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Pourquoi le retour de Sam Altman à OpenAI n'est pas forcément une bonne nouvelle

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Le psychodrame d'OpenAI a accouché d'une victoire sans conteste de l'entrepreneur Sam Altman, mais risque d'amplifier les craintes sur les risques de l'intelligence artificielle.

"L'ego est l'ennemi de la croissance". Ilya Sutskever avait-il annoncé, le 29 septembre dernier dans un tweet, les prémices du coup d'état qui se tramait chez OpenAI? Membre du conseil d'administration et cofondateur de l'entreprise, il est principalement tenu responsable, selon la presse américaine, de l'éviction manquée de Sam Altman.

"Je regrette profondément ma participation aux actions du conseil d'administration. Je n’ai jamais eu l’intention de nuire à OpenAI" écrira-t-il d'ailleurs lundi 20 novembre, toujours sur Twitter. Après avoir convaincu le "board" de renvoyer son patron, il finira par faire marche arrière sous la pression quasi-populaire.

L'échec d'une gouvernance

Car Sam Altman, le visage poupin et enthousiaste de ChatGPT ou Dall-E, est de ces semi-gourous de la tech, adulé par les foules. Là où Ilya Sutskever veut avancer prudemment sur l'intelligence artificielle, de peur des dérives, Altman veut accélérer, bien aidé par Microsoft, son soutien inconditionnel.

Et puisque l'immense majorité des salariés d'OpenAI a menacé de démissionner si Sam Altman partait, le patron prodigue revient plus fort que jamais. Une bonne nouvelle? Dans le tumulte de louanges, des premières voix s'élèvent.

Car OpenAI pourrait bien changer radicalement dans son organisation. Le Conseil d'administration, scindé jusqu'à présent entre les enthousiastes de l'IA et les prudents, sera désormais uniforme et Sam Altman libre de ses mouvements.

"Il s'est avéré qu'ils ne pouvaient pas le licencier, et c'était une mauvaise chose", explique à Wired Toby Ord, chercheur à Oxford et voix plutôt anxieuse sur l'intelligence artificielle. Le psychodrame a mis en lumière l'échec d'une entreprise majeure à mettre à la porte son dirigeant à qui elle reprochait son manque de transparence, mais aussi le pouvoir qu'a pris Microsoft dans cette affaire.

Un signal pour mieux encadrer l'IA?

Le retour d'Altman est en revanche une bonne nouvelle pour le business. À 38 ans, il dirigeait auparavant le plus grand incubateur de startup du monde et a su parfaitement faire d'OpenAI le leader de son secteur. Mais cela signifie désormais que l'IA est un produit tech comme un autre, dont on attend les nouveautés chaque année et qui va irriguer l'économie mondiale.

L'idée de départ de l'entreprise – être un contre-pouvoir à but non lucratif de Google dans l'IA, pour éviter son hégémonie – risque de s'effacer. Là où les géants de la tech comme Google ou Meta ont toujours été réticents à déployer leurs modèles de langages faillibles, OpenAI s'est posé moins de questions, forçant la concurrence à lancer leurs modèles tout aussi défaillants.

Le triomphe d'Altman et la chute de Sutskever représentent le triomphe de l'entrepreneur sur le scientifique. Une bonne nouvelle pour les futures applications mais de quoi relancer les craintes sur les éventuels risques que présente l'intelligence artificielle.

"D'une certaine manière, je suis content que cela se soit produit" explique à Wired Rumman Chowdhury, une figure de l'IA "éthique". Pour elle, c'est un signal envoyé aux gouvernements pour encadrer urgemment le secteur alors que l'Europe débat sur la question.

Selon Reuters, la décision d'évincer Altman pourrait être liée à une lettre envoyée par certains chercheurs sur une percée scientifique réalisée en interne. Certains ont visiblement eu peur de ce que pourrait en faire la nouvelle star de la Silicon Valley.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business