Pourquoi le gazole est bien moins cher que le sans-plomb depuis plusieurs semaines

Le litre de gazole dépasse aujourd'hui largement 2 euros dans de nombreuses stations-services - DENIS CHARLET © 2019 AFP
C'est un écart de prix qu'on avait presque oublié. Depuis début février le prix du gazole est repassé sous celui de l'essence à la pompe, mettant fin à près d'un an d'une période anormale où les courbes s'étaient inversées.
Un écart de plus en plus important
Et d'une différence de tarifs peu significative dans un premier temps en 2023, celle-ci devient de plus en plus importante: 16 centimes de moins pour un litre de gazole au dernier relevé hebdomadaire des prix à la pompe.
Une différence historiquement élevée. Il faut en effet remonter à octobre 2016 pour retrouver un tel écart, de 16 centimes d'euro, de prix à la pompe entre gazole et essence en France.
Sauf justement pendant cette période, dans la foulée du début de l'invasion russe en Ukraine... où le gazole s'est retrouvé avec un prix au litre jusqu'à 27 centimes plus cher (en octobre 2022) que l'essence.
Une situation atypique, déjà avec une différence de taxation en défaveur de l'essence en France:
"Il y a 10 centimes de taxes en plus sur l'essence par rapport au gazole si on cumule l'écart de TICPE et de TVA", rappelle Olivier Gantois, président de l'Ufip (Union française des industries pétrolières).
L'impact limité de l'embargo sur le gazole russe
Un gazole plus cher que l'essence, c'était encore le cas en début d'année. Et à l'époque on craignait surtout le début de l'embargo total sur le gazole russe, décidé en 2022 mais qui ne s'appliquait qu'à partir du 4 février 2023, de quoi encore accroître l'écart entre les deux carburants.
Sur le papier, les craintes étaient justifiées:
"La Russie exportait 3,5 millions de barils de gazole par jour et ce gazole russe représentait 50% des importations en Europe, 30% en France", souligne Olivier Gantois.
Sauf que dans les faits, c'est justement depuis février que le prix du gazole est repassé sous celui de l'essence, avec un écart grandissant depuis.
"Tout d'abord, les marchés ont constaté que le gazole pouvait être importé d'autres fournisseurs que la Russie. Il semble aussi que les Russes exportent leur gazole vers d'autres pays, qui n'appliquent pas l'embargo et peuvent donc ensuite leur ré-exporter vers les pays d'Europe. Enfin c'est le début de la "Driving season" aux Etats-Unis, avec une demande d'essence qui augmente dans cette période d'avril-mai jusqu'à début juillet", explique Olivier Gantois.
A ce faisceau de raisons, on peut ajouter la "tendance structurelle d'un report d'une partie de la consommation de gazole vers l'essence", qui modifie l'équilibre des demandes entre les deux carburants. Le gazole représente tout de même encore trois quarts de la consommation de carburants en France.
"Une 'dédiéselisation' lente mais inéluctable, note Olivier Gantois, entre 2021 et 2022, la consommation d'essence a augmenté de 11% et celle de gazole a baissé de 1%."