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Le grand hypermarché, un format moribond qui handicape Auchan depuis des années

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En 10 ans, la part des hypermarchés dans les achats des Français est passée de 41,4% à 36%. La chute est encore plus forte pour les grands hypermarchés, le format de prédilection d'Auchan.

Un nouveau plan social qui va concerner près de 2400 salariés, des fermetures de magasins dont trois hypermarchés non rentables... Auchan a annoncé ce mardi une énième cure de choc pour se relancer.

Une annonce qui inquiète légitimement les salariés du groupe de distribution mais qui n'a pas vraiment surpris les observateurs du secteur de la consommation. Car cela fait des années maintenant que le groupe Auchan recule dans la hiérarchie des distributeurs. Crédité de 12% de parts de marché en 2012, le groupe nordiste a perdu 4 points ces 12 dernières années et a vu son chiffre d'affaires fondre de 2,3 milliards d'euros. Dans le même temps, son Ebitda a été divisé par six.

Si le patron du distributeur Guillaume Darrasse assure que son plan social n'est pas "un projet de décroissance", Auchan la subit bien malgré lui et ce depuis des années.

Le mal de l'enseigne est connu et largement documenté: sa dépendance au format des hypermarchés. Si le groupe ne communique pas le chiffre d'affaires qu'il réalise par circuit, les hypers représentaient 11,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2022 selon Linéaires sur un total de 16,2 milliards de ventes en France, soit 72% de son activité.

Or le format des hypermarchés est depuis des années sur le déclin en France. Selon Circana, leurs poids dans le marché total des produits de grande consommation est passé de 41,4% en 2014 à 39% en 2019 pour tomber à 36% en cette année 2024. Une chute spectaculaire de plus de 5 points en à peine une décennie.

Doze d’économie : D'où vient la crise d'Auchan ? - 05/11
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Auchan, le spécialiste d'un format en souffrance

D'autant plus problématique pour Auchan que son deuxième format de prédiclection, les supermarchés, accuse le coup lui aussi. Leur part est passé de 33,8% en 2014 à 31,9% en 2024. Les deux circuits de distribution préférentiels d'Auchan représentaient plus de 75% du marché il y a 10 ans contre moins de 68% aujourd'hui.

"Cela ne veut pas dire que le chiffre d'affaires de tous les hypers a reculé, tempère Emily Mayer, directrice Business Insights chez Circana. En 10 ans, les ventes ont tout de même progressé de 15% mais sur un marché global de la consommation qui faisait +32%. C'est le poids relatif des hypers qui est en recul."

Manque de chance pour Auchan, si certains hypers tirent leur épingle du jeu, ce sont les plus petits d'entre eux qui s'en sortent le mieux. Or le groupe nordiste est le spécialiste des très grands formats d'hypers, les plus en souffrance.

C'était le modèle historique du groupe fondé en 1961 par Gérard Mulliez et qui a pris le virage de l'hyper en 1967. Il fallait à l'époque sans cesse agrandir les magasins pour proposer toujours plus de produits et ainsi augmenter les ventes. Sauf que depuis maintenant plus d'une décennie, la taille est devenue un handicap.

"D'abord parce que la vente de produits non-alimentaires est en recul dans les hypers qui ne sont plus des lieux de tentation, ensuite parce que les grands hypers sont loin des habitations, il faut prendre la voiture, ce qui coûte cher, et enfin parce que le drive leur prend des parts de marché", résume Emily Mayer.

Moins de surface, moins de clients

Ainsi alors que la taille moyenne des hypermarchés en France dépasse à peine 5.000 m², le parc d'Auchan compte deux fois plus de magasins de plus de 10.000 m2 que E.Leclerc. Le groupe a d'ailleurs annoncé en juin dernier la réduction moyenne de 25% de ses surfaces de vente afin que 70% de son parc soit inférieur à cette barre symbolique des 10.000 m².

Sauf que réduire la taille de ses magasins afin de limiter les coûts d'exploitation n'est peut-être pas la solution miracle. Car si le format de grands hypers rebute un nombre croissant de clients, il reste encore un pôle d'attractivité fort sur sa zone de chalandise. Ainsi Auchan est l'enseigne qui attire en moyenne le plus de foyers consommateurs. Ils sont 73.100 en moyenne à faire leurs courses dans un Auchan, selon NielsenIQ, contre 56.200 chez Carrefour, 53.300 chez Cora et 29.700 chez E.Leclerc. Le "downsizing" envisagé par Auchan pourrait faire perdre des clients à l'enseigne, ce qui n'est pas un gage de rebond.

Car outre la taille de ses magasins, Auchan ne jouit pas d'une excellente image-prix à la différence des E.Leclerc et pâtit aussi d'une implantation moins favorable que les groupes performants.

"Auchan c'est surtout dans le nord et l'est qui ne sont pas des régions très dynamiques, résume un expert du secteur. La façade ouest est bien plus favorable et c'est d'ailleurs là qu'on trouve les indépendants qui réussissent comme E.Leclerc, Intermarché et Système U."

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco