Crise des urgences dans les Alpes-de-Haute-Provence: le Samu s'adapte à l'arrêté de régulation

45.000 dossiers de régulation médicale traités, 223.000 appels reçus depuis le début de l'année. Le Samu des Alpes-de-Haute-Provence traite tous les appels du département.
La charge de travail s'est accrue depuis que l'antenne départementale de l'Agence régionale de Santé (ARS) a pris au début du mois de mai pour répondre à la détresse des médecins urgentistes au bord de la rupture. La décision de l'ARS a eu un effet notoire en un mois puisque les admissions aux urgences ont baissé entre 15 et 20%. Dans le même temps, les régulateurs du Samu ont reçu de 10 à 12% d'appels supplémentaires.
Angoisse, stress et pleurs des usagers
Qui joignent les patients des Alpes-de-Haute-Provence qui composent le 15? Ce sont des assistants de régulation médicale. La nuit ils ne sont que deux. En journée quatre, et quand ils reçoivent un appel, il faut être efficace.
"Dans un premier temps, le but de la manœuvre, c'est de prendre le maximum d'informations en très peu de temps, surtout si les gens sont angoissés, stressés, en pleurs, nous, les trois questions que l'on va leur poser concernent leur domicile, leur adresse et leur numéro de téléphone", énumère au micro de BFM DICI, Frédéric Martin, assistant de régulation médicale au Samu 04 depuis trois ans.
Ensuite vient le tour des médecins d'évaluer la gravité de la situation et de prendre des décisions. Dans la nuit, au Samu, ils ne sont que deux: un médecin urgentiste et un médecin généraliste avec un but de régulation.
"Faire voyager les gens plus loin"
Cette mission est d'autant plus compliquée quand le soleil se couche que les centres hospitaliers sont fermés. C'est le cas dans les Alpes-de-Haute-Provence depuis un peu plus de deux ans au niveau des urgences.
"On est obligé de faire voyager les gens plus loin ou dans des secteurs qui ne sont pas les leurs. Les secteurs de proximité d'évacuation n'existent plus", déplore le docteur Philippe Karpoff, médecin urgentiste depuis 1998 à Digne-les-Bains.
Les médecins doivent gérer une succession d'appels, du stress, avec des moyens encore limités. Le docteur Frédéric Mouysset, médecin généraliste dans le département, insiste sur la difficulté des nuits.
"On va être beaucoup plus dans des situations de débrouillardises, et donc de prises de risques parce qu'on sait très bien que l'on aura beaucoup moins de moyens de transport, de réception aussi. La plupart du temps, c'est un conseil médical qu'il faut donner. Il faut trouver la tonalité, les bonnes phrases, les petits trucs pour que la personne raccroche et se sente apaisée", décrit-il à BFM DICI.
"On n'est pas assez nombreux"
Le praticien considère que de nombreux usagers sont sujets à des situations de stress plutôt qu'à une "réalité profonde d'urgence". C'est ce réflexe qui encombre souvent le système. "Ce n'est pas possible aujourd'hui d'envoyer un médecin voir quelqu'un à la maison. C'est impossible, on n'est pas assez nombreux, on est même obligé de fermer des urgences. C'est complètement impossible", ajoute-t-il.
À l'heure des choix, les médecins décident d'orientations, peuvent tenter de régler les problèmes sur place, faire appel à des moyens supplémentaires ou les annuler.
Ce mardi 10 juin, en soirée, les urgences de Manosque étaient fermées dès 20h30, celles de Digne-les-Bains et Sisteron sont restées ouvertes sous régulation.
Sept médecins ETP (équivalent temps plein urgentistes) tournent à ce poste de "régulateur" au Samu du 04. Au total, quatre médecins urgentistes travaillent à 100% (temps plein) sur une quinzaine de médecins à Digne-les-Bains.