Budget: les plus riches devraient être mis à contribution au nom de la "justice fiscale"

Eric Lombard, directeur général de la Caisse des Dépôts (CDC), arrive au Palais de l'Elysée à Paris le 11 décembre 2018. - LUDOVIC MARIN / AFP
Possible augmentation de la "flat tax", lutte contre la "suroptimisation" fiscale: le budget que prépare le gouvernement devrait comporter des mesures de "justice fiscale" consistant à taxer davantage les plus riches, et ainsi réduire "la défiance" des Français vis-à-vis des inégalités.
Le tabou des impôts, abaissés de quelque 50 milliards d'euros en sept ans de macronisme, s'est fissuré depuis la dissolution. Alors que le gouvernement Barnier promettait de répartir les efforts de réduction du déficit public aux deux tiers sur les baisses de dépenses et à un tiers sur les hausses d'impôts, le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici anticipait plutôt jeudi "un équilibre fiscalité-économies" dans le budget du gouvernement Bayrou. "On voit bien que le débat sur la justice fiscale est très présent", a-t-il dit.
"Moi je suis pour la justice fiscale", a en effet assuré le 6 janvier le ministre de l'Économie Éric Lombard, décrit comme "un homme de gauche" y compris par le premier secrétaire du PS Olivier Faure, dont il est un ami. Il a reçu tous les partis politiques la semaine dernière à Bercy, en compagnie de la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin, plutôt macroniste pour sa part.
Impôt minimal de 20%
"Nous ne voulons pas réduire le déficit en augmentant les impôts pour les classes moyennes", a déclaré celle-ci vendredi, suggérant une hausse en revanche pour les revenus les plus élevés. Le gouvernement Barnier, déjà, avait prévu une telle mesure dans son budget, avant d'être censuré le 4 décembre. Il s'agissait d'obtenir que les plus riches payent effectivement un impôt minimal à 20% sur leurs revenus.
Pour gagner du temps, alors que le pays a commencé l'année sans budget, c'est du texte Barnier que repartira la discussion budgétaire au Sénat mercredi, quitte à l'amender en cours de route avec les mesures voulues par François Bayrou. Techniquement, la mesure sur l'impôt minimal ne peut être reproduite telle quelle, pour des questions de rétroactivité.
"Ma conviction est que sur les hauts revenus tout le monde doit payer sa part" a en tout cas remarqué la semaine dernière Amelie de Montchalin: "l'optimisation fiscale n'est pas illégale", mais il ne faut pas de "suroptimisation fiscale", a-t-elle déclaré. Elle a notamment visé "les impôts qui ne sont parfois pas payés parce que vous créez des holdings, des montages très complexes", pour y échapper.
"Ma main ne tremblera pas"
Une phrase qui pourrait viser le pacte Dutreil, dispositif fiscal qui allège la charge fiscale sur les transmissions d'entreprises familiales: la loi est parfois dévoyée, les chefs d'entreprise plaçant dans la holding transmise des biens qui n'ont rien à voir avec l'activité de l'entreprise. Mais une autre piste, a mentionné en sortant de son rendez-vous à Bercy le sénateur centriste Hervé Marseille, serait de taxer les hauts patrimoines détenus dans des holdings.
Avec un taux beaucoup plus bas, le projet, selon le journal l'Opinion, s'inspirerait de la taxe Zucman, du nom de l'économiste Gabriel Zucman, qui recommandait de taxer chaque année de 2% la fraction de patrimoine excédant un milliard d'euros. Piste moins innovante que n'a pas exclue Eric Lombard, une hausse "modérée" du taux du prélèvement fiscal unique (PFU) ou "flat tax", qui taxe les revenus du capital. Selon des discussions toujours en cours à Bercy lundi, un passage de son taux de 30% à 33% serait à l'étude.
Dans un pays sans parti dominant, il y a enfin "un sujet où il y a une majorité au Parlement", a relevé la semaine dernière Mme de Montchalin : "la lutte contre la fraude fiscale" car "ce qui rend les Français défiants est de se dire que certains ne paient pas leurs impôts". "Je prendrai dans les toutes prochaines semaines un plan d'action très ambitieux, ma main ne tremblera pas", a-t-elle affirmé.