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Prix gonflés, additifs cancérigènes… Pourquoi il faut se méfier des bonbons en vente sur Tiktok

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Sur Tiktok, les lives de préparation de commandes de bonbons et autres confiseries cartonnent. Pourtant, certains de ces produits importés des États-Unis, souvent vendus plus chers, sont dangereux pour la santé.

"Est-ce que vous pensez que Vincent va terminer son énorme commande tout seul ou qu'il va partager avec quelqu'un?", lance Ella, à l'origine du compte CandyDouceur. Entourée d'une multitude de boîtes et bonbons colorés, la jeune femme s'apprête à emballer une énième commande de bonbons et autres sucreries.

Dans le paquet cette fois-ci, un Coca Oreo, une pâte à tartiner Mars, une tablette au chocolat de MrBeast, un Coca à la pêche, plus de deux kilos de bonbons en tout genre, des confiseries Nerds et un Fanta au raisin.

Ella ferme alors le colis. Il est prêt à l'expédition. Cette petite mise en scène, la jeune femme la reproduit parfois plusieurs fois par heure. Son but? Préparer et empaqueter en live les commandes de bonbons, confiseries et boissons en tout genre pour ses près de 200.000 abonnés sur Tiktok. Elle détaille chaque bonbon de la commande et présente parfois les dernières nouveautés qu'elle a en stock, façon "téléachat".

Des produits deux fois plus chers

Et Ella est loin d'être une exception. Candymix, Magic-Candy, Candy Paradis ou encore le Paradis des Bonbons: depuis quelques années, les lives shopping se multiplient sur la plateforme. Les créateurs tentent de vendre des vêtements, des bijoux ou encore des confiseries. Cette dernière catégorie est d'ailleurs particulièrement populaire sur la plateforme. Pour preuve, le hashtag #bonbon dépasse les 300.000 publications.

Et les lives sont devenus un véritable business. En moyenne, 20.000 chalands se pressent chaque jour devant les directs de Candymix (un million d'abonnés), un autre compte spécialisé dans la vente de bonbons.

"Les vidéos en direct, ça nous permet de créer du lien. Ils voient les produits et qui se cachent derrière la marque", précisait Johanna Poitevin, la créatrice derrière Candymix, auprès de Tech&Co en octobre dernier.

En trois ans, la jeune femme a enregistré près de 80.000 commandes. Rien d'étonnant puisque une partie de ces victuailles est quasiment introuvable en France. Ici, pas de Fanta classique, de M&M's au chocolat ou de Haribo. Les clients leur préfèrent des sodas bacon, des bonbons coréens ou les célèbres Reese's au beurre de cacahuètes.

Les bonbons Nerds
Les bonbons Nerds © Nerds

Des produits rares, donc, et ça, les vendeurs en herbe l'ont bien compris. Et ils n'hésitent pas à gonfler les prix. Ainsi, un paquet de deux Reeses's coûte 2,19 euros sur le site de CandyMix, contre 1,5 euro en boutique. Les bonbons Hitchies sont proposés à 12,5 euros le kilo en boutique, contre 22,9 euros le kilo sur Candymalo.com. Les chips Brets saveur côte de boeuf, à 11,60 euros le kilo en magasin, atteignent les 28,72 euros le kilo, en promotion, chez CandyDouceur.

Des normes plus restrictives dans l'UE

Une pratique discutable, mais qui reste légale, rappelle Zoé Kerlo, toxicologue chez Yuka. "C'est tout à fait légal de vendre des bonbons commercialisés par d'autres pays, à partir du moment où les produits respectent toutes les normes sanitaires du pays où il est vendu", observe-t-elle.

"Mais même si c'est sur Tiktok ou d'autres réseaux sociaux, les produits doivent respecter la réglementation européenne", insiste Zoé Kerlo.

Et c'est là que le bât blesse. Car les normes européennes sont beaucoup plus restrictives que leurs équivalents américains ou asiatiques, notamment concernant les additifs alimentaires. "Il n'y a pratiquement pas d'additifs alimentaires interdits aux États-Unis, alors qu'il y en a beaucoup dans l'UE", détaille la toxicologue. "En Europe, il y a une liste d'additifs que l'on peut utiliser. Chaque additif a été évalué par l'EFSA (l'Autorité européenne de sécurité des aliments, NDLR). Aux États-Unis, c'est la logique inverse. On peut tout utiliser par défaut sauf s'il y a des risques avérés."

En parallèle, les concentrations maximum en additifs, par exemple dans les sodas, et la présence de contaminants et de polluants sont beaucoup plus encadrés dans l'UE que sur le sol américain.

ADN modifié, additifs cancérigènes et hyperactivité

Résultat, plusieurs produits interdits en France sont en vente sur ces sites. Ainsi, le Fanta fraise, qui contient le double de la dose de colorant autorisée pour le Fanta pêche, est commercialisé sur le site de Bouche sucrée et de CandyMix. Le colorant E129 est pourtant accusé d’aggraver l’hyperactivité chez les enfants. Il est également présent dans le Fanta raisin importé de Chine, vendu sur le site.

Les M&M's beurre de cacahuètes (bien que cela ne soit pas écrit sur l'étiquette) et certaines gammes de bonbons Nerd's contiennent du dioxyde de titane (E171). Un colorant notamment interdit dans l'alimentation, en France depuis 2020 et dans toute l'Union européenne depuis 2022. Il est classé comme cancérogène possible pour l'homme depuis 2006. "Il est suspecté d'être un mutagène, ça veut dire qu'il altère l'ADN de nos cellules", précise la toxicologue. Les M&M's au beurre de cacahuète sont en vente sur Magic-Candy.

"Les céréales Lucky Charms contiennent des colorants complètement interdits dans l'UE et dans les céréales du petit-déjeuner, notamment les colorants E102, E110, E129 et E133", ajoute Zoé Kerlo.

Autant de colorants liés à des risques éventuels d'effets cancérigènes et d'hyperactivité. Là encore, le produit est vendu sur Magic-Candy. Selon les constatations de Tech&Co, le site Candydouceur ne semble pas commercialiser de produits interdits en France.

Contactée par Tech&Co, la Direction générale de l'alimentation (DGAL) n'a pas répondu à nos questions.

Pour éviter de tomber dans le panneau, les consommateurs peuvent utiliser l'application Yuka qui permet de scanner les produits alimentaires et cosmétiques, afin d’obtenir des informations sur la composition du produit. Autre technique: s'atteler à une étude minutieuse des étiquettes, puisque les vendeurs sont dans l'obligation d'indiquer la liste complète des ingrédients. Du moins en théorie.

Selon les constatations de Tech&Co, plusieurs sites omettent d'afficher les listes d'ingrédients. D'autres n'indiquent pas les mentions légales ou les avertissements sanitaires. Enfin, toutes les normes d'hygiène ne sont pas forcément respectées. C'est par exemple le cas de Candy Paradis qui, lors des préparations de commandes de bonbons en vrac, n'utilise pas de gants. Contactées par Tech&Co, aucune entreprise n'a donné suite à nos sollicitations.

Salomé Ferraris