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De l'eau "de partout": au premier jour de procès des inondations meurtrières de Biot, le récit d'une soirée cauchemardesque

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L'ancienne maire de la commune, le responsable des risques naturels, la directrice de l'Ehpad et la société Orpea sont jugés à partir de ce mardi 16 janvier pour homicides involontaires et mise en danger de la vie d'autrui.

C'est devant une salle d'audience presque pleine que s'est ouvert ce mardi 16 janvier le procès des inondations meurtrières qui avaient engendré la mort de trois résidentes d'un Ehpad de Biot en octobre 2015.

Seront jugés jusqu'à la fin de la semaine l'ancienne maire Guilaine Debras, mais aussi le responsable des risques naturels de la commune, Yann Pastierik. La directrice de l'époque de l'Ehpad du Clos Saint-Grégoire, Anaïs Gledel, et la société privée Orpea sont également sur le banc des prévenus.

Faisant face à des accusations d'homicides involontaires, de mise en danger de la vie d'autrui et non-respect de règles de sécurité, les prévenus encourent jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende.

Une alerte météo

À l'ouverture de la séance, le juge est revenu sur le déroulé des faits de ce terrible 3 octobre 2015. Ce jour-là, une vigilance orange est émise par Météo-France dès le matin, et relayée plusieurs fois dans la journée. L'enquête a déterminé que la préfecture avait transmis la première vigilance à la mairie de Biot peu avant 13 heures.

Mais "ce message ne sera jamais relayé ni à la population de Biot ni surtout, conformément aux obligations légales et réglementaires, à l'Ehpad", soulignait ce lundi l'avocat des parties civiles.

Or, au moment où le phénomène météorologique touche Biot dans la soirée, les pluies deviennent rapidement importantes, et atteignent "une intensité record", a-t-il été indiqué au procès ce mardi.

Des pluies mènent à d'importantes inondations dans l'Ehpad du Clos Saint-Grégoire, où 1,25 mètre d'eau est monté au niveau du rez-de-chaussée au cours de la soirée.

"De l'eau jusqu'à la poitrine"

Le témoignage d'une aide-soignante de l'Ehpad, recueilli au moment de l'enquête, rapporte que la pluie a commencé à tomber vers 19 heures ce soir-là. L'ordre de la direction de l'Ehpad de fermer les portes anti-inondations, n'a lui été donné qu'à 20h30.

Dans son témoignage, l'aide-soignante indique que l'eau s'est tout de même infiltrée "de partout", sous les portes, dans l'infirmerie. Une porte vitrée du couloir "explose" alors sous la pression de l'eau, raconte l'aide-soignante, qui à ce moment-là se précipite pour sortir les deux occupantes d'une chambre.

Elle indique avoir eu, en quelques secondes, "de l'eau jusqu'à la poitrine", et d'avoir vu, pour seule issue, la fenêtre. Les aide-soignantes sortent alors par la fenêtre, laissant derrière deux occupantes. Elles tentent, en vain, de s'introduire par le premier étage, mais ne parviennent pas à ouvrir les portes.

À l'arrivée de pompiers sur place, les aide-soignantes leur indiquent alors que des résidents se trouvent au rez-de-chaussée. Avec les secours, elles aident à sortir les résidents. Mais pour trois d'entre eux, il est déjà trop tard.

"Ma grand-mère a agonisé dans sa chambre, on l'a retrouvé accrochée à son lit. Elle est morte comme ça", racontait lundi sur BFM Nice Côte d'Azur la petite-fille d'une résidente morte noyée.

La directrice de l'Ehpad, qui était en place depuis seulement un mois au moment des faits, est mise en cause pour homicides involontaires, mise en danger de la vie d'autrui, ainsi que le non-respect de règles de sécurité et la présence de seulement deux aide-soignantes ce soir-là.

La société Orpea, dont dépend l'Ehpad, est également accusée de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence. Car il aurait suffi de monter les résidents au premier étage de l'établissement pour éviter cette issue dramatique, comme cela avait déjà été le cas lors d'une inondation en 2005, indique l'AFP.

Au niveau communal, aucun système d'astreinte n'était en place et le responsable risques naturels de la ville est parti assister à un match de football à Nice dans la soirée. Et même dans le cas où une alerte aurait été donné, deux des quatre sirènes de la commune ne fonctionnaient plus.

L'avocat des familles des victimes dénonçait ce mardi matin au micro de BFM Nice Côte d'Azur une "violation absolue du plan communal de sauvegarde" de la commune de Biot.

Aujourd'hui, les familles des victimes attendent "une contribution à la manifestation de la vérité là où, dans cette affaire, on s'est beaucoup arrangé avec la vérité depuis de très longues années", a ajouté maître Philippe Soussi, avocat de plusieurs parties civiles.

Les quatre prévenus sont jugés jusqu'à la fin de la semaine pour ce que l'avocat "une accumulation de manquements" qui a conduit à la mort des trois résidentes. Le réquisitoire est prévu jeudi et les plaidoiries vendredi, avec un jugement qui devrait être mis en délibéré.

Claudia Olivier, Cédric Adam avec Laurène Rocheteau et AFP