Essai - Fiat Tipo Cross : la "baroudeuse" à l’assaut de Dacia

Fiat Tipo Cross - AL
Le "low-cost" serait-il le parent pauvre de la transition automobile actuelle? En tout cas, plus grand monde ne s’y risque. Les constructeurs mondiaux, engagés à plein sur le chantier de l’électrification, mobilisent leur moyen en recherche et développement, en investissements dans des usines de batteries, et en refonte de leur gamme pour décarboner au maximum leurs motorisations. Avec en toile de fond des réglementations de plus en plus drastiques au niveau européen et au niveau local, qui condamnent à terme la voiture thermique.
Et pourtant… Sur quelle trésorerie peuvent-ils compter pour mobiliser ces moyens? Sur de la production d’automobile de flux, dont le segment low-cost est le plus actif... et le plus générateur de cash. Mais à bien y regarder, les acteurs de ce marché marché sont de moins en moins nombreux.
En cause, en premier lieu, une superpuissance de Dacia que plus personne ne veut contester. Avec quasiment 400.000 véhicules vendus par an à travers le monde (presque 700.000 en 2019), et une Sandero régulièrement dans top 3 des voitures les plus vendues en France, Dacia règne en maître, et la plupart des grands groupes automobiles ont préféré renoncer à développer de vrais modèles concurrents spécifiquement low-cost.
Low-cost: Fiat persiste et signe
Pire, le phénomène général de montée en gamme qui a touché l’ensemble du monde automobile ces dernières années, a sorti de fait certains constructeurs de ce marché. Skoda et Seat sont désormais des marques classiques, loin de leur vocation première de fabricants de véhicules bon marché au sein de la galaxie Volkswagen. Suzuki et Mitsubishi, malgré leur appareil de production implanté dans des pays à très bas coût de main d’œuvre, ont sensiblement rehaussé leurs ambitions. Même l’ensemble Kia/Hyundai, qui a pourtant conquis l’Europe avec des voitures à bon prix, signent sans doute le phénomène de montée en gamme le plus impressionnant du monde automobile ces dernières années, avec des tarifs qui n’en finissent pas de grimper.

Fiat fait donc figure de dernier des Mohicans. Et au sein de la galaxie Stellantis, ce n’est pas un mystère, le constructeur italien, très dépendant de son marché domestique, et soumis à la volatilité de ses marchés étrangers (Amérique du sud, Europe de l’Est…), est obligé de se retrouver une vraie dynamique. Sa gamme est historiquement peu étoffée, et se limite au cas particulier de la 500 (quasiment une marque et une filiale en soit), la Panda et quelques utilitaires.
Tipo: un héritage historique
Reste donc la Tipo. Une voiture qui puise spécifiquement dans l’héritage de Fiat pour offrir une voiture bon marché, tout en restant ambitieuse. Car bien avant Renault avec Dacia, Fiat produisait déjà des voitures en Pologne dans les années 1910! Un héritage historique qui a permis de profiter d’un outil industriel a très bas coût d’exploitation. Grâce à des rapports privilégiés avec le bloc de l’est du temps du communisme, Fiat a d’ailleurs étoffé sa production de 500 et 126 grâce aux usines polonaises FSO, et beaucoup se sont retrouvées sur le marché européen. L’actuelle Fiat 500 y est d’ailleurs toujours produite.

D’où la tentation de recréer un vrai véhicule low–cost, mais cette fois en Turquie. Un pari lancé en 2015, mais qui n’a pas tenu ses promesses pour le moment. Seuls quelques milliers d’exemplaires de la Tipo se vendent par an sur le marché français (chiffres en baisse constante depuis son lancement), malgré des qualités indéniables, une grande variété de carrosserie et un prix d’attaque. La faute encore une fois à un adversaire surpuissant, Dacia, et aussi, sans doute, à un design pas très heureux au départ.
La 2e génération, qui vient de sortir, est visuellement bien plus attrayante, avec des optiques redessinées, une carrosserie plus élégante, un bon niveau d’équipement et même des versions spécifiques, dont cette fameuse version Cross.
Le charme des "baroudeuses"
"Au vu du succès des versions "Stepway" chez Dacia, il nous fallait aussi une version "baroudeuse" de cette Tipo", dit-on en interne chez Fiat. "Le client traditionnel du low-cost va essayer de se démarquer des modèles vraiment basiques. Cela permet aussi de récupérer de la clientèle des véhicules de gamme supérieure, qui préfèrent une voiture très bon marché en finition haute, à une voiture de gamme supérieur "de base". En plus Fiat a une certaine légitimité à le faire, au vu des véhicules tout-chemins que nous avons produit depuis plusieurs génération (comme la Panda 4x4, best-seller chez les paysans et montagnards de France!) ».

N’allez pourtant pas chercher une vocation hors-pistes à la Tipo Cross! Le côté baroudeur n’est là que pour des raisons purement esthétiques. Il s’agit en réalité d’une Tipo compacte, rehaussée de 3,7 cm et dotée d’accessoires extérieurs (protections latérales, bas de caisse, bouclier spécifique et barre de toit). Ce modèle reste une simple traction, et ne supportera pas un éventuel défi avec les Panda 4x4, qui sont, elles, de pures transmissions intégrales fort capables!
Pour autant le cocktail est visuellement gagnant. L’aspect "aventure" est bien présent, avec une carrosserie franchement réussie, rappelant des crossovers récents à succès, comme le Citroën Cactus. Mais une certaine élégance en plus… à noter d’ailleurs de très jolies jantes spécifiques, qu’on n’a pas précisément envie de rayer dans les sous-bois.
On aime : espace et confort
L’intérieur est lui aussi plus que correct. Malgré l’omniprésence de plastiques durs, et même marbrés sur certaines parties (qui diviseront l’opinion…), l’habitacle est lumineux et aéré. La sellerie en tissus bicolore spécifique apporte une petite touche gaie, conducteur et passager avant bénéficiant d’une très bonne position, élevée juste comme il faut. Et la banquette arrière, très large et légèrement inclinée vers l’arrière, est franchement très spacieuse et accueillante.

La modularité est là, ainsi qu’un nombre important de petits rangement pratiques. Quant au coffre, à 440 litres, il contiendra sans problèmes 3 grosses valises et un sac de sport. Certes, on est loin des 550 de la Tipo break, mais cette Tipo Cross dispose d’un caractère familial affirmé.
La Tipo Cross est avant tout... une Tipo. Elle garde de vraies qualités de confort qu’on avait déjà senties sur les premières versions. Une plate-forme similaire à celle des Fiat 500 L/X et Jeep Renegade, mais c’est sans doute la Tipo qui en fait le meilleur usage: un niveau de confort élevé, une stabilité et une tenue de route de très bon niveau, et un vrai caractère de routière. Avec pour la ville un bon rayon de braquage (5,5m) qui la rend très facile à manœuvrer, sans même avoir recours à la fameuse touche "City" propre à Fiat, qui démultiplie la direction.
Un moteur petit... mais costaud
Et c’est en route qu’on peut vraiment goûter aux autres qualités de cette surprenante Tipo Cross. Déjà, un moteur dont on n’aurait pas donné cher sur le papier. Le petit 3 cylindres Firefly 1 litre turbo paraît sur le papier bien léger pour propulser ce qui reste un crossover d’1,4 tonne… Mais en réalité, il fait plus que le job! Et paraît même à l’aise comme rarement. Bien implanté et réglé, il donne un dynamisme plus qu’honorable a la Tipo Cross, tout en restant silencieux, surtout à bas régime. Une Tipo Cross volontaire, donc, aidée par une autre vraie bonne surprise également: un excellent freinage.

C’est aussi du côté du niveau d’équipement que la Tipo Cross étonne. Pour un prix modique et une vocation low-cost, elle donne accès à un certain nombre de fonctionnalités jusque-là réservées à des modèles de gamme nettement supérieure.
Elle est équipée d’une aide au maintien dans les voies, d’un lecteur automatique des panneaux de limitation de vitesse, d’un régulateur adaptatif, d’une aide au freinage d’urgence et d’une fonction "stop and start" moteur. Quant au système d’infotainment et de connectivité, il sera sans doute au goût de certains d’un affichage un peu austère ou vieillot, mais il a le mérite d’être très complet, et le système audio est d’une qualité surprenante également.
On aime moins: une boîte de vitesse décevante
A croire qu’elle n’a pas de défaut, cette Tipo Cross. Mais bien évidemment, le tableau ne peut être idéal dans un véhicule à vocation avant tout économique. Avec en premier lieu une boîte de vitesse franchement désagréable. Mal étagée, elle est source d’à-coups à bas régime (un défaut récurrent chez Fiat, rendu plus sensible avec l’effet turbo) et d’instabilités au démarrage. Accrocheuse et pas très précise, elle n’est dotée que de 5 rapports. Un 6ème aurait pu faire baisser un peu la consommation (qui reste relativement sage à 5,7l/100km en norme WLTP, tout de même).

Si l’amortissement est très confortable, l’assise même des sièges en revanche est assez dure, surtout sur long trajet. Dommage, alors que le châssis, lui, est encore une fois très réussi. Le pédalier, un peu décalé sur la droite, est déroutant au départ. La direction est floue et pas très informative. Et quelques détails d’ergonomie agaceront, comme un mobilier de console centrale mal placé, qui gêne un peu la jambe droite du conducteur. Enfin, on pourra regretter une visibilité arrière réduite, qui tranche avec l’impression d’espace et de lumière que dégage l’habitacle de manière générale.
Mais à quel prix? Une très bonne affaire
Au prix où est proposé cette Tipo Cross (18.990€, 22.990 pour le modèle testé ici), franchement on en a pour son argent, très largement. Et sur le papier, à quelques petits milliers d’euros près, elle a de quoi largement convaincre la clientèle naturelle des version haut de gamme Dacia.
Celle du best-seller Dacia Sandero (surtout dans sa version Stepway), et même du célébrissime Duster, puisque la Tipo Cross est sensiblement de même longueur (4,4m) et de capacité de coffre équivalente! Une alternative séduisante en plus pour qui se lassera du format SUV…
Une voiture familiale pratique, agréable à regarder, bourrée de qualités et à prix serré, vraiment prête à chatouiller Dacia... que demande le peuple? Plus de voitures comme la Fiat Tipo Cross, sans aucun doute! Et quitte à jouer les baroudeuses bon marché, pourquoi pas une vraie version 4x4?