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"2.000 euros par semaine": sur les réseaux sociaux, l'escroquerie au "refund" séduit de jeunes internautes peu scrupuleux

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De plus en plus d'internautes se lancent dans le "refund", une pratique qui consiste à se faire rembourser ses achats en ligne et à les revendre. Un business qui peut rapporter gros... mais évidemment illégal.

"Je me fais à peu près 2.000 euros par semaine." "Des bénéfices allant jusqu'à 1.000 euros par semaine." "Des sommes astronomiques." Les superlatifs ne manquent pas pour décrire le "refund", cette nouvelle escroquerie qui fait fureur sur les réseaux sociaux.

Concrètement, il s'agit d'une arnaque qui consiste à commander en ligne des articles sous une fausse identité. Il suffit ensuite d'affirmer ne pas avoir reçu l'article et de se le faire rembourser. "Mes amis font du refund depuis environ un an. Ils ont 16 ans, parfois même 15 ans. Ils ont découvert ça sur Telegram", fait remarquer Adam*, interrogé par Tech&Co.

Jusqu'à 30.000 euros de gains

C'est ce que fait Tom, 19 ans. Le jeune homme, qui a souhaité rester anonyme, fait du "refund" depuis plus d'un an maintenant.

"J'ai entendu parler du refund sur Tiktok, et au début, je faisais ça principalement sur Zalando parce que c’est là où ça marchait le mieux", précise-t-il auprès de Tech&Co.

"Dans mon cas, je voulais surtout me faire rembourser mes commandes. Je dirais que j'ai économisé autour de 500 euros", précise le jeune homme. Mais certains, comme Théo*, vont encore plus loin et n'hésitent pas à revendre les produits qu'ils se sont pourtant fait rembourser. Là encore, en toute illégalité.

Le jeune homme a entendu parler du "refund" il y a déjà un an et demi. Attiré par "les sommes d'argent assez conséquentes que cela peut rapporter", il s'est donc lancé dans l'opération. "Maintenant, je rembourse mes commandes sur plusieurs sites et plateformes comme Apple, Nike, Amazon et bien plus encore", explique-t-il à Tech&Co. "Cette activité me rapporte environ 2.000 euros par semaine", chiffre le jeune homme.

Mes amis, ils revendent des chaussures et se font des bénéfices allant jusqu’à 1.000 euros par semaine", observe de son côté Adam*. D'autres vidéastes affirment avoir gagné pas moins de 30.000 euros en à peine six mois.

"Ce n'est pas une fierté"

Des sommes impressionnantes, donc, qui font de l'œil à de nombreux internautes. " Je revends très rarement les produits, mais je devrais le faire plus et je pense commencer à le faire", observe Alex*, 20 ans, interrogé par Tech&Co.

"Le principal problème, c'est qu’il faut un capital de départ et le mien n’est pas encore suffisant pour multiplier les commandes", poursuit celui qui s'est lancé dans le "refund" il y a deux ans. "Je n’ai pas encore assez de connaissances pour en vivre, ni de capital. Mais je vais faire un prêt pour pouvoir réinvestir cet argent" explique-t-il.

"Ce n'est pas une fierté", affirme Alex*. "Après, arnaquer les entreprises, ce n'est pas comme arnaquer les particuliers. 90% du temps, les gens du milieu sont des gens intelligents qui viennent de milieux défavorisés et qui ont dû trouver un moyen de se faire un peu d'argent sans prendre trop de risques."

En général, le jeune homme préfère revendre des vêtements. "C'est plus pratique pour se faire rembourser et ça ne peut pas se faire détecter comme les iPhone." Car la pratique n'est pas sans conséquences.

"Je n'ai pas peur d'être rattrapé"

En effet, le "refund" exploite les politiques de remboursement des plateformes de vente comme Amazon, qui cherchent à protéger les consommateurs en cas de produit non livré ou défectueux. Les adeptes du "refund" encourent donc des amendes pour abus de confiance ou encore escroquerie. Une telle pratique est passible de cinq ans d’emprisonnement et de 375.000 euros d’amende.

Sur les réseaux sociaux, de nombreux vidéastes expliquent ainsi avoir écopé de plusieurs dizaines de milliers d'euros d'amende. "Les gars, mon ami doit 30.000 euros à l'État", alerte Jude, un vidéaste sur Tiktok. "Quand on vous dit d'arrêter le refund, c'est pas des blagues."

Et les sites de commerce en ligne ne comptent pas se laisser faire. Aux États-Unis, Amazon a poursuivi en justice à la fin 2023 un réseau international de fraudes aux remboursements. Mais pas de quoi inquiéter les "refunders".

"Les commandes se font sur des fausses identités via des sites très connus où les problèmes sur les commandes sont inférieurs à 1%. Donc, si un compte 'fidèle' a un problème, ce n’est pas dans leur intérêt de ne pas rembourser", explique Alex.

Un avis partagé par Théo. "Je n’ai pas peur d’être rattrapé car je n’habite pas en France", lance le jeune homme.

* les prénoms ont été modifiés

Salomé Ferraris avec Pierre Berge-Cia