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Est-ce bientôt la fin des influenceurs crypto en France?

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Une proposition de loi, portée par deux députés socialistes, entend interdire la promotion des cryptomonnaies par les influenceurs. Elle sera examinée début février par l'Assemblée nationale.

Une proposition de loi, qui cite les émissions phares de téléréalité Loft Story et la Star Academy, n’est sans doute pas passée inaperçue des crypto-influenceurs. Cette proposition "visant à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux" a été enregistrée fin décembre à l’Assemblée nationale par Arthur Delaporte et Boris Vallaud, députés du groupe socialiste. Le texte entend encadrer l'activité des influenceurs, qui constituent une "nouvelle forme de travailleurs" sur les réseaux sociaux.

Ces derniers pourraient être interdits de publier certains contenus de diverses thématiques, postés contre une rémunération. Des "contenus destinés à la vente sont parfois plus problématiques que la promotion d’un simple rouge à lèvres", souligne le texte, qui évoque notamment les cryptomonnaies.

"Un message politique fort"

Plus précisément, la proposition entend interdire la promotion sur les réseaux sociaux, des "placements ou investissements financiers et actifs numériques entraînant des risques de perte pour le consommateur". Concrètement, les crypto-influenceurs ne pourront plus promouvoir un projet crypto posté contre une rémunération. Afficher noir sur blanc qu'un post est sponsorisé ne sera pas non plus toléré. Ils ne pourront évoquer les cryptomonnaies que dans le but de vulgariser l'écosystème. Ne pas respecter cette proposition de loi sera sanctionné d'une peine de cinq ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende.

"Il y a eu pas mal d’arnaques, il fallait porter un message politique fort, il faut arrêter avec les promotions dangereuses qui font perdre de l’argent aux consommateurs", a expliqué le député Arthur Delaporte à BFM Crypto.

Ce texte serait dans les tuyaux depuis un moment, de nombreux "collectifs de vigie" alertant sur les arnaques de certains influenceurs crypto. Il s'inscrit aujourd'hui dans un contexte particulier, avec une année 2022 sans précédent pour l’écosystème crypto. En effet, de nombreux investisseurs ont essuyé des pertes conséquentes à la suite de l'effondrement de nombreux projets crypto, comme la luna ou la FTT (la crypto de la plateforme FTX), qui avaient fait l'objet de nombreuses promotions. Un contexte qui pourrait donner du poids à cette proposition de loi.

Examen du texte début février

Le député Arthur Delaporte, rapporteur de cette proposition de loi, présentera le texte le 1er février devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Le texte fera l’objet d’un vote des députés dans l’hémicycle le 9 février. Selon nos informations, quelques amendements pourraient être apportés à ce texte. Si la proposition de loi est adoptée par les députés, il fera ensuite l'objet d'un vote par le Sénat. En cas d’accord des deux parties, le texte pourrait être promulgué d’ici la fin de l’année. Si tel était le cas, il porterait un coup dur aux crypto-influenceurs.

"C’est un peu la panique dans l'écosystème car c'est aussi ce qui permet aux projets d'émerger et de se faire connaître du grand public. Pour d'autres, comme moi d'ailleurs, c'est ce qui me permet de proposer du contenu", glisse un acteur à BFM Crypto.

Cette proposition de loi a-t-elle des chances d'aboutir? Portée par le groupe des socialistes, elle sera soumise à l’examen de la majorité, alors que des réflexions globales sur l'activité des influenceurs ont émergé. En effet, de premières réunions auront lieu ce mois-ci à Bercy, qui vient de lancer un groupe de travail sur les influenceurs.

Par ailleurs, deux autres propositions de loi ont été déposés à la fin de l'année pour encadrer l'activité des influenceurs: l'une portée par le député de la Nupes Aurélien Taché, l'autre par le député Insoumis François Picquemal. Si la première proposition de loi ne fait pas mention des cryptomonnaies, celle de François Picquemal est très critique vis-à-vis du bitcoin.

C’est dans les années 2010 "qu’émergent des cryptomonnaies avec comme pionnier le bitcoin qui, par son succès fulgurant, devient l’objet d’investissements et de spéculation de plus en plus importants. C’est dans ce contexte que s’est développé et multiplié le nombre d’arnaques en ligne", peut-on lire.

Alors que la proposition de loi est désormais entre les mains des députés, où en est la procédure en France? "Jusqu’à maintenant l’AMF interdit beaucoup de choses mais n’agit que peu, laissant les plus grandes aberrations non punies sur le Youtube crypto", glisse un crypto influenceur à plus de 50.000 abonnés. Après vérification, certains influenceurs cryptos qui font la promotion de projets dangereux sont toujours présents sur les réseaux sociaux. "On peut publier du contenu nuancé à vocation pédagogique", explique-t-il. Tous les influenceurs cryptos ne doivent cependant pas tous être mis dans le même panier, certains faisant de la vulgarisation et restant bienveillants à l'égard de leur communauté.

L'AMF devrait serrer la vis

L'AMF pourrait d'ailleurs bientôt serrer la vis. En 2021, l'Autorité de régulation de la publicité professionnelle (ARPP) avait mis en place un "certificat de l'influence responsable", constatant que "plus de 1 contenu sur 4 n’était pas transparent sur la collaboration commerciale". Ce certificat devrait être étendu au cours de l'année 2023. Ce certificat, qui donne une certaine crédibilité aux influenceurs, ne validera toutefois en rien les contenus des influenceurs. Il ne permettra pas non plus aux influenceurs de vendre des produits financiers à leurs clients.

Il est donc clairement à différencier de la certification AMF qui permet à un professionnel de la finance de pouvoir vendre des produits financiers à ses clients. Malgré la mise en place future d'un tel certificat, c'est la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) qui reste compétente lorsqu'il s'agit de sanctionner les influenceurs en cas de dérive.

De même, l'article 80 du règlement européen MiCa (pour Market in crypto assets) liste les "comportements" qui seront considérés comme une manipulation de marché dès l'entrée en vigueur du règlement, autour de 2024. Ainsi, les crypto-influenceurs, qui postent chaque jour de nombreux messages sur les cryptomonnaies (ou des projets en lien avec les cryptomonnaies), semblent être dans le viseur de l'Europe.

Pauline Armandet