Les ventes de voitures électriques décollent, mais le nombre de bornes stagne

(Image d'illustration) - Tobias Schwartz - AFP
Où sont les bornes de recharge? Si l’année dernière, le marché de la voiture électrique a décollé en France, avec une part de marché de 5,8%, le nombre de bornes de recharge publiques n’a lui pratiquement pas bougé. Le 2 juillet, 29.854 points de recharge étaient accessibles en France selon l’Avere.
Six mois plus tard, le 30 décembre, l’Association nationale pour la promotion du véhicule électrique recensait 30.838 points de recharge, soit… 984 points de recharge supplémentaires. Sur la même période, un peu moins de 66.000 voitures électriques ont été immatriculées, soit 67 véhicules par nouvelle borne installée. Difficile d’imaginer pouvoir tous se recharger.
2024, voire 2025 pour atteindre l'objectif de 100.000 bornes
Le second confinement a sans aucun doute pesé sur les politiques de déploiement. Mais au rythme de 1000 points de recharge installés en six mois, l’objectif de 100.000 bornes en 2021, objectif réitéré par le Secrétaire d’Etat aux Transports Jean-Baptiste Djebbari semble hypothétique. "Si ce n’est pas d’ici la fin de l’année, ce sera début 2022", assure cependant Clément Molizon, directeur adjoint de l’Avere. Selon une étude du cabinet EY-Parthenon, citée par L’Usine Nouvelle, il faut plus tabler sur 2024, voire 2025.
Même en parvenant à doubler en 2021 le nombre de bornes posées en 2020, la France n’atteindrait que 60.000 unités à la fin 2021. Il faudrait en poser cinq fois plus qu’en 2020 pour attendre l’objectif du contrat stratégique de filière", calcule Gianluigi Indino, associé EY-Parthenon.
Concrètement, si les nouveaux points de recharge ne sont pas encore là, en six mois, le marché des bornes s’est structuré. "Entre juin et octobre 2020, nos demandes de devis ont été multipliés par quatre, idem en novembre par rapport à l’année précédente", nous confie Alexandre Borgoltz, directeur général de DBT, un fabricant de bornes de recharge.
Dans le sillage des fonds débloqués par le plan de relance pour les bornes, plusieurs acteurs de la grande distribution comme Leclerc, Lidl, Système U ou encore une filiale de Casino mais aussi des énergéticiens comme Total ou Engie ont ainsi annoncé en octobre leur objectif d’installer 30.000 bornes… d’ici 2025. Et la demande se fait de plus en plus précise. Elle se porte notamment sur des bornes plus puissantes pour des recharges plus rapides.
Un marché qui se structure progressivement
Quand en 2018 ou 2019, les bornes de moins de 50kW constituaient la majorité des installations, les opérateurs de mobilité, les collectivités ou les sociétés par exemple du retail se tournent de plus en plus vers des bornes 100 voire 150 kW.
Jusqu’à présent, on installait des bornes plutôt pour faire de la com, ça ne devait pas coûter cher et on regardait ce qui se passait, résume Alexandre Borgoltz. Désormais, il y a une véritable demande pour une offre de recharge et dans d’autres pays comme en Norvège, des spécialistes de la mobilité gagnent de l’argent avec ce modèle".
De vraies réflexions sur l’aménagement des bornes sont aussi en cours, faisant écho à la demande d’automobilistes zéro émission. "Avant, on se disait que les propriétaires de voitures électriques feraient des mails dans leur voiture pendant qu’elle se recharge. Désormais on réfléchit à leur environnement", poursuit Alexandre Borgoltz.
Les tarifs d’installation restent cependant élevés. "Le coût moyen est de l’ordre de 15.000 euros, installation comprise, pour une borne d’une puissance de 10 à 22 kilowatts, et de 35.000 euros pour une borne rapide d’une puissance supérieure à 22 kilowatts, deux technologies qui représentent respectivement 65% et 9% de l’infrastructure en France", rappelle Fedi Soyah, manager EY-Parthenon.
Une législation qui se fait attendre
Si les devis arrivent, la législation avance aussi. La Loi d’orientation sur les Mobilités (LOM) a assoupli un certain nombre de formalités administratives et posé de nouvelles exigences, par exemple sur les certificats de conformité ou sur la maintenance des bornes. Pour éviter par exemple d’avoir des réseaux en panne, ce que remontent souvent les usagers des véhicules électriques.
Cette nouvelle législation amène aussi sa part de financements publics pour accélérer le développement des bornes. Le plan de relance comprend ainsi 100 millions d’euros de financement pour installer des bornes de recharge rapides à 150 kW sur les routes nationales et les aires d’autoroute.
"Le dispositif coup de boost dans le cadre du programme ADVENIR permet de prendre en charge 60% des coûts d’installation des bornes (montants d’aides revus à la hausse avec des primes pouvant aller de 2100 à 9000 euros HT par point de recharge), nous explique par exemple un porte-parole du ministère de la Transition écologique et solidaire. Ces aides sont cumulables avec la prise en charge à 75% des coûts de raccordement au réseau (dispositif de la loi d’Orientation des Mobilités)".
Un dispositif spécifique,"Stations et hubs de recharge haute puissance", permet de débloquer également jusqu’à 240.000 euros par station, pour "accompagner financièrement les porteurs de projets entreprise privée ou personne publique dans le déploiement de lieux de recharge notamment à haute puissance, principalement dans les grandes agglomérations et aux abords des principaux axes routiers", précise-t-on au ministère.
Les décrets d’application des différents textes issus de la LOM sont cependant toujours attendus en ce début d’année.
Restent aussi des délais incompressibles dans la construction des stations de recharge, sans compter la multitude d’acteurs entre les installateurs, les fabricants, les opérateurs.
Cet objectif de 100.000 bornes a donné un coup de fouet, un cadre clair aussi, confirme Matthieu Dischamps, directeur France de Powerdot, un installateur et opérateur de bornes de recharge portugais arrivé sur le marché français il y a quelques mois. Certaines procédures administratives ralentissent le déploiement des bornes de plusieurs mois comme par exemple les commissions de sécurité dans les parkings ou encore le raccordement à une puissance nécessaire".
