La fin des voitures thermiques en Europe est-elle vraiment actée pour 2035?

On pensait que la fin des voitures thermiques neuves en Europe était définitivement actée pour 2035. Mais dans un long entretien qu’il a accordé au quotidien Les Echos, le commissaire européen au marché intérieur laisse entendre que rien n’est inscrit dans le marbre.
A la lecture de cette interview, il apparaît en effet que Thierry Breton n’est pas tout à fait sur la même ligne que la majorité des eurodéputés ayant validé le couperet de 2035. L’ex-ministre français de l’Economie s’est apparemment démené pour qu’une clause de revoyure soit prévue. Et il a obtenu gain de cause.
Elle est programmée pour 2026. Thierry Breton n’exclut pas de tirer même plus tôt le signal d’alarme. "Les questions sont très nombreuses, prévient-il, et nous devrons peut-être adapter en 2026, ou avant 2026, les mesures soutenant la trajectoire de 2035."
"Le passage à l'électrique détruira 600.000 postes"
Ces possibles adaptations seront discutées avec tous les acteurs concernés (grands constructeurs automobiles, des fournisseurs, des syndicats, des associations d'usagers, des villes, des opérateurs d'électricité) que le commissaire européen compte réunir tous les trois mois.
Thierry Breton insiste beaucoup sur les nombreux défis qu’il va falloir relever. Il les liste même un par un. L’emploi: "le passage à l'électrique détruira 600.000 postes", rappelle-t-il. Le prix des voitures électriques: "27% plus cher que son équivalent essence".
Le commissaire européen prévient les constructeurs: "Nous devons faire baisser ce prix pour le rendre accessible à tous".
"Les batteries devront respecter l'intégralité de nos normes environnementales"
Il parle aussi des matières premières nécessaires pour produire les batteries. D’ici la prochaine décennie, il faudra, dit-il "quinze fois plus de lithium, quatre fois plus de cobalt, de graphite, trois fois plus de nickel". Or on sait qu’en la matière, les Chinois ont une longueur d’avance, avec des approvisionnements bien sécurisés.
Thierry Breton assure que l’Union européenne ne se laissera pas faire face à cette concurrence. Sauf qu’il reste flou sur la façon dont les Européens comptent s’y prendre. Il explique juste que "les batteries devront respecter l'intégralité de nos normes environnementales pour avoir la possibilité d'entrer sur notre marché. Et qu’elles seront très exigeantes."
Selon Thierry Breton, face aux Chinois, les Européens ne seront pas démunis. "Rien que dans les batteries, sachez que l'Europe a dépensé 3,5 fois plus que la Chine au cours des deux dernières années, fait-il valoir. Le tout pourrait permettre de couvrir notre consommation de batteries à l'horizon 2030. Au total, ce n'est pas moins de 100 milliards d'investissements qui ont été engagés à cet effet."
Ne pas abandonner totalement le moteur à explosion
Le commissaire européen n’oublie néanmoins pas le problème pointé du doigt par Carlos Tavares le patron de Stellantis: la faiblesse des infrastructures électriques pour charger ces voitures. "En 2050, il faudra 150 GW de puissance d'électricité pour alimenter les véhicules électriques, 15 % de plus que notre capacité actuelle", a prévenu le directeur général du constructeur italo-américano-français. Et d'ajouter:
S'agissant des points publics de recharge, on évalue les besoins à sept millions de bornes dès 2030. Nous n'en sommes qu'à 350.000".
Mais ce n’est pas tout. Thierry Breton invite également les constructeurs à ne pas laisser tomber trop vite la technologie qui a fait leur fortune: le moteur à explosion. "D'autres continents connaîtront une transition bien moins rapide et auront besoin pendant longtemps de véhicules thermiques les plus propres possibles", souligne-t-il tout en relevant que "même en Europe, (...) 20% de la flotte automobile en circulation sera toujours thermique en 2050".
"Le marché du moteur à combustion restera donc très important longtemps encore en dehors de l'Europe. Nous devons donc aider nos industriels à s'y maintenir", explique le commissaire.
Les y aider, sans leur forcer la main. "Je vais, sur une base volontaire, réunir un autre groupe d'industriels pour définir les technologies qu'il convient par exemple de développer dans la chimie des carburants, la mécanique, la thermo-combustion, etc. C'est tout l'enjeu de la nouvelle norme Euro 7 que je présenterai mercredi prochain".
Mais les constructeurs européens sont-ils encore en capacité de mener de front ces deux défis?
