Carburant: comment les importations ont permis d'éviter la panne sèche

50% du diesel consommé en France est importé. - Pixabay
Pourquoi la France n'est pas encore tombée en panne sèche? Alors que six raffineries sur sept sont à l'arrêt sur le territoire métropolitain et que les Français se ruent par précaution dans les stations-service (+50% d'achat de carburant dans la grande distribution depuis quelques jours), le taux de stations en situation de pénurie est certes important (30,8% ce mercredi) mais il avait été bien pire par le passé. En octobre 2010, c'était plus de 40% des stations qui étaient à sec dans le cadre d'un conflit sur les retraites. En 2000, un blocus des routiers et des agriculteurs sur les raffineries avaient causé des ruptures totales ou partielles de carburant dans 80% des stations du pays.
Pour éviter le blocage total des épisodes précédents, le gouvernement a activé divers leviers.
"Les mesures prises (libération des stocks stratégiques, réorientation des flux logistiques, hausse des imports, dérogations pour le temps de conduite des transporteurs et pour leur circulation le week-end...) ont permis d'augmenter de l'ordre de 20% les livraisons au niveau national", indique-t-on du côté du ministère de la Transition énergétique.
Si l'Etat a commencé à libérer quelques jours de stock stratégique (sur les 115 qu'elle détient au total), les pétroliers de leur côté se sont ces derniers jours tourné massivement vers l'importation de carburant.
+50% d'importations de carburant
"On a une géographie particulièrement favorable pour les importations, voyez tous les ports en méditerranée, en Atlantique, on a du produit partout en Belgique, en Angleterre, en Hollande..., rappelle Francis Duseux, ancien président France d’Esso (Exxonmobil France) sur BFMTV. Les importations ont d'ailleurs déjà commencé."
Selon l'Ufip qui représente les professionnels du secteur, les importations couvrent même ces derniers jours presque l'intégralité des déficits de production liés à l'arrêt des raffineries. Les importations de carburant ont en effet bondi de 50% depuis une semaine dans l'Hexagone.
Pour le gazole, cela ne pose pas de problème. Le pays qui produit principalement de l'essence est structurellement importateur du carburant des véhicules diesel. La moitié du gazole consommé en France provient déjà de l'étranger (Russie et Etats-Unis principalement). Ces derniers jours, les importations de gazole ont bondi de 30%.
La nouveauté concerne surtout l'essence. La France qui est largement excédentaire dans sa production d'essence est passée en quelques jours de pays exportateur à pays importateur. Il a donc fallu inverser les flux, ce qui est évidemment complexe.
Des importations au prix fort
Les opérateurs qui alimentent les stations des pétroliers et de la grande distribution s'approvisionnent principalement sur les marchés du nord de l'Europe. De Belgique, des camions viennent ravitailler les stations du nord-est du pays. Mais ce sont surtout les pétroliers qui viennent de Rotterdam et d'Amsterdam aux Pays-Bas et qui viennent alimenter les dépôts de Rouen ou Dunkerque qui permettent d'alimenter les grandes régions comme l'Ile-de-France et les Hauts-de-France pour limiter la casse.
Si ces achats d'urgence permettent d'éviter la panne sèche, ils se font en revanche au prix fort. Les réseaux achètent ces cargaisons en spot, c'est-à-dire hors contrat, comme les stations-service indépendantes. Sur ce marché de gré à gré, les traders peuvent gonfler leurs profits, surtout dans cette situation de pénurie où ils se savent en position de force.
Ce qui s'est immédiatement traduit par une explosion des prix à la pompe. La semaine dernière, le gazole a pris près de 11 centimes et le SP 95-E10 plus de 7 centimes. Si les stations sont soupçonnées de profiter de la situation, c'est ce nouvel approvisionnement qui explique la majeure partie de cette hausse. Avec la hausse de la demande française, les prix du gazole ont pris 6 centimes sur le marché de Rotterdam. Le prix du brut a lui aussi enflé ces derniers jours suite à l'annonce en début du mois de la baisse de production des pays de l'OPEP+. Si la France a évité la panne sèche, elle l'a payé au prix fort.
