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Notes achetées, commentaires truqués… Internet de plus en plus pollué par les faux avis

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Selon une enquête de l'UFC-Que Choisir, 94% des Français consultent les avis en ligne avant d'acheter un produit. Or, ces commentaires sont souvent trompeurs. Certains professionnels n'hésitent pas à acheter des avis ou à offrir des compensations financières aux clients contre une évaluation 5 étoiles.

C'est devenu un réflexe pour des millions de Français. Que ce soit pour choisir un restaurant, un canapé, un médecin ou son hôtel: on se rue sur Google, Amazon ou Tripadvisor pour vérifier les avis en ligne.

Pour preuve, selon la dernière enquête de l'UFC-Que choisir, publiée ce 20 février, 94% des Français consultent ces commentaires avant d'acheter un produit ou de choisir un service et 70% leur accordent leur confiance. Concrètement, en dessous de 3 étoiles, les consommateurs renoncent au produit ou au service envisagé.

Une vague de faux avis

Pourtant, les avis en ligne ne sont pas toujours fiables, au contraire. Ainsi, l'an dernier, la DGCCRF a mené plus de 1.000 contrôles. Et un avis sur trois posté sur internet est faux ou présente des anomalies.

En effet, pour les entreprises, les avis en ligne sont cruciaux et déterminent leur réputation auprès des clients. Avec un tel enjeu, certains commerçants peu scrupuleux n’hésitent pas à acheter de faux avis qui ne sont donc pas forcément représentatifs de la réalité.

"De faux avis positifs peuvent être déposés à l’initiative du professionnel afin de donner une fausse image du produit ou du service proposé", précise la répression des fraudes sur son site.

D'autant que le processus ne demande pas de connaissances en informatique particulières. Une rapide recherche sur internet permet de s'en rendre compte. Les mots-clés "Acheter avis Google" redirigent vers plusieurs sites peu scrupuleux qui proposent d'acheter des avis Google contre paiement. Comptez 10 euros pour cinq avis. Le pack de 100 évaluations 5 étoiles est de son côté affiché à 129 euros. D'autres agences spécialisées dans l'e-reputation proposent d'écrire des faux commentaires contre 15 euros.

En général, les prix varient en fonction de plusieurs paramètres comme la longueur du commentaire ou la qualité de l'écriture. Bref, plus l'avis est crédible, plus le prix augmente.

Achats de faux avis et compensations financières

L'autre astuce, c'est de truquer les avis. Certains professionnels proposent ainsi une compensation financière aux clients qui partageraient des avis positifs en ligne. Au programme: des apéritifs gratuits dans les restaurants, des points en plus sur les cartes de fidélité ou des bons d'achat.

Ainsi, une cliente du site Happy Garden, interrogée par l'UFC-Que Choisir, s'est vue proposer un coupon de 10 euros contre une évaluation 5 étoiles. Selon l'enquête, 6% des consommateurs interrogés ont déjà reçu une compensation en échange d'un avis positif.

Enfin, d'autres entreprises demandent à leurs propres employés d'écrire des avis Google pour booster leur réputation en ligne, et donc, leur nombre de clients. "Il m’est arrivé à plusieurs reprises de découvrir sur internet des avis positifs écrits par des managers ou des chefs de salle, le plus souvent proches des patrons", se souvient un saisonnier, auprès d'UFC-Que Choisir.

"J’ai même vu des responsables demander à leur personnel d’en inventer, afin de diluer les avis négatifs laissés par des clients."

Une pratique commerciale trompeuse, qui peut être lourdement sanctionnée. La publication d'un faux avis est passible de deux ans de prison et de 300.000 euros d'amende.

Des tentatives de modération... peu efficaces

De leur côté, les plateformes tentent de faire la chasse aux faux avis. Depuis 2018, une directive européenne oblige les plateformes qui mettent en ligne les commentaires à mentionner, à côté de chacun, la date de publication et celle de l’expérience de consommation concernée. En parallèle, le DSA (Digital Services Act) oblige les principales plateformes à intervenir quand un faux avis est signalé.

Ainsi, avant d'être mise en ligne, chaque note est analysée par un algorithme pour déterminer son authenticité. Pour cela, les programmes s'appuient sur une série d'informations comme la date de création du compte, son historique ou son adresse IP.

Tripadvisor a ainsi bloqué 1,3 million d'avis en 2022, sur plus de 30 millions d'évaluations déposées. Amazon indique avoir empêché la parution de 250 millions d’avis en 2023, sur 1,5 milliard publiés dans le monde. Les deux sociétés ne précisent pas sur quels critères ces avis ont été supprimés. D'autant que certains "vrais commentaires", soupçonnés d'être trompeurs, ne sont tout simplement pas mis en ligne. Selon l'UFC-Que Choisir, 64% des sondés ont vu leur commentaire purement et simplement refusé sans explication.

En parallèle, plusieurs grandes plateformes ont créé en 2023 une "coalition contre les faux avis". Amazon, Booking ou encore Tripadvisor se sont engagés à "respecter les normes les plus strictes en matière d'intégrité" mais sans donner de pistes concrètes pour y parvenir.

Ne pas se faire avoir

En janvier dernier, Google, sous la pression du régulateur britannique de la concurrence, a annoncé renforcer ses mesures de détection de faux avis. Les entreprises qui auraient artificiellement tenté d'améliorer leurs évaluations "verront apparaître des alertes visibles sur leurs profils Google pour informer les consommateurs" qu'une activité suspecte a été détectée. La publication de nouveaux avis pourra être suspendue et les entreprises récidivistes verront leurs avis supprimés pour six mois au minimum.

Pour éviter de tomber dans le panneau, la répression des fraudes conseille de "multiplier les sources d'informations", comme Tripadvisor ou Booking. Le volume de commentaires est aussi un élément à observer de près. Si des centaines et des centaines d'avis vont dans le même sens, il est probable que l'avis soit valide.

La DGCCRF conseille également d'être attentif, "à la date de publication", "à la date d'expérience" et "aux avis vérifiés".

Si les avis sont mal rédigés, trop courts comme "service nul" ou "mauvais vendeur", mais aussi publiés dans un court laps de temps par des auteurs anonymes: la prudence est de rigueur.

Dernier conseil, il existe des labels qui authentifient les commentaires des utilisateurs. Sur Google, vous pouvez ainsi vous fier aux "local guides", ces contributeurs spéciaux qui disposent d'une coche rouge avec une étoile sur leur photo de profil.

Salomé Ferraris