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"Ça aurait dû être moi": au procès de l'attentat de la basilique de Nice, la culpabilité d'un survivant

Des policiers devant la basilique de Nice après une attaque au couteau, le 29 octobre 2020.

Des policiers devant la basilique de Nice après une attaque au couteau, le 29 octobre 2020. - Valery HACHE © 2019 AFP

Lors du procès de l'attentat de la basilique de Nice ce jeudi 13 février, Olivier G., survivant de l'attaque, a retracé le fil de cette journée dramatique. Il a également évoqué ses remords et son impossible reconstruction.

"J'ai abandonné mon ami comme un lâche", s'excuse jeudi à la barre Olivier G., présent dans la basilique de Nice le 29 octobre 2020 avec le sacristain Vincent Loquès, une des trois victimes de l'attentat pour lequel le Tunisien Brahim Aouissaoui est jugé à Paris.

La culpabilité du survivant est un phénomène connu et reconnu dans les affaires liées aux attentats jihadistes et, plus de quatre ans après l'attentat, Olivier G., 59 ans, n'arrive pas à revivre comme avant.

"Je n'arrive pas à remonter la pente"

"J'ai peur de tout. Je n'arrive pas à remonter la pente", confie-t-il en tremblant à la barre de la cour d'assises spéciale de Paris.

Le matin du 29 octobre, à 8h42, il se rend à la basilique pour retrouver son ami Vincent Loquès. "On aimait faire les guignols", se souvient-il. Les deux amis sortent de l'église pour aller prendre un café comme c'était leur habitude. Il est 8h44.

Dans la basilique, une femme, Nadine Devillers, se recueille, assise sur un banc. Elle n'est pas seule. Un jeune homme en doudoune rouge est également présent dans l'édifice. Il n'est pas là pour prier mais pour tuer, c'est Brahim Aouissaoui.

A 8h49, une fidèle, Catherine V., entre dans l'église pour en ressortir épouvantée quinze secondes plus tard. Elle a vu le corps décapité de Nadine Devillers gisant dans une mare de sang. Extrêmement choquée, Catherine V. ne sait pas si la femme étendue est blessée ou morte. Une mère de famille, Simone Barreto Silva, décide d'entrer dans la basilique pour voir si elle peut lui porter secours.

A 8h51, un fidèle, Jean T. entre à son tour. Il ne voit pas Simone Barreto Silva mais le corps sans vie de Nadine Devillers. Il ressort de la basilique, court vers une borne d'alerte de la police municipale.

"Il y a une femme pleine de sang dans l'église, décapitée, il y a du sang partout", alerte-t-il.

Un récit glaçant

Venu déposer à la barre jeudi, Jean T. se souvient avoir entendu des cris "dans le fond" de l'église. Sans aucun doute les cris de Simone Barreto Silva, agressée à son tour par Brahim Aouissaoui.

Pendant ce temps, Catherine V. a pu prévenir Vincent Loquès, attablé en terrasse près de la basilique avec Olivier G. Les deux hommes courent vers l'église sans se douter de ce qui les attend. "C'est assez courant que des SDF blessés se réfugient dans la basilique", explique Olivier G.

A l'intérieur, le sacristain se précipite vers l'endroit d'où proviennent les cris. Olivier G. reste près du corps de Nadine Devillers.

A la barre, Olivier G. n'en finit pas d'exprimer ses remords. "Moi je n'ai pas d'enfants, lui a deux filles adorables... Ça aurait dû être moi", estime-t-il, la voix brisée, avant de décrire la scène qu'il a vécue et qui continue de le hanter.

"L'individu faisait des gestes brusques. Vincent est revenu en courant vers moi, poursuivi par un homme qui allait à une vitesse incroyable. Vincent est tombé. L'individu a crié 'Allah Akbar' et l'a poignardé. Il s'acharnait sur Vincent. Ses gestes étaient d'une violence inouïe... et j'étais incapable de faire quoi que ce soit. J'étais complètement terrorisé", se souvient-il, au bord des larmes

"Vous n'êtes pas un lâche"

"Je ne l'ai pas aidé. J'aurais pu essayer de lancer une chaise" sur l'assaillant, poursuit Olivier G.

Quand le regard de Brahim Aouissaoui se pose sur lui, Olivier G. "hurle" puis part en courant vers la sortie. Il est 08h54, il tombe par hasard sur une patrouille de policiers municipaux à vélo, donne l'alerte.

Grièvement blessée de 25 coups de couteau, Simone Barreto Silva a pu sortir de l'église mais elle succombera à ses blessures peu après. Le corps de Vincent Loquès a été retrouvé égorgé.

"Il a tué trois personnes, mais moi je suis mort avec Vincent", a encore la force de dire Olivier G. en sanglotant.

Le président de la cour d'assises, Christophe Petiteau, tente de le réconforter. "Vous n'êtes pas un lâche. Vous étiez trop loin quand votre ami a été poignardé. Vous n'êtes pas un lâche car vous êtes à la barre pour déposer devant une cour d'assises et cela s'appelle du courage", lui a-t-il répondu.

Dans son box, Brahim Aouissaoui écoute attentivement. Le procès est prévu jusqu'au 26 février.

Mathias Fleury avec AFP