Optimiste, inclusif et utopique: le mouvement "Solarpunk" veut être une alternative au Cyberpunk apocalyptique

Le mouvement Solarpunk - Youtube/The Line
Blade Runner, Cyberpunk 2077, Star Wars ou encore dernièrement Split Fiction... les visions futuristes que l'on retrouve au cinéma, dans les jeux vidéo ou à la télévision ne tendent pas vers l'optimisme. On est davantage habitué à une vision apocalyptique, prédisant soit la fin de la civilisation, telle qu'on la conçoit aujourd'hui, soit un blackout complet obligeant les humains encore vivants à survivre dans un univers fait de catastrophes naturelles et de gangs.
Face à cette vision, un mouvement s'est créé au tout début des années 2000: le Solarpunk. Son concept est simple: il est en opposition au Cyberpunk, et veut mettre en avant l'écologie et la solidarité.
Un futur plus durable et moins éco-anxieux
Un imaginaire qui prend place dans un manifeste, partagé en différentes langues, et qui consiste à espérer un futur bien plus durable que celui que l'on retrouve souvent dans les oeuvres de science-fiction.
"L'essence du Solarpunk est une vision de l'avenir qui incarne le meilleur de ce que l'humanité peut accomplir," peut-on y lire, "un monde post-pénurie, post-hierarchie, post-capitalisme où l'humanité se considère comme une partie de la nature et où les énergies propres remplacement les combustibles fossiles."

Le point d'ancrage entre le Solarpunk et le Cyberpunk se retrouve dans le "punk", qui vient désigner une rébellion, voire une contre-culture, qui viendrait s'imposer face aux usages d'aujourd'hui et de ceux à venir. Les similitudes s'arrêtent-là, puisque c'est la manière dont se déconstruit la culture actuelle qui va ensuite les différencier.
Au coeur de cette manière de voir les choses, la "low-tech", autrement dit une vision de la technologie qui va à l'essentiel sans abuser des ressources et qui met en avant la solidarité, le partage, et l'entraide pour faire fonctionner les outils de demain. Agriculture raisonnée, panneaux solaires à tous les étages, il y a évidemment une part d'impossible, mais comme le raconte Elio Possoz, auteur de Les mains vides (éditions La Volte, 12 euros), si les utopies ont tendance à narrer un futur fait d'îles, il faut raconter "des sociétés pleines de trous, composant, bricolant avec le voisin."
Dans son "journal de voyage" qui cherche à renverser l'idée que la crise climatique ne mènera qu'au chaos, on enfourche son vélo pour explorer un monde où la nature a repris ses droits, et où l'humain cherche à la comprendre en la respectant.
Les jeux vidéo en première ligne
"C'est avant tout un genre artistique," raconte Augustin Demain dans sa vidéo Youtube sur le sujet, "l'éolien et les énergies renouvelables sont au coeur du modèle Solarpunk."
Autre élément essentiel du Solarpunk, sa propension à mettre en avant les mobilités douces: les transports en commun, le vélo. La low-tech se construit ici autour de l'artisanat avec toujours des écrans d'ordinateurs, mais le concept se déploie autour de l'ouverture, de l'open source. Un logiciel dit "libre" sera ainsi collaboratif, comme c'est le cas aujourd'hui, mais davantage généralisé pour ne pas laisser des corporations prendre le pouvoir comme Amazon, Microsoft ou Apple.
Visuellement, il n'est donc pas étonnant de voir le Solarpunk se construire autour de la nature. D'une certaine manière, les films du studio d'animation japonais Ghibli participent à ce mouvement avec souvent une vision simple mais cohérente dans la manière dont on va utiliser les technologies et les outils de tous les jours. Lofi Girl, cette jeune fille travaillant dans le calme avec une musique faite pour se concentrer est un bon ambassadeur sur Youtube.
Si le Cyberpunk est davantage mis en avant car il vient briser des interdits, des tabous, le Solarpunk commence à se faire une place sérieuse dans le monde culturel. Des livres et BD sont régulièrement édités et conseillés par les adeptes d'oeuvres "cosy", où l'on se sent bien quand on les consomme. Côté jeux vidéo, c'est la mode des "jeux de survie et de création" qui offrent le plus de débouchés.
Un jeu sobrement baptisé Solarpunk sera lancé en 2025. Même s'il se construit autour d'îles flottantes, le projet se veut plus reposant qu'on ne le pense. Il faut parcourir un monde seul ou en coopération pour fabriquer des gadgets, construire des bâtiments, jardiner, ou encore explorer grâce à des machines volantes utilisant le vent.
On trouve plusieurs dérivés de ce concept sur consoles comme sur PC. S'il ne s'accorde pas sur tous les codes, Animal Crossing: New Horizons en fait partie grâce à sa manière d'entraîner le joueur dans une petite routine quotidienne où l'entraide avec d'autres habitants sur une île où tout reste à faire est essentielle. Il n'est pas étonnant de constater l'apétance, notamment chez la jeune génération de plus en plus "eco-anxieuse", pour ce sujet.
Une science-fiction politique
Le hashtag #cozygames totalise plus de deux milliards de vues sur Tiktok, tandis que celui dédié au Solarpunk connaît une croissance importante et totalise 122 millions de visionnages.
Quand on observe les vidéos d'utilisateurs, on constate qu'au-delà d'une consommation raisonnée des nouvelles technologies, c'est la "slow life" (la "vie simple") qui est davantage mise en avant. Un élément qui pointe vers l'ironie lorsqu'on sait que Tiktok est un réseau social chinois, où la course effrénée au développement en fait l'un des plus gros pollueurs du monde.
Eminamment politique, le mouvement du Solarpunk vient également répondre aux interrogations suscitées par l'arrivée au pouvoir de dirigeants autoritaires. Face à Donald Trump aux Etats-Unis ou Javier Milei en Argentine, il convient de repenser le monde pour mieux lutter contre les inégalités.
Pour continuer sa mue et ne plus être qu'une utopie, le Solarpunk va peut-être pouvoir s'appuyer sur des événements axés pour le grand public. Du 29 au 30 mars 2025, à Paris dans le douzième arrondissement, le festival Aurore Système veut mettre en avant un imaginaire raisonné: "On y parlera d'intelligence artificielle, de pluralité, de médiation et de diplomatie, de politique de la ville, d'individu et de collectif, ou encore de rôle de la science et de la technique dans une société mouvante," est-il écrit dans le communiqué.
A cette occasion, des autrices, auteurs, maisons d'édition qui prônent un modèle futuriste bien plus enviable que celui que cherchent à imposer beaucoup d'autres.