"Mon cerveau est une base de données": dans la tête des champions de GeoGuessr, le jeu inspiré de Google Maps devenu un phénomène

A Stockholm, le jeu vidéo qui mêle connaissance géographique et rapidité voit les meilleurs joueurs du monde s'affronter.

Une piste poussiéreuse bordée de montagnes. Aucune habitation à l'horizon et pas le moindre panneau pour annoncer une ville. Un novice imagine l’Australie, peut-être Madagascar. En moins d’une minute, le Français Blinky, lui, parvient à partir de cette image fixe à placer un point sur la carte à moins de 800 mètres du lieu de la photo.

Voici le but ultime du jeu GeoGuessr: reconnaitre d’un simple coup d’œil et dans un temps record, une image prise n’importe d’où dans le monde par une voiture Google, celle qui permet, dans Google Maps, d’afficher le mode Street View.

Il existe d'innombrables indices pour connaître son emplacement exact: les plaques d'immatriculation, les panneaux, les tracés sur le bitume ou encore la végétation et les maisons. Et pour certains, ce jeu de devinettes est même devenu une véritable compétition.

Un paysage du nord du Japon sur Google Maps © Capture

La coupe du monde de GeoGuessr a ainsi lieu à Stockholm du 11 au 15 septembre avec deux Français en lice: Blinky et Kratsooo.

Et pour qui n’a jamais assisté à un match, cela ressemble à de la prestidigitation. Comment associer une plaine sans relief à une région spécifique de la Bulgarie? "Mon cerveau est une base de données et à partir de ce que je vois sur l’image, je vais rechercher des indices qui peuvent m’indiquer que ça, par exemple, ça se trouve en Bulgarie" glisse Kratsooo, la veille de son entrée en lice.

L'engouement pendant la pandémie

Imaginé en 2013 par le Suédois Anton Wallen, GeoGuessr n'était pas destiné à devenir un phénomène et à se professionnaliser. Passionné par ses balades au bout du monde sur Google Street View, il imagine ajouter des chronomètres et le fameux système de carte pour placer sa position et calculer la différence de distance entre deux joueurs.

Confidentiel, le jeu va profiter de la pandémie de Covid-19 et du confinement pour devenir un véritable phénomène mondial, porté par des streamers très en vogue, comme Antoine Daniel.

Aujourd’hui, Geoguessr a quitté depuis longtemps son interface austère pour proposer quelque chose de bien plus moderne, et s'est même lancé à l'assaut des smartphones et des tablettes. Le jeu de base est aussi devenu payant et la compétition devient ardue.

Pour repérer un lieu en quelques secondes, il faut évidemment avoir les réflexes de base. "Ca peut être une question de climat qui peut être perçu à travers l’apparence de la végétation, du sol de la roche, de la topographie" détaille Blinky à Tech&Co.

On regarde le marquage au sol, parfois spécifique à un pays, ou un poteau électrique présent uniquement dans le nord du Japon. Un panneau d’indication est forcément une mine d’or.

Le scotch au Ghana

"Au niveau compétitif, ce n’est malheureusement plus vraiment un jeu de géographie, il y a beaucoup de choses qui rentrent en compte comme les caméras qui ont été utilisées" explique Kratsooo. Par exemple, au Ghana, le support de la caméra Google, sur la voiture, a un scotch noir. "Au Nigeria, vous avez des voitures de police qui vous suivent pour assurer la sécurité de la voiture Google" poursuit le joueur.

Au Nigeria, une voiture de police suit la voiture Google © Capture

Une caméra plus basse en Suisse, une image dégradée en Inde… autant d’indices pour identifier un pays qui fusent dans la tête des compétiteurs. Évidemment, l’entrainement est la base et de nombreux joueurs se spécialisent même sur certains pays. Avec des zones plus difficiles que d’autres: "les Pays-Bas, c’est un pays qui n’a aucun relief ou très peu, et la végétation est uniforme" explique Blinky. "Très souvent les gens guess (devinent, ndlr) au milieu parce que le pays est petit."

Alors quelle chance pour les Français sur cette compétition? Blinky fait partie des favoris. Il a largement dominé sa poule. Pour Kratsooo aussi ça passe malgré quelques frayeurs." Il devra lutter pour aller en quarts de finale puis rêver, pourquoi pas, d'une victoire finale.

"Il n’y a pas de règles. En réalité, tout peut arriver. Au niveau compétitif, il n’y a personne qui se démarque au point de se dire que c’est déjà gagné d’avance" promet Kratsooo. Verdict samedi 14 septembre.

Thomas Leroy avec Pierre Berge-Cia