Exploitation des données personnelles: "cela doit cesser", pour le patron d’Apple

Tim Cook devant le Parlement européen, le 24 octobre. - Aris Oikonomou / AFP
Cela pourrait devenir un classique du genre. Invité à prendre la parole ce 24 octobre, à l'occasion de la Privacy Conference organisée à Bruxelles, Tim Cook s'est une nouvelle fois positionné en chevalier blanc de la vie privée. Devant un parterre de régulateurs mondiaux, il a indiqué soutenir la vision européenne de protection des données personnelles.
Cette dernière est gravée dans le RGPD, le règlement général sur la protection des données entré en application de 25 mai. Le PDG d'Apple a profité de son intervention pour saluer le travail des rédacteurs du texte. "Merci d'avoir montré qu'il était possible d'avoir une politique qui laisse augurer le développement d'une technologie centrée sur l'homme, avec la ferme conviction que le meilleur - et non le pire - est encore devant nous", a-t-il lancé", avant d'indiquer qu'il souhaiterait voir d'autres pays, Etats-Unis inclus, "suivre l'exemple de l'Europe et même le dépasser". Des propos rapportés par Le Figaro.
D'après lui, il s'agit-là d'une "exigence morale". "Chaque jour, les données de millions de personnes sont soigneusement collectées, assemblées, traitées afin de définir des profils en ligne. Des algorithmes transforment des préférences inoffensives en préjugés rigides. Si vous aimez le vert, vous lirez des informations alarmantes sur la menace insidieuse portée par ceux qui aiment le orange", a-t-il rappelé. Le PDG d'Apple fait ainsi référence aux "bulles de filtres", ces recommandations automatiques en ligne qui condamnent bien souvent les internautes à consulter des contenus qu'ils aiment ou pourraient aimer.
Sa saillie la plus remarquée a néanmoins trait à l'utilisation "militarisée" des données par les plus grands acteurs du numérique. "Ces montagnes de données collectées par des entreprises ne servent qu'à une chose: les enrichir", a-t-il tranché. "Et cela doit cesser", conclut-il, visant à demi-mot Google et Facebook.
Un "droit fondamental"
Le PDG d'Apple s'arc-boute régulièrement contre l'exploitation abusive des données personnelles. Progressivement, et par ses déclarations successives, Apple se distingue des acteurs les plus puissants de l’économie numérique sur cet axe sensible. Lors de son intervention, Tim Cook a notamment qualifié le respect de la vie privée de "droit fondamental".
L’entreprise en fait l’un de ses fers de lance mais aussi un argument marketing, à même de justifier le prix de ses produits souvent plus élevé que ceux de la concurrence. Chez Apple, les messages sont chiffrés et les données biométriques sont stockées sur les appareils et non sur des serveurs. Apple s'est notamment illustré début 2016, à la suite de la tuerie de San Bernardino, en refusant de déverrouiller le téléphone d’un suspect, sur demande des autorités.
Google et Facebook dépendants de nos données
Si Apple s'en tient à une telle vision concernant la protection des données personnelles, c'est aussi que le groupe peut se le permettre. Son modèle économique dépend largement moins de l’exploitation des données personnelles que ceux de Google et Facebook, dont les revenus sont étroitement liés à la vente de publicité ciblée.
Entre avril et juin 2018, Apple a engrangé 53 milliards de dollars de chiffre d’affaires. L'immense majorité de cette somme provient de la vente de produits (iPhone, MacBook et Apple Watch en tête). Google tire quant à lui 86% de ses revenus annuels de la vente de publicité. Chez Facebook, le chiffre grimpe à plus de 98%. Le discours pro-européen d’Apple s’évapore néanmoins dès lors qu’il s’agit d’aborder la sensible question de la fiscalité. Début septembre, la firme était condamnée à rembourser 14 milliards d'euros à l'Irlande pour avoir profiter d'avantages fiscaux trop importants.