Coronavirus: qu'est-ce qui provoque des ruptures de stock en supermarché?

Chaque semaine, un nouveau rayon est sous tension. - AFP
La semaine dernière, les oeufs se faisaient rares dans les rayons. Celle d’avant, c’étaient les pâtes, et cette semaine, la France se plaint de ne pas trouver de farine en supermarché. Le gouvernement, qui martèle qu’aucune pénurie alimentaire n’est à craindre, évoque seulement des ruptures de stock temporaires. Mais d’où viennent-elles?
Tout simplement d’un “écart inédit entre la demande et l’offre”, explique Yves Marin, expert du secteur au sein du cabinet Bartle. Avec d’un côté, une demande complètement imprévisible, et de l’autre, une offre complètement déboussolée.
Des fluctuations folles de la demande
“Ces dernières semaines, les achats alimentaires des Français évoluent à toute vitesse, parfois de manière totalement irrationnelle. Les internautes qui voient des vidéos de gens se ruer sur le papier toilette courent à leur tour en acheter. Le jour d’après, ce sont les oeufs ou la farine, et les filières qui fabriquent ces produits n’arrivent pas à suivre ces fluctuations folles, puisqu’elles ont des contraintes de production”, pointe Yves Marin.
Les besoins des Français ont par ailleurs beaucoup changé depuis que la France s’est confinée. Désormais, ils mangent trois fois par jour à la maison.
“La baisse des repas hors domicile et des repas livrés à domicile engendre un report très fort sur le commerce de proximité”, souligne l’expert de la grande distribution.
Mais impossible de prévoir où vont se reporter ces volumes: 20% des Parisiens ont quitté la capitale avant le confinement, certains villages de province ont vu leur population doubler, voire tripler. La grande distribution n’a ainsi pas pu anticiper que des hypers franciliens allaient se vider de clients, et des supermarchés de petites villes s’en remplir.
L'intelligence artificielle désemparée
Les chaînes de supermarchés ont eu d’autant plus de mal à s’adapter que d’habitude, elles construisent leur assortiment grâce à des algorithmes. Des formules de calcul basées sur la saisonnalité, qui prévoient par exemple de mettre plus de glaces en rayon à l’orée d’une semaine de beau temps, et davantage de chocolats quand arrive Noël. Or dans le contexte actuel, “l’intelligence artificielle n’aide pas, parce qu’elle ne sait prédire que des choses prévisibles” souligne Yves Marin.

Autre problème qui pèse sur la gestion des stocks: celui de la main d’oeuvre. Selon l’Association nationale des industries alimentaires, un tiers des PME et TPE de la filière agroalimentaire déplore plus de 10% d’absentéisme, lié aux arrêts maladie, aux droit de retrait, à la nécessité de garder les enfants, etc.
Du coup, les distributeurs, déjà confrontés aux baisses de production de pays fournisseurs de denrées comme l’Italie, et aux problèmes logistiques liés au confinement, manquent encore plus de visibilité sur leur approvisionnement.
“Globalement, on parle de ruptures sur 10% des produits alimentaires ces jours-ci. Mais au fond, il devrait y en avoir beaucoup plus que ça”, estime Yves Marin. En tout cas, aucun risque de pénuries selon lui. “Il y a juste un peu de tension sur certains produits. Cette semaine, c’est la farine, ça va durer quinze jours, le temps d’adapter la production”.