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Essayage à domicile, peluches sous clé, rayons espacés... Les magasins préparent le déconfinement

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A quelques jours du déconfinement, les magasins non-alimentaires se préparent à une réouverture compliquée. Des nouvelles mesures complexes sont mises en place et de nombreux points de vente devraient rester fermés.

Malgré le déconfinement, les commerçants privés de clients depuis des semaines ne misent pas sur une frénésie d'achats. A partir du 11 mai, la plupart des magasins non-alimentaires fermés depuis mars vont pouvoir rouvrir, mais les habitués risquent de ne pas reconnaître leurs points de vente préférés. Les magasins devraient être moins fournis, le rayonnage revu pour pouvoir mieux circuler, les cabines d'essayage pour la plupart interdites d'accès. Bref, le shopping n'est pas près de reprendre comme hier.

"Les clients risquent d'ailleurs de ne pas revenir en masse, estime Laurent Thoumine, le responsable du secteur "retail" chez Accenture. En Italie, on voit que ça ne revient pas. On observe des décrochages de fréquentation de l'ordre de 25% ou plus. En sortant de déconfinement, on ne se dit pas "tiens j'ai besoin d'un jean"".

Et ce jean surtout on ne l'achètera plus de la même façon. Le premier changement se fera au niveau de l'accueil des clients. Pour gérer les flux dans les magasins, des personnes seront chargées, comme dans certains supermarchés aujourd'hui, d'accueillir les clients et de gérer les flux dans le magasin. S'il y a trop de monde à l'intérieur, on ne rentre pas. "C'est comme aux Etats-Unis avec ce qu'on appelle les greaters qui sont des hôtes d'accueil, explique Laurent Thoumine. De nombreuses enseignes font faire gérer les flux comme cela mais elles ne veulent pas encore communiquer dessus car le sujet est sensible pour les marques qui ne veulent pas faire fuir les clients en leur disant qu'il y aura des files d'attente."

La cabine d'essayage à la maison

En revanche, aucune grande enseigne ne devrait imposer le port du masque. Elles n'y sont pas légalement tenues et elles craignent, en l'imposant, de faire fuir des clients déjà peu nombreux.

Il va non seulement falloir gérer les flux à l'entrée mais aussi à l'intérieur du point de vente. Les petits magasins revoient actuellement leur rayonnage afin d'aérer les couloirs pour que les clients puissent se croiser. C'est le cas des enseignes de prêt-à-porter. Dans d'autres commerces comme le bricolage ou le jouet, on privilégie un sens de circulation unique. "Nous sommes en train d'imposer dans nos magasins un sens de circulation obligatoire pour éviter que les gens ne se croisent", explique Franck Mathais, le porte-parole de JouéClub.

Mais la plus grande difficulté pour les magasins sera d'imposer des règles pour limiter le contact des clients avec les produits. Dans le textile, où l'on prend les vêtements, on les essaye dans une cabine fermée, on le repose en rayon, ça tourne au casse-tête. Si certains magasins font fermer leurs cabines d'essayage, ce n'est pas le cas de toutes. Kiabi par exemple, qui possède de grandes cabines devrait les laisser accessibles. 

D'autres grande enseignes vont privilégier l'essayage... à domicile. C'est le cas de Zara et de H&M. Dans les magasins Zara, il sera par exemple conseillé via un affichage de prendre les vêtements, de les rapporter chez soi pour les essayer et de rapporter le lendemain ceux qui ne conviennent pas. Les retours risquent d'être importants mais c'est le prix à payer pour attirer à nouveau les clients.

Dans d'autres magasins, les produits sous emballage seront accessibles mais pas les autres. Dans les magasins de jouets par exemple, pas question de toucher les peluches. "Nous les mettrons sous plexiglass et il faudra demander au vendeur qu'il vous la donne, indique Franck Mathais. Nous sommes obligés de faire de la vente accompagnée pour ce type de produit, c'est le point le plus sensible chez nous."

L'autre grosse difficulté concerne le nettoyage des produits. Dans l'habillement, pas question évidemment de laver les produits ou de les désinfecter avec des produits chimiques qui pourraient les décolorer. Les enseignes qui le peuvent s'équipent de machines à UV pour tuer bactéries et virus éventuels. "C'est le rush actuellement pour acheter ces machines, explique Laurent Thoumine. Les magasins possédaient des défroisseuses mais pas ce type de machines."

Dernier point: le paiement. Peu d'enseignes de non-alimentaire sont équipées de caisses automatiques comme dans la grande distribution alimentaire. Seule Decathlon en possède. Les magasins vont donc comme dans les supermarchés protéger les hôtes de caisse avec du plexiglass et privilégier le paiement par carte. D'ailleurs, à partir du 11 mai, le plafond du paiement sans contact va passer à 50 euros contre 30 aujourd'hui. Cela permettra d'éviter de manipuler des espèces. 

Des mesures qui devraient donc rassurer les clients mais risquent d'être coûteuses. Ce qui va compliquer l'équation financière pour un secteur du commerce déjà très touché par le confinement. "Il ne faut pas se leurrer, il va y avoir des fermetures de magasins par vagues, assure Laurent Thoumine. Des enseignes ont déjà annoncé que certains magasins ne rouvriraient pas. Elles vont migrer petit à petit vers le e-commerce. Depuis quelques semaines, on observe une hausse considérable de produits sur les marketplaces internationales comme Amazon, Asos, Alibaba." D'autres vont privilégier la prise de rendez-vous en magasin avec des vendeurs comme Boulanger par exemple. Le commerce de demain sera plus digital qu'hier. Et sans doute plus pauvre.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco