"C'est très tabou": à Strasbourg, des enseignants se mobilisent pour leurs élèves sans-abri

Ils sont huit enfants, entre 11 et 14 ans, et tous scolarisés au collège Lezay Marnésia de Strasbourg, à dormir dehors. La plupart vivent dans des tentes, au camp du Krimmeri. Ce vendredi 8 novembre, les professeurs et personnels d'éducation se sont mobilisés, et ont passé la nuit dans la salle des professeurs. Ils espèrent interpeller la collectivité européenne d'Alsace.
"L'objectif c'est à la fois d'alerter l'opinion publique, mais aussi de faire bouger la CEA, qui est propriétaire des logements de fonction des collèges. On en a deux qui sont vides, ça fait des mois qu'on leur demande de les mettre à disposition de familles qui sont dehors", explique Céline Balasse, enseignante en histoire-géographie au collège Lezay Marnésia. Jusqu'alors, la collectivité a toujours refusé cette proposition.
Les élus d'opposition du département apportent également leur soutien. "On a su le faire en accueillant des Ukrainiennes et des Ukrainiens en 2022. Pourquoi aujourd'hui Monsieur Bierry se défausse, et ne souhaite pas accueillir ces familles? Qu'est-ce qui fait qu'il y a ce principe de solidarité à géométrie variable?", questionne Florian Kobryn, conseiller écologiste d'Alsace.
Des enfants malades et fatigués
Si la situation est récurrente dans cet établissement, c'est la première fois qu'elle prend une telle ampleur. Sur l'ensemble du groupe scolaire, incluant les écoles maternelles et primaires, ce sont 13 familles qui sont concernées. Aucune n'est présente à la mobilisation de ce vendredi afin de ne pas stigmatiser les enfants.
"Bien évidemment, ce ne sont pas les élèves qui en parlent, c'est très tabou", constate Agathe Bertrand, professeure d'espagnol. Et d'ajouter: "C'est très compliqué pour des enfants de venir dire à leur professeur, 'bah nous, on n'a pas de maison. Nous on est dans une voiture ou dans une tente dans un parc de Strasbourg.'"
Ce sont souvent la fatigue, ou la maladie, qui mettent la puce à l'oreille du personnel du collège.
"Ils sont malades, ils sont tout le temps en train d'y penser. Ils ne peuvent pas se concentrer sur leur vie, sur leur scolarité", déplore Aurore Jouan, enseignante en Segpa.
"Nous, on est face à eux, on est impuissants dans cette situation-là. Parce qu'on essaye, on essaye de trouver des solutions pour eux, mais ça n'arrive à rien. Et l'enfant est toujours face à nous tous les matins, parce qu'il vient. Il vient parce qu'il a chaud, parce qu'il a un peu de chauffage", ajoute-t-elle. Les associations estiment à une centaine le nombre d'enfants actuellement à la rue, à Strasbourg.