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Dans les entrailles de Salvac, le logiciel des autorités pour traquer les tueurs en série

Jacques Rançon, soupçonné d'être l'un des rares tueurs en série français contemporains, a été retrouvé grâce au logiciel Salvac.

Jacques Rançon, soupçonné d'être l'un des rares tueurs en série français contemporains, a été retrouvé grâce au logiciel Salvac. - RAYMOND ROIG / AFP

Interview - Depuis 2003, et au fil d'améliorations constantes, le logiciel Salvac vient apporter un éclairage nouveau aux enquêtes criminelles. Philippe Guichard, le patron de l'OCRVP, revient sur les applications concrètes de cet outil.

Il a tout récemment mené à l'arrestation d'un auteur de crimes sexuels, par la direction régionale de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris. Le logiciel Salvac, pour "système d'analyse des liens de la violence associée aux crimes", est mis à profit depuis 2003 pour élucider les crimes à caractère sexuel ou violent, sans mobile apparent. 

Les féminicides et règlements de comptes se trouvent ainsi hors du champ d'action du Salvac. Cet outil d'analyse intervient là où les méthodes classiques d'enquête pèchent, en raison d'un manque de lien entre l'auteur d'un crime et sa victime. Il vient aider les enquêteurs à établir des rapprochements avec des faits similaires, parfois survenus dans une toute autre région, et à élaborer un profil psychologique du suspect. D'après les informations de l'Express, Salvac a notamment permis aux enquêteurs de mettre la main sur Jacques Rançon, soupçonné d'être l'un des rares tueurs en série français contemporains.

Il incombe à l'Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) d'alimenter ce logiciel, à partir des informations fournies par l'ensemble des services d'investigation français. Philippe Guichard, le patron de l'OCRVP, vient détailler les ressorts de ce logiciel qui fait la chasse aux criminels. 

BFM Tech: Combien de dossiers criminels le logiciel Salvac a-t-il brassé depuis 2003 et comment ces derniers sont-ils sélectionnés? 

Philippe Guichard: Depuis son lancement en 2003, Salvac a accumulé les données de plus de 15.000 dossiers criminels. Les dossiers à traiter sont sélectionnés sur la base d'une revue de presse quotidienne, au sein de l'OCRVP. On s'efforce de dénicher dans l’actualité toutes les affaires de sang, sans mobile apparent, ou de sexe, qui seraient susceptibles d'entrer dans notre base. 

Une fois cette sélection établie, nous contactons les différents services concernés, pour qu’ils nous communiquent des pièces du dossier à entrer dans la base de Salvac. Ce qui nous intéresse, c’est d’avoir des détails sur le comportement de l’auteur et son mode opératoire.

Combien de rapprochements ont pu être établis grâce à Salvac à ce jour? 

Au total, 327 rapports de rapprochement ont été réalisés. Leur nombre était de 281 en 2016. S'il s'avère que trois affaires présentent des points communs qui pourrait laisser présager un seul et unique auteur, nous enverrons ces rapports aux trois services concernés, en leur signalant cette possibilité. À eux de faire en sorte de valider, ou non, ce rapprochement. 

Jusqu'à 168 paramètres différents peuvent être entrés dans ce logiciel, pour établir des rapprochements entre plusieurs affaires. Que concernent-ils? 

Il s'agit pour nos analystes d'entrer aussi bien des paramètres évidents, tels que la date et l'heure des faits, le lieu du crime mais aussi le mode opératoire de son auteur. Cela va de la manière dont le criminel contacte sa victime à sa façon de l'approcher, en passant par la langue dans laquelle il s'exprime ainsi que des caractéristiques sur la manière dont il agresse sa cible, sexuellement ou non.

En quoi le logiciel a été amélioré depuis son lancement en 2003?

Salvac est un logiciel d'origine canadienne, qui a été amélioré à plusieurs reprises. Il s'agit désormais de sa cinquième version. L'outil se prête désormais plus finement aux contextes d'enquête de chaque pays. Il est en effet utilisé un peu partout dans le monde et dans plusieurs pays européens - Suisse, Allemagne, Belgique, dans lesquels les critères jugés les plus importants pour une enquête diffèrent. 

Vous comprendrez bien que si l'utilisation de motoneiges peut s'avérer commune au Canada et donner des renseignements sur le comportement d'un criminel, cela sera moins vrai en France. D'autres ajustements ont récemment été apportés à Salvac. Une nouvelle version devrait être dévoilée en début d'année prochaine.

Quels profils, au sein de l'OCRVP, sont aujourd'hui à même de maîtriser cet outil? 

Les profils impliqués dans sa manipulation sont des gens qui ont une certaine expérience dans le monde de l’investigation. Il faut en effet un certain temps pour appréhender cet outil et on ne peut devenir analyste du jour au lendemain. Une bonne compréhension de son fonctionnement et de ses ramifications prend entre six mois et un an.

Les données brassées par Salvac sont d'une confidentialité rare. De quelle façon faites-vous en sorte d'empêcher que des personnes tierces y aient accès?

Toutes les informations reçues de la part des différents services territoriaux avec lesquels nous sommes en contact sont stockées dans un serveur étanche. Personne d'autre que des membres de notre propre service n'y a accès. Ces données ne servent par ailleurs qu'à Salvac. Et leur conservation fait l'objet d'un encadrement strict, défini par la Cnil

https://twitter.com/Elsa_Trujillo_?s=09 Elsa Trujillo Journaliste BFM Tech