Auchan, Michelin, Valeo... La France est-elle à la veille d'une vague de nouveaux plans sociaux?

Des pneus brûlent devant l'usine Michelin de Cholet, le 5 novembre 2024 - JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
Le contre-coup de la crise inflationniste, c'est maintenant. Depuis quelques mois maintenant les annonces de plans sociaux font de plus en plus souvent la une des journaux. Si cette semaine de novembre a été marquée par les suppressions de postes à venir au sein des deux fleurons français Auchan et Michelin, d'autres grandes entreprises ont depuis le début de l'année annoncé vouloir dégraisser.
2024 avait bien mal débuté avec dès janvier une annonce de suppression d'effectifs chez Vinci Immobilier rapidement suivis par celles chez Nexity et Bouygues Immobilier. La contagion s'est poursuivie dans d'autres secteurs comme celui des équipementiers automobiles qui subissent l'électrification de la production de véhicules.
Valeo a ainsi indiqué qu'il allait se séparer de 1150 salariés et céder trois sites en souffrance. Plus tard ce sont le fabricant de jantes Imperial Wheels et le sous-traitant de Stellantis MA France qui ont mis la clé sous la porte laissant plus de 500 salariés sur le carreau.
La distribution alimentaire n'a pas été en reste et a aussi alimenté la chronique sociale avec Auchan récemment et Casino plus avant qui a confirmé en septembre que sa nouvelle petite structure allait devoir s'alléger de 3000 postes.
Une liste loin d'être exhaustive puisqu'on peut y rajouter Sanofi qui a coupé dans sa R&D ou encore Société Générale qui ont elles proposer des plans de départs volontaires à des centaines de salariés.
Des cas particuliers
Ces annonces très médiatisées au sein de ces grands groupes cachent-elles une forêt d'entreprises françaises en grande difficulté?
Thierry Millon, le directeur des études d'Altarès, tient à relativiser.
"Nous étions avant sur une dynamique de croissance, mais il y avait quand même des plans sociaux, rappelle-t-il. La différence, c'est que ça concerne maintenant de grands acteurs connus."
Des entreprises que la conjoncture n'aide pas, mais qui connaissent des difficultés structurelles depuis plusieurs années.
Prenons les équipementiers auto et Michelin par exemple. Ces industriels subissent une concurrence chinoise qui monte en puissance année après année. D'ailleurs un précédent plan social avait été mis en oeuvre en 2021 dans une année pourtant faste en termes de croissance pour l'économie.
Idem pour Auchan. Le distributeur nordiste n'a pas attendu 2024 pour connaître des difficultés. Depuis plus d'une décennie maintenant, le commerçant perd des parts de marché, handicapé qu'il est par des formats de magasins moins plébiscités par les consommateurs.
S'il ne faut peut-être donc pas tirer de vérités générales à partir de cette somme de cas particuliers, le tissu d'entreprises françaises montre tout de même des signes de fébrilité dans son ensemble.
Des menaces réelles
"Nous avons en moyenne dans une conjoncture normale environ 250 entreprises en liquidation ou redressement chaque mois, indique Thierry Millon d'Altarès. Depuis le début de l'année on est plutôt entre 350 et 380 et en octobre on est monté à 520. Il y a bien une situation de fragilité."
Concernant le nombre d'emplois menacés par les cessations d'activité, Altarès prévoyait en début d'année qu'il atteindrait 250.000 en 2024. Or ce nombre a déjà été atteint fin octobre, soit deux mois plus tôt que prévu. D'ici à la fin de l'année, ce sont quelque 40.000 destructions d'emplois de plus qui sont attendues.
Les causes de cette déprime sont connues. Les affaires ne sont pas au rendez-vous, les carnets de commandes se dégarnissent et les perspectives n'incitent pas au dynamisme.
"Quand vous lisez le lundi matin qu'Auchan licencie vous vous dites "est-ce que moi petite entreprise je dois investir pour espérer avoir des affaires?"", illustre Thierry Millon.
Les deux moteurs de la croissance française que sont d'une part la consommation des ménages et d'autre part l'investissement des entreprises sont enrayés.
Malgré les baisses de prix à la consommation et de taux d'intérêt, la confiance des ménages ne repart pas. Le taux d'épargne reste à des niveaux très élevés et le contexte des finances publiques et les perspectives de hausse d'impôt ne sont pas de nature à inciter les ménages à dépenser plus.
L'investissement en berne
Concernant les entreprises, le contexte géopolitique, la concurrence chinoise, la menace d'une guerre douanière avec les États-Unis avec le retour de Donald Trump ou les coûts logistiques qui restent élevés sont autant de raisons de privilégier la prudence.
Le contexte particulier français n'arrange rien. Les hausses d'impôts attendues sur les entreprises, le remboursement des PGE de l'ère Covid qui peut représenter jusqu'à 5% du chiffre d'affaires annuel sont des handicaps lourds. La baisse des taux d'intérêt qui rend le crédit plus accessible n'est pas une incitation suffisante pour investir.
L'impact dans l'industrie est déjà visible. Au premier semestre 2024, le solde entre ouverture et fermeture de sites est devenu négatif à -8, selon les données de Bercy, alors qu'il était positif depuis plusieurs années. En prenant en compte les extensions et les réductions de sites existants, il reste légèrement positif (+36) mais bien moins qu'en 2023 (+105 au premier semestre de l'année passée).
C'est dans les transports et en particulier dans l'automobile que les coupes sont les plus franches. Sur les six premiers mois de l'année, le pays a enregistré 12 fermetures de sites, cinq réductions pour à peine une ouverture et trois extensions. C'est peut-être de ce secteur que viendront les futures mauvaises nouvelles pour l'emploi.
