"Je crée les applications dont j'ai besoin": rencontre avec Britta Yaro, développeuse de l'appli de rêve de Lena Situations

Elle est à l'origine de l'application de rêve de Lena Situations. Elle, c'est Britta Yaro, développeuse mobile de 24 ans. "Je crée des applications mobiles qu'on utilise tous les jours sur son téléphone. Derrière une application mobile, il y a du code. Mon travail, c'est d'écrire ce code-là", nous explique Britta. Tech&Co est allé à la rencontre de cette jeune femme dont plusieurs des créations sont disponibles sur l'App Store, d'Apple, et le Play Store, de Google.
Quand "les grands esprits se rencontrent"
En juin, Britta a réalisé un des rêves de l'influenceuse Lena Situations, en sortant Bossy Tana. Cette application s'inspire du jeu en ligne Ma Bimbo, qui permet de faire évoluer un personnage de mode, en décorant son logement, en lui trouvant un petit ami ou encore en l'aidant à décrocher le job de ses rêves. Mais Bossy Tana va plus loin en aidant les utilisateurs à devenir plus productif, ce que cherchait l'influenceuse.
"J'avais déjà commencé à développer l'application. C'était une idée que j'avais depuis un moment, mais j'avais jamais commencé son développement", indique Britta, qui est fan de Lena Situations. Un jour, alors qu'elle travaillait sur son application, elle regardait en même temps un de ses lives.
"Et là, elle a parlé d'une appli qui serait cool. Elle disait que ce serait trop bien un Ma Bimbo un peu plus productif (...) J'en ai profité pour faire une vidéo pour dire que oui, j'ai créé l'application parfaite pour elle, mais en vrai, j'étais déjà en train de bosser dessus quand elle en a parlé. C'est juste que les grands esprits se rencontrent", se remémore la développeuse.
Bossy Tana aide les femmes à devenir plus productives grâce à une to-do list qu'elles créent. Pour chaque tâche réalisée, elles gagnent des "Tana dollars" qu'elles peuvent utiliser pour customiser leur "Tana Doll" avec des vêtements originaux et la faire évoluer dans le jeu. Un bon moyen de rendre les corvées du quotidien moins déplaisantes. Au cours de ses trois premiers mois d'existence, l'application a rencontré un certain succès, avec environ 15.000 téléchargements, selon Britta Yaro.
Elle n'a d'ailleurs pas choisi ce nom au hasard. Son objectif était de donner un autre sens au mot "Tana", qui est dégradant pour les femmes. "Bossy Tana (Tana autoritaire, en français), c'est une femme qui travaille pour s'acheter ses vêtements, ses petits sacs et finalement, ce qui est drôle, c'est que son travail, c'est ton travail dans la vraie vie parce que c'est ta to-do list. Du coup, j'avais vraiment bon espoir que les gens reprennent ce mot et que ce ne soit plus une honte de dire Tana, et qu'on le rattache à bossy", explique la jeune femme.
Une application née d'une passion
Mais la développeuse n'en était pas à son premier succès. Avant ce jeu, elle a créé Perfect Spot, qui a été lancé en mai 2021, au moment où le confinement prenait fin. Comptant près de 60.000 téléchargements et aussi utilisée par Lena Situations, elle suggère le lieu parfait pour manger (restaurant, bar) en fonction des attentes de l'utilisateur et de sa personnalité. Pour cela, il doit répondre à quelques questions, comme "Es-tu plutôt intraverti ou extraverti?" ou "est-ce que t'es confortable avec le bruit, quand il y a du monde?".
Les restaurants suggérés figurent dans une base de données créée par Britta Yaro, et dans lesquels elle est évidemment allée manger. "J'ai mis tous les restos que j'ai testés à Paris. Je suis une grosse fan de restos. Du coup, pour partager mes bonnes adresses, j'ai fait ma propre base de données (...) On m'a aussi parfois proposé des partenariats donc quand j'en avais un et que le resto était cool, je le rajoutais à la base de données", précise la développeuse.
Elle a aussi créé d'autres applications, qu'elle a par la suite revendu. "Souvent, quand je crée des applis, je les revends juste après. Je fais mes premiers chiffres et après, je ne trouve pas la volonté de les garder", explique Brita.
Travailler pour soi
Derrière chacun de ses projets, se cache une envie personnelle. "Ce sont mes propres problématiques de la vie" qui m'inspirent. "En fait, c'est purement égoïste. Je crée les applications dont j'ai besoin. Perfect Spot par exemple, c'était ce besoin de trouver des restos cool où manger et de partager aussi mes bonnes adresses (...) Je me dis 'j'ai ce genre de problème, d'autres personnes auront le même problème'", confie la jeune femme.
Depuis deux ans, elle travaille d'ailleurs depuis chez elle et à son compte. S'intéressant à l'informatique depuis le collège, grâce à son professeur de technologie, elle a ensuite suivi une filière sciences de l'ingénieur au lycée, avant de faire une école d'informatique. C'est au cours de cette période qu'elle a commencé à travailler pour le compte d'autres personnes, mais a réalisé que cela ne lui plaisait pas.
"Quand on est développeur mobile, on travaille souvent pour des entreprises, des start-up... On développe l'application, le concept qu'elles veulent sortir. Et le problème, c'est que moi, j'étais trop créative, j'aimais bien créer mes propres trucs. Donc juste être du côté du développement me dérangeait un peu parce que je voulais toujours mettre ma patte dans le projets des autres qui n'était pas les miens finalement", souligne Britta.
Celle qui était encore étudiante à l'époque a ainsi quitté son alternance "dans une assez grosse entreprise" pour se mettre en freelance. Mais là aussi, elle travaillait pour des entrepreneurs ou des petites start-up. Insatisfaite, elle a fini par faire le grand saut, d'autant plus qu'elle avait déjà sorti sa première application lors de ses études. Une application qui est d'ailleurs née dans un contexte particulier. N'ayant pas trouvé de stage pour valider son année, elle s'est dit: "Allez, je vais me mettre en stage sous ma propre entreprise". C'est à ce moment-là d'ailleurs qu'elle a réalisé pour la première fois à quel point il était cool de créer sa propre application.
"Je sais que j'aurais pu aller plus loin en matière de salaire en rentrant dans une entreprise classique, mais je suis trop heureuse en étant chez moi et en travaillant mes propres applications", assure la jeune femme. "Ça prend du temps de se stabiliser, mais ça vaut vraiment le coup", ajoute-t-elle.
Grâce à ses projets, elle gagne désormais entre 1.500 et 3.000 euros nets par mois.
Encourager les femmes à se lancer
Britta a aussi une autre source de revenus: elle propose des formations aux jeunes femmes, qui sont nombreuses dans sa communauté, afin de les encourager à travailler dans le développement mobile. "Dans ma formation, 80% sont des filles et c'est trop cool. Il y a des jeunes filles, des mamans. Il y a de tout. Et tu vois que les femmes ont vraiment ce truc de 'je veux aider un peu les gens, je veux créer des applications pour aider le peuple'", souligne la développeuse.
À travers ses formations et ses vidéos sur les réseaux sociaux, elle veut aider les filles qui hésitent à se lancer dans ce domaine, surtout que l'informatique est un secteur qui compte toujours peu de femmes.
"C'est un univers masculin, mais je vous promets que ça vaut le coup. Ce n'est pas si masculin que ça finalement parce qu'à côté, tu as du design, tu as plein de choses qui vont plus toucher le côté féminin", affirme-t-elle.
Les femmes sont nécessaires dans ce milieu car, comme le rappelle Britta, de nombreux outils et algorithmes ont été conçus par des hommes pour des hommes. "C'est très important qu'il y ait de la mixité pour que ces algorithmes soient plus inclusifs". Ce sont les femmes qui sont les plus à même de savoir ce dont elles ont besoin. Nombre des applications de la développeuse sont d'ailleurs conçues pour elles.
C'est d'ailleurs le cas de sa dernière création, Lunea. Elle propose des plats et des recettes en fonction du cycle menstruel de l'utilisatrice. Une femme en phase d'ovulation verra par exemple des suggestions de plats riches en magnésium ou en aliments anti-oxydants, qui pourront l'aider à avoir des règles moins douloureuses. Mais si le chemin est encore long pour parvenir à davantage d'égalité et d'inclusivité dans l'informatique, Britta Yaro compte bien poursuivre ce combat, une application à la fois...