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"On y va, mais...": pour les développeurs de jeux vidéo, le prix de la Switch 2 ressemble à une douche froide

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Interrogés par Tech&Co, plusieurs développeurs se posent désormais la question de ralier Nintendo pour sa nouvelle console hybride, la Switch 2.

Avec 17 jeux au lancement et une cinquantaine déjà confirmés, la Switch 2 semble à l'abri du besoin. Mais en coulisses, plusieurs développeurs appartenant pour certains à de grands studios et pour d'autres à des indépendants se questionnent sur la stratégie à suivre auprès de Tech&Co, et sous couvert d'anonymat.

Un tarif qui démarre à 470 euros, des jeux qui peuvent atteindre 90 euros, un abonnement au Switch Online, le service en ligne du constructeur, nécessaire à tous les étages, des mises à jour visuelles ou techniques payantes… Les griefs ne manquent pas contre la Switch 2.

"C'est du jamais-vu"

"On a découvert comme tout le monde le prix de la machine au moment de son annonce," confie à Tech&Co un développeur d'Ubisoft Paris. "On s'attendait à une hausse, mais à ce point là, c'est du jamais-vu."

La Switch 2 est en effet la console la plus chère jamais proposée par Nintendo, tandis que l'entreprise japonais dépasse largement ses concurrents en établissant un nouveau prix plancher à 90 euros pour des jeux comme Mario Kart World, qui sera proposé en bundle au lancement le 5 juin.

Un développeur indépendant, à l'origine de plusieurs succès sur Switch, confie ne pas comprendre la stratégie du constructeur, et se questionne même sur son propre soutien: "Vu les retours sur les réseaux sociaux vis à vis des mises à jour payantes ou du prix des jeux, j'ai du mal à croire comment on peut se lancer dans ce qui peut facilement être une polémique."

Par ailleurs, plusieurs témoins nous ont confirmé que Nintendo avait privilégié les gros éditeurs pour les kits de développement: "Ils nous ont donné une fiche technique en attendant le nôtre, on doit donc développer un peu à l'aveugle," précise l'un d'eux.

Les jeux indépendants coûtent aussi davantage

Car pour lui, c'est le prix plancher des jeux indépendants qui va mathématiquement augmenter: "Quand les gros jeux sont passés à 80 euros sur PS5 et Xbox Series, les jeux de moindre envergure sont passés à 60 euros, tandis que les jeux indépendants ont là aussi pris entre 20 et 30 euros par rapport aux tarifs que l'on avait sur Xbox 360 ou Xbox One."

Résultat, les joueurs sont face à un paradoxe: "Ils sont beaucoup plus précautionneux sur leurs achats, et achètent moins de jeux qu'avant. Du coup, les jeux qui n'utilisent pas une licence connue ou qui sont des productions moindre que celles portées par un Ubisoft ou un Activision ne trouvent pas leur public."

Fut un temps, la Switch a été vue comme un véritable eldorado pour les indépendants: "Le portage était facile et ne coûtait pas cher, on pouvait donc proposer des tarifs intéressants," explique un autre développeur indépendant. "Je ne suis pas certain que la Switch 2 soit désormais privilégiée pour jouer à des jeux à petits budgets de développement sur console."

Chez Ubisoft, le "service minimum" par précaution

La présence discrète d'Ubisoft étonne aussi, alors que l'éditeur français a jusqu'ici toujours été aux côtés de Nintendo pour des lancements avec des jeux exclusifs: "L'échec de Mario & The Lapins Crétins: Sparks of Hope n'a pas aidé à rassurer en interne sur la nécessité d'être présents avec quelque chose d'original" explique un salarié.

"Dans notre studio, on y va, mais davantage pour être là que pour soutenir," souligne-t-il. "Si Star Wars Outlaws est là, c'est surtout parce que le jeu n'a pas fonctionné sur d'autres plateformes. Même si Assassin's Creed arrive, c'est vraiment le service minimum."

Un autre développeur ajoute ne pas comprendre non plus que Nintendo a axé sa stratégie de communication sur les jeux à gros budgets, par ailleurs disponibles à moindre prix sur la PS5 et les Xbox Series: "Ce qui a aussi fait le succès de la Switch, c'est ses jeux indépendants, pourquoi ils sont si peu présents dans ce direct?" A Tech&Co, ce responsable de studio s'agace de ce qu'il considère être un "désamour".

"Je n'ai pas besoin d'Elden Ring sur une Switch, surtout quand il tourne moins bien que sur un Steam Deck d'il y a trois ans," persifle-t-il.

Des patchs payants qui ne passent pas

Peut-être plus grave pour Nintendo, la présence de versions améliorées de jeux déjà disponibles sur Switch n'a pas quelque chose d'évident pour plusieurs éditeurs et studios interrogés par Tech&Co.

"On se pose la question de proposer des versions spécifiques à la Switch 2 quand il y a déjà la rétrocompatibilité, surtout sous la forme d'un patch payant, notre public ne le comprendrait pas, pourtant, ils sont nécessaires car porter un jeu a quand même un coût," lâche un responsable d'un éditeur spécialisé dans l'édition de jeux indépendants.

Tout n'est cependant pas aussi sombre dans le paysage onéreux de la Switch 2. Les développeurs interrogés saluent notamment le gain de puissance de la console, qui va permettre faciliter les portages et offrir plus de latitudes, estime un développeur d'Ubisoft Montpellier: "Avec la Switch 1, on s'était fait une raison, mais la Switch 2, qui se situe aux alentours d'une PS4 Pro, ça permet déjà de se repositionner. C'est terminé les caches-misère que l'on pouvait utiliser."

Le public pensera-t-il de la même manière? La réponse sera connue le 5 juin, lors de la sortie de la Nintendo Switch 2.

Sylvain Trinel