Colère des agriculteurs: des dizaines de panneaux démontés et déposés devant la préfecture à Digne-les-Bains

Cruis, les Thuiles, Barcelonnette, Thoard, Montfuron, les Mées, Villemus, Montagnac... Les panneaux de nombreuses communes ont été déposés devant la préfecture de Digne-les-Bains, ce vendredi 8 novembre, par les agriculteurs des Alpes-de-Haute-Provence. La première mobilisation d'une longue lignée, selon eux. Bonnets verts sur la tête et cloches à la main, ils étaient près de 70 à se mobiliser au rond-point du 11 novembre, selon la FDSEA.
Les agriculteurs du département, tout comme de nombreux autres partout en France, dénoncent les accords de libre-échange, entre l'Union européenne et le Mercosur, qui leur seraient défavorables. Et entendent bien rappeler au gouvernement les mesures prises et les promesses faites lors des dernières manifestations.
"On a laissé le temps de la dissolution pour que les résultats arrivent. Aujourd’hui, on a eu quelques éléments qui sont arrivés, mais dans nos fermes directement, on n’a pas assez par rapport à ce qu’on avait demandé. Là, on met la pression dans tous les départements", détaille le président de la FDSEA, Laurent Depieds.
Une détresse psychologique et financière
Clémence Delaye, éleveuse basée à Thoard, vend des agneaux. Elle ne peut pas s’aligner sur les prix de son premier concurrent, la Nouvelle-Zélande.
"Il y a eu une augmentation du volume accordé l’année dernière. Le problème, c’est que ça tire le prix vers le bas. Aujourd’hui, pour vivre correctement, il faudrait vendre un kilo d’agneaux à 13 euros. Nous en ce moment, on le vend entre 8 et 9 euros le kilo. La viande néo-zélandaise arrive à 7 euros le kilo. Forcément, on ne peut pas s’en sortir. On aimerait remettre des taxes sur ce type de produits concurrentiels", explique-t-elle.
Et alors que pour l’élevage ovin, c’est la période de mise-bas, Clémence et les autres éleveurs ont beaucoup de travail: "On se mobilise car il faut le faire et qu’on veut se faire entendre même si on est un peu résignés. On a l’impression que notre agriculture est vendue au détriment d’échanges internationaux."
Le président des jeunes agriculteurs des Alpes-de-Haute-Provence, Benjamin Ferrand, le confirme: "Aujourd’hui, on est toujours dans une détresse psychologique et financière sur les exploitations. La situation ne s’est absolument pas améliorée. On a des marchés désastreux."
"S'il faut monter à Paris, on est prêts"
Les syndicats dont la FDSEA demandent de la "dignité": "Cela passe par le prix payé au producteur, les moyens de production, la prédation, de l’équité au niveau de l’Union Européenne, et surtout je crois que ce qui pèse le plus en ce moment c’est cette pression administrative qui devient insupportable", ajoute Laurent Depieds, le président de la FDSEA et éleveur à Mane.
Rolland, lui, a fait le chemin depuis la commune de Puy-Sainte-Réparade, dans les Bouches-du-Rhône avec sa petite protégée: Sariette, sa vache. "Elle a l’habitude du public, il n’y a aucun problème", plaisante-t-il.
"On a tous les mêmes problèmes. S’il faut monter à Paris, on est prêts à monter pour se mettre sur le rond-point avec ma vache", assure-t-il avec plus de sérieux.
Âgé de 67 ans, il ne s’est pas encore mis à la retraite. Sa fille doit reprendre sa ferme itinérante pédagogique de 300 brebis, 12 vaches, 10 ânes, des lamas, des dromadaires, des cochons…
C’était important pour lui aujourd’hui de se déplacer et de dénoncer des règles et des contrôles qu’il trouve injustes et absurdes: "Par exemple, on n’a pas le droit de mettre la vache, les moutons ensemble dans la bétaillère, sauf s’ils sont habitués. Quand je vais dans une école, on ne peut pas avoir, un fourgon pour une vache, un fourgon pour les moutons, un fourgon pour l’âne."
Des jeunes démotivés
Mais surtout, les syndiqués s’inquiètent pour l’avenir: "L’enjeu à venir va être de combler les retards à la retraite avec les installations de jeunes. Et si on veut que ces jeunes viennent, il faut que ce métier fasse envie en termes de prix, de qualité de vie, de pérennité du métier, c’est pour cela qu’on fait tout ça", détaille le président de la FDSEA.
Tous voient les jeunes se démotiver. "Ils lancent leur entreprise mais ils ont eu une hausse des charges en quelques années, qui a doublé voir triplé. On décourage toute une nouvelle génération", confirme le président des Jeunes agriculteurs des Alpes-de-Haute-Provence, Benjamin Ferrand.