BFM Business
Economie

Bouygues et Free s’écharpent sur le rachat de SFR

placeholder video
Les éternels rivaux ne parviennent pas à trouver d’accord sur le partage des activités de SFR. Les abonnés de la marque Red sont au cœur de leur bras de fer.

Les négociations ont repris mercredi 3 septembre dans une ambiance crispée.

"C’est très tendu et si aucun accord n’est trouvé d’ici mi-octobre, on refermera le dossier", lâche un protagoniste. Bouygues et Free discutent depuis plusieurs mois d’un rachat de SFR. Ils tentent de trouver un accord pour se partager les activités de leur concurrent. Mais avant la pause estivale, fin juillet, les deux opérateurs télécoms n’avaient pas abouti.

"On était trop loin d’un compromis, résume une autre source proche des négociations. Chacun trouve que l’autre est trop gourmand et personne ne veut céder".

Une nouvelle réunion doit se tenir ce mercredi, preuve que les deux camps essaient d’avancer.

La rivalité féroce entre les deux propriétaires Xavier Niel et Martin Bouygues dure depuis vingt ans. Il y a encore quelques semaines, leurs entourages promettaient pourtant que l’ambiance s’était apaisée et que les dirigeants de Bouygues, Olivier Roussat, et de Free, Thomas Reynaud, s’entendaient bien. Ça n’a pas duré.

Patrick Drahi joue les médiateurs

Au point que le propriétaire de SFR, Patrick Drahi, a pris son bâton de pèlerin pour jouer les médiateurs. Selon plusieurs sources, il était à Paris fin août pour rencontrer les protagonistes un à un: un déjeuner avec Martin Bouygues et une rencontre en tête-à-tête avec Xavier Niel puis avec la directrice générale d’Orange, Christel Heydemann, qui participe aussi aux négociations.

"Son message était clair: je suis en train de boucler la restructuration de SFR donc maintenant, j’attends votre offre", résume un bon connaisseur du dossier. La dette de l’opérateur sera réduite de 24 à 15 milliards d’euros à la fin du mois de septembre.

SFR temporise en attendant que son plan de sauvegarde soit définitivement validé. La Cour d’appel de Paris se prononcera ce jeudi sur un recours des syndicats.

"Aucun processus de vente n’a été lancé, et aucune offre, pas même indicative et sans valeur, n’a été reçue, assure Arthur Dreyfuss, le patron d’Altice France, maison-mère de SFR. Cette restructuration financière permet la pérennité du groupe sans avoir à effectuer la moindre cession d’actifs."

Les abonnés Red très convoités

Bouygues Télécom et Free bataillent sur deux fronts. D’abord, les abonnés mobile de la marque Red, détenue par SFR. Free veut mettre la main sur ces 5 millions de clients dont le profil low-cost ressemble aux siens. Red est la seule marque en croissance alors que SFR a vu son chiffre d’affaires et ses marges reculer de 9% au deuxième trimestre.

Xavier Niel ne souhaite récupérer que ces clients, sans la marque Red pour laquelle SFR réclame 4 milliards d’euros. Sauf que Bouygues Télécom ne veut pas tout laisser à Free. L’opérateur créé par Martin Bouygues cherche aussi à récupérer une partie de ces abonnés.

"On se demande s’ils ne font pas cela pour forcer Niel à payer une partie du réseau mobile de SFR", s’interrogent plusieurs sources.

Bouygues réclame de l’argent à Free

C’est le deuxième front et LE gros nœud de la négociation. Bouygues est prêt à racheter la moitié du réseau mobile qu’il partage avec SFR, dit "Crozon". Mais son patron, Olivier Roussat, estime que cela va augmenter ses coûts d’exploitation de 300 millions d’euros par an, soit 1,5 milliard d’euros entre 2027 et 2032, date de fin de son contrat de réseau avec SFR.

Selon nos informations, Bouygues a réclamé une compensation financière de 2 milliards d’euros à Free pour acheter le réseau mobile de SFR, au cœur de son découpage. Un montant élevé qu’il était prêt à revoir à la baisse, fin juillet, nous assure un négociateur.

Mais leur positionnement, jugé dur, étonne. "Bouygues veut tout et ne rien payer", s’agace un proche de Xavier Niel. "

"Free veut racheter tout Red mais ce n’est pas possible, rétorque un bon connaisseur de Bouygues. Il faut garder la hiérarchie des opérateurs, personne ne fera de razzia."

Bouygues veut se hisser au deuxième rang du secteur, à la place de SFR, pour ne pas se faire doubler par son rival.

Orange veut garder la main

Bref, les discussions tournent en rond. Même celles autour de SFR Business, n’avancent pas. Free et Bouygues lorgnent cette filiale dédiée aux entreprises. Son découpage est aussi sur la table. De plus, les deux rivaux doivent laisser une place à Orange qui veut aussi se renforcer pour conserver sa position de leader sur tous les marchés.

L’opérateur historique négocie avec Bouygues le partage des abonnés mobile de la marque SFR. Le groupe dirigé par Christel Heydemann cherche aussi à récupérer des fréquences mobile de son concurrent. Mais Bouygues semble se méfier du parti pris d’Orange qui loue une partie de son réseau à Free, et a tout intérêt à ce que Xavier Niel engrange le plus d’abonnés possible. Méfiance, bluff et parano, la bataille bat son plein entre les milliardaires des télécoms. Contactés, Bouygues, Free et Orange n’ont pas souhaité commenter.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business