Enfant électrisé à Strasbourg: dix mois de prison avec sursis requis à l'encontre de l'animateur périscolaire

Le piano était l'une des passions de Sacha. Il n'est aujourd'hui plus qu'un lointain souvenir pour le jeune Strasbourgeois.
Le 4 juin 2019, alors âgé de 10 ans, Sacha est électrisé lors d'une activité périscolaire. Son corps reçoit une décharge de 2000 volts. Amputé de la main droite ainsi que de plusieurs doigts de la main gauche, il séjourne à l'hôpital pendant un mois.
Le procès de l'animateur à l'origine de cet atelier s'est tenu ce jeudi à Strasbourg. À l'issue des débats, la procureure a requis une peine de dix mois de prison avec sursis et une interdiction d'exercer auprès d'enfants pendant cinq ans à l'encontre de cet homme proche de la retraite. Elle a également demandé qu'une amende de 10.000 euros soit infligée à l'encontre de l'association qui l'employait. Le tribunal rendra sa décision le 8 juin.
Boîte à livres
Rencontrés par BFM Alsace peu avant l'ouverture du procès, Marie-Christine et Joël Bottazzi, les parents de Sacha, se souviennent avec précision de ce funeste 4 juin 2019.
Ce jour-là, l'animateur en charge du groupe d'élèves de Sacha leur propose un atelier de "gravures de Lichtenberg". Cette technique permet de graver une plaque en bois mouillée avec un transformateur électrique. En vue de cette activité, l'animateur a confectionné lui-même, à l'aide de tutoriels, un appareil artisanal permettant de décorer une boîte à livres commandée par la ville de Strasbourg.
Sacha se saisit de la machine et s'électrise. Il s'écroule, commence à prendre feu. Son cœur s'arrête de battre pendant dix minutes. L'animateur périscolaire s'approche pour lui venir en aide: il est lui-même frappé par le courant électrique.
Les témoins tentent de couper l'arrivée d'électricité vers l'installation artisanale, mais le boîtier du disjoncteur est fermé à clé. Ils essayent alors d'identifier la prise à laquelle la machine à graver est reliée. Elle se trouve dans le bureau du responsable du périscolaire, lui aussi fermé à clé.
L'installation n'est finalement débranchée qu'au bout d'un long moment. Le père d'une élève présente sur place prodigue un massage cardiaque à Sacha jusqu'à l'arrivée des secours.
Brûlé au troisième degré
"Le soir, on a retrouvé Sacha en soins intensifs, dans le coma, se remémore Marie-Christine Bottazzi. Il avait fait un arrêt cardiaque. Il était brûlé au troisième degré. Il allait être amputé. Il était entre la vie et la mort et les médecins nous ont dit qu'on ne saurait que dans 48h s'il sortirait vivant de cet accident."
Aujourd'hui, les stigmates dont souffre Sacha ne sont pas seulement physiques. Selon ses parents, le jeune garçon éprouve des difficultés à se concentrer.
Sa mère, enseignante, a dû cesser de travailler pendant un an puis a changé d'établissement pour être plus proche de lui. Son père, architecte, a également dû cesser son activité pendant plusieurs mois.
"Qui peut dire que ce n'est pas grand chose quand on voit ça? Qui peut dire ça?", s'indigne le père de Sacha en fixant une photographie prise quelques minutes avant l'accident. Personne ne peut dire ça. Le voyant en plus en fonctionnement, faire des étincelles pour brûler le bois, avec de l'eau, du courant. Qui peut dire: 'Moi, je ne savais pas?'"

Des plaintes classées sans suite, bientôt un appel
Les parents attendent désormais que "justice soit faite" lors du procès. "On aimerait (...) qu'on recherche vraiment la chaîne de responsabilités, c'est ce qui n'a pas été fait", expliquent-ils.
C'était le sens de la plaidoirie de leur avocat, ce jeudi. Ce dernier a mis l'accent sur l'absence de représentants de la mairie et du directeur du périscolaire sur le banc des prévenus, au contraire de l'animateur et de l'association, qui ont présenté leurs excuses pour les blessures causées à Sacha.
Marie-Christine et Joël Bottazzi estiment que le directeur du périscolaire était informé de la nature de l'activité, mais qu'il n'a pas décidé d'y mettre son véto malgré ses doutes sur les conditions de sécurité.
Les parents de Sacha ont déposé une plainte à son encontre, ainsi que contre la municipalité, mais elles ont été classées sans suite. Ils prévoient cependant de faire appel de cette décision devant le tribunal de Colmar et de poursuivre la bataille judiciaire.