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"Une menace sérieuse pour le public": Geospy, cette IA controversée qui identifie les lieux des photos

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Geospy peut déterminer avec précision l'emplacement où a été prise une photo en quelques secondes. Si ses prouesses impressionnent, elles inquiètent plus d'un utilisateur. L'outil peut être détourné pour traquer des internautes sans leur consentement.

Retrouver le lieu où a été prise une photo en quelques clics. C'est la promesse de Geospy, un outil d'intelligence artificielle développé par l'entreprise Graylark technologies. L'IA affirme ainsi pouvoir géolocaliser l’emplacement d’une photo en se basant sur plusieurs indices. Le tout, en quelques secondes.

Pour cela, Geospy s'est entraîné sur plus de 46 millions d'images à travers le monde à repérer les signes distinctifs des différents lieux dans le monde. Par exemple, le site architectural, l'aspect du sol, les panneaux de signalisation ou la flore locale. Il suffit de soumettre une photo à l'IA pour qu'elle fournisse une liste des 10 emplacements correspondants le plus à la requête.

Une "menace sérieuse pour le public"

Geospy est particulièrement performant aux États-Unis. Mais il dispose "également de capacités globales pour identifier des lieux à travers le monde", précise l'entreprise.

L'outil peut ainsi être utilisé pour retrouver le lieu où a été prise une photographie sur les réseaux sociaux ou encore détecter des fausses annonces de location, rapporte 404media. Sur un serveur Discord auquel le média a pu avoir accès, Daniel Heinen, patron de l'entreprise, partage quelques exemples des prouesses de son outil. Le CEO a ainsi fourni à l'IA une photo de quelques arbres près d'une route, issue d'une vidéo Youtube. Le système a identifié cette zone à Boston.

Dans une vidéo Youtube, un joueur de GeoGuessr, le jeu vidéo qui mêle connaissance géographique et rapidité, s'est amusé à affronter Geospy. Dans ce défi, l'IA et le gamer devaient trouver l'emplacement d'une route dans un champ, sans aucun signe distinctif. Dans ce test, Geospy a correctement localisé la photo en Afrique du Sud... plus rapidement que le youtubeur.

Selon le site 404media, Geospy peut également être utilisé par les forces de l'ordre. La police a par exemple pu mobiliser le système pour des enquêtes de maltraitance d’enfants ou géolocaliser l'emplacement d'une manifestation. Geospy pourrait également se révéler efficace pour "gagner des guerres", avance Daniel Heinen. Une simple photo du camp ennemi prise par un drone permettrait de déterminer le chemin emprunté par des chars d'assaut ennemis.

Le problème, c'est que cette IA ne fait pas l'unanimité. En effet, elle permet à n'importe qui de retrouver facilement le lieu de vie d'un individu et de le pister. Pour Cooper Quintin, chercheur en sécurité à l'Electronic Frontier Foundation, Geospy pourrait constituer "une menace sérieuse pour le public".

Risques de harcèlement

"C'est une chose que la police utilise une photo qui constitue un élément de preuve dans le cadre d'une enquête sur un crime grave. C'est tout à fait différent de l'utiliser pour constituer une base de données de géolocalisation ou pour recueillir des renseignements sur des personnes qui ne sont pas impliquées dans une activité criminelle présumée", observe-t-il.

Sur le Discord de Geospy, certains utilisateurs ont ainsi demandé de l'aide à d'autres internautes pour trouver le lieu de travail "de leur amie" ou l'emplacement du domicile de certains youtubeurs. Des demandes souvent rejetées par les autres membres, qui évoquent des cas de "harcèlement".

Face à ces inquiétudes, Graylark a pris des mesures drastiques. L'entreprise a décidé de fermer l'accès public gratuit à Geospy. L'outil est désormais accessible uniquement pour les "organismes d’application de la loi qualifiés, les utilisateurs professionnels et les entités gouvernementales".

Cette version réservée aux forces de l'ordre est plus puissante que celle accessible au public, selon les messages de son fondateur sur Discord. "Geospy est une démo", a-t-il écrit en septembre dernier. "Notre vrai travail, ce sont les modèles destinés aux forces de l'ordre."

Salomé Ferraris