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"Hyper rentable": pourquoi la frénésie des calendriers de l'Avent s'empare de Tiktok

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Sur Tiktok, les déballages de calendriers de l'Avent cartonnent. Un pari gagnant pour les marques, mais aussi pour les influenceurs qui lancent leurs propres calendriers... rapidement en rupture de stock.

"Vous me l'avez tellement demandé, ça y est, il est arrivé", s'extasie Ocedptt dans une vidéo Tiktok. Dans sa main gauche, une boite blanche et rose, décorée spécialement pour les fêtes. "C'est le calendrier de l'Avent Blissim (...) On va l'ouvrir ensemble et je vais vous dire s'il vaut le coup."

Sourire aux lèvres, la créatrice de contenus fait alors défiler crèmes, shampoings et produits de maquillage devant la caméra de son téléphone. "Pour son prix, je le trouve vraiment pas mal", résume-t-elle après avoir présenté façon téléachat les 24 produits du calendrier. "Il y a un peu de tout, ça vous fait une routine complète. Et il est hyper rentable."

Une nouvelle tradition de Noël

La vidéo d'à peine 2 minutes frole le million de vues. Car sur les réseaux sociaux, Tiktok en tête, la guerre des calendriers de l'Avent fait rage. C'est même devenu une tradition de Noël. Chaque année, à l'approche des fêtes, les influenceuses multiplient les déballages de calendriers de l'Avent commercialisés par des marques de maquillage et de soins. Pour preuve, sur Tiktok, le hashtag #calendrierdelavent a dépassé 1,4 milliard de vues. le #calendrierdelavent2024, lui, a cumule déjà 33 millions de vues.

"Cette année, les déballages de calendrier ont commencé très tôt, dès le mois de septembre", analyse Paupinkstar, une créatrice de contenus sur Tiktok et Instagram, auprès de Tech&Co. "C'est simple, quand on ouvre Tiktok, une vidéo sur deux est un unboxing [déballage, ndlr] de calendrier de l'Avent", sourit-elle.

Une audience "excessivement intéressée"

Et il y en a pour tous les goûts et tous les prix. Plus de 500 références existent sur le marché. L'enseigne néerlandaise de déstockage Action propose le sien à 95 centimes et cela grimpe jusqu'à plusieurs centaines d'euros pour les marques de luxe.

Mais sur les réseaux sociaux, pas question d'attendre sagement pour ouvrir les cases. Les 24 produits sont déballés à la chaîne, présentés face caméra et commentés méticuleusement.

Le tout, en quelques minutes. "On ouvre ensemble le très désiré et le très désirable calendrier Typology", annonce fièrement Audrey, une vidéaste. L'influenceuse n'est suivie que par 43.000 abonnés et pourtant. Sa vidéo de 3 minutes cumule plus de 2,5 millions de vues. En un mois et demi, la jeune femme a partagé une vingtaine de publications et de déballages de calendrier de l'avent.

L'objectif est toujours le même: savoir si le calendrier de l'Avent est "rentable". Autrement dit, si la valeur des produits est suffisamment supérieure au prix d'achat du calendrier.

L'audience, plutôt jeune et féminine est "excessivement intéressée" par ces vidéos", insiste Paupinkstar. "J'essaye de faire des tops de calendriers, 'le plus rentable', 'le top 3 pour le maquillage',... Ca cartonne."

Un guide d'achat pour les utilisateurs, et surtout, une source de vues, et donc de revenus, non-négligeable pour les vidéastes. Pour les créatrices de contenus, c'est la promesse de vues par milliers.

Un pari gagnant-gagnant

En effet, les vidéos de déballage de calendriers de l'Avent comptent souvent parmi les plus regardées et les plus aimées des comptes qui les réalisent. Pour preuve, les vidéos dédiées à ces unboxing d'Ocedptt dépassent régulièrement les 300.000 vues, voire le million de visionnages. Ses contenus plus classiques, eux, tournent autour des 100.00 vues.

"J'ai moins de 3.000 abonnés. Et pourtant, certaines de mes vidéos ont généré plus de 240.000 vues et 7.000 likes", s'enthousiasme Paupinkstar. "J'ai même reçu deux calendriers en cadeau de la part de marques."

Les marques n'hésitent pas à arroser les influenceurs de calendriers gratuits, dans l'espoir que ces derniers fassent une vidéo promotionnelle sur Tiktok ou Youtube. D'autant que les calendriers de l'Avent constituent un formidable produit d'appel pour séduire de nouveaux clients ou les fidéliser.

Pour ces opérations marketing, les enseignent ciblent des stars du net, mais surtout, des influenceurs plus confidentiels. En effet, les audiences relativement faibles sont en réalité une force aux yeux des annonceurs. Leurs communautés de niche sont généralement plus engagées et, donc, à l'écoute des recommandations.

Un pari réussi. Sous les vidéos d'unboxing, les utilisatrices ne cachent pas leur enthousiasme. "Je viens de l'ajouter à mon panier." "Bon, j'ai déjà acheté le mien, mais je sens que je vais à nouveau craquer."

Rapidement, les demandes pour se procurer l'objet affluent dans les commentaires. Le calendrier de l'Avent Sephora Favorites, dont les qualités ont été vantées à longueur de journée sur Tiktok, était en rupture de stock... dès le mois de septembre.

Surconsommation à gogo

Un business juteux, donc... qui pousse les influenceurs à proposer leurs propres calendriers de l'Avent. C'est le cas d'EnjoyPhoenix, qui a lancé le sien dès 2020. La créatrice Nail FRS, spécialisée dans les manucures, a également commercialisé le sien. Là encore, le succès est au rendez-vous. L'an dernier, le produit s'est écoulé en sept petites minutes.

Malgré l'enthousiasme, quelques critiques commencent à se faire entendre. Ces vidéos "unboxing" tournent en effet à la frénésie. Certaines influenceuses achètent plus d'une vingtaine de calendriers et accumulent les produits inutilement dans leurs tiroirs. Des schémas de surconsommation, régulièrement décriés dans le secteur.

Les vidéastes sont également accusés d'encourager leurs abonnés à dépenser des sommes folles dans plusieurs calendriers. Face à ces critiques, les influenceurs assurent organiser des concours pour offrir les calendriers non utilisés ou les produits en double à leurs abonnés.

Salomé Ferraris