Cinq Premiers ministres en deux ans: entre instabilité politique et tensions budgétaires, la France inquiète les investisseurs

La démission surprise du Premier ministre Sébastien Lecornu plonge à nouveau la France dans le grand flou... Et ravive les inquiétudes des investisseurs quant à la situation politique et budgétaire du pays, pesant sur la Bourse de Paris et relevant le coût de la dette.
La Bourse de Paris a terminé en baisse de 1,36% lundi 6 octobre et le taux d'intérêt de la France à dix ans a grimpé à 3,61% juste après la démission, avant de revenir en fin de journée à 3,57%. L'euro a lui aussi flanché face au dollar. Entre impasse politique, incertitudes budgétaires et volatilité des marchés, les sources d'inquiétude pour les investisseurs se multiplient.
La menace d'une dissolution
Il y a d'abord "la probabilité qu'il y ait une dissolution" de l'Assemblée nationale, affirme à l'AFP Philippe Cohen, gérant de portefeuilles chez Kiplink. Emmanuel Macron s'est d'ailleurs dit prêt lundi à "prendre ses responsabilités" en cas de nouvel échec du Premier ministre démissionnaire Sébastien Lecornu, auquel il a donné 48 heures pour tenter des négociations de la dernière chance.
Les investisseurs craignent entre autres le retour "de la gauche, qui pourrait revenir sur la réforme des retraites, les impôts", et qui est vue comme plus dépensière et donc moins à même de gérer la dette française, explique Philippe Cohen.
L'absence de budget
"On a une inconnue sur comment va se faire le financement du budget 2026 et les marchés n'aiment pas l'inconnu", affirme également Philippe Cohen.
La démission de Sébastien Lecornu compromet effectivement la présentation d'un budget avant le 13 octobre, rendant plus probable le vote d'une loi spéciale pour permettre à l'Etat de fonctionner a minima.
Sur le marché de la dette, le taux de l'emprunt français à dix ans a dépassé lundi les 3,61% juste après l'annonce de la démission, touchant son plus haut niveau depuis mars. Il est ensuite revenu en fin de journée à 3,57%.
Le "spread", ou l'écart entre les taux d'emprunt français et allemand à 10 ans, la référence sur les marchés, atteint désormais 0,85 point de pourcentage, pour la première fois depuis janvier.
Avant la dissolution de l'Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron en juin 2024, cet écart se situait autour de 0,50 point de pourcentage.
Une crise politique qui dure
La démission de Sébastien Lecornu met surtout en lumière "la nature précaire du système politique français", relève Danni Hewson, responsable de l'analyse financière chez AJ Bell dans une note.
"La grande question est de savoir ce qui va se passer ensuite, car après cinq Premiers ministres en deux ans, trouver une solution viable - même temporaire - est devenu de plus en plus difficile", poursuit-il.
En 2024, la dissolution de l'Assemblée nationale avait coupé l'herbe sous le pied du CAC 40, qui affichait une croissance de 6% sur l'année avant l'annonce en juin... pour finalement reculer de 2,15% sur l'année.
Depuis, l'indice vedette "revenait sur les plus hauts historiques" et "commençait à rattraper son retard", souligne M. Cohen. Désormais, depuis le début de l'année, le CAC 40 s'inscrit en hausse de 8% environ, contre presque 16% pour le FTSE 100 de Londres et 22% pour le Dax de Francfort.
Un filet de sécurité
Les observateurs relèvent cependant peu de risque de contagion d'une situation franco-française. "Le marché français subit les affres de sa politique intérieure", résume Philippe Cohen.
"La forte chute des actions bancaires françaises, la baisse de l'euro et la hausse des 'spreads' soulignent le poids de la paralysie prolongée" de la situation politique. Mais "la hausse des 'spread' n'est pas, à ce stade, suffisante pour déclencher l'instrument TPI de la BCE", la Banque centrale européenne, affirment les analystes de Evercore ISI.
En cas de tensions sur le marché de la dette, la BCE dispose en effet dans son arsenal d'un "Instrument de protection de la transmission" (TPI), lui permettant d'acheter des titres de dette d'Etat dont les rendements augmenteraient trop vite par rapport à ceux de l'Allemagne.
"L'existence de ce filet de sécurité continue d'aider à contenir" la hausse des rendements de la dette française, poursuivent les analystes.