a très peu de commandes en ce moment, et très peu de restaurants qui livrent.

Quant à ceux qui voudraient cesser le travail et toucher l’aide de 1.500 euros promise par l’Etat aux entrepreneurs et indépendants, ce n’est pas gagné: “il faut pouvoir justifier que son chiffre d’affaires du mois de mars 2020 a été inférieur de 70% à celui de mars 2019. Mais le confinement n’est intervenu que le 15 mars, et on a beaucoup travaillé début mars en pensant que ça allait s'arrêter après”, souligne Ludovic Rioux, le représentant des livreurs lyonnais. 

Circonspects quant au caractère “essentiel pour la nation” de livrer des bobun ou des tacos, des livreurs appellent donc au débrayage vendredi à 20h. Ils espèrent obtenir “un revenu de remplacement afin d’empêcher la propagation du virus pour les seuls profits des plateformes”. 

Nina Godart