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Manne financière et pop culture: comment "World of Warcraft" a révolutionné le jeu vidéo il y a 20 ans

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Après les 30 ans de "Warcraft" en début de mois, c’est au tour de "World of Warcraft" de fêter ses 20 ans. L’élève qui a dépassé le maître pour inspirer l’industrie comme la pop culture.

La période est festive du côté de Blizzard Entertainement. Début novembre, l’éditeur américain a fêté les 30 ans de Warcraft. Ce 23 novembre, c’est au tour de World of Warcraft de souffler ses bougies. Vingt au compteur pour le jeu de rôle en ligne massivement multijoueur (MMORPG) qui a su voler de ses pauvres ailes pour devenir l’un des titres les plus influents du jeu vidéo.

Et pourtant, tout ne fut pas si facile pour celui que l’on nomme affectueusement WoW depuis deux décennies. À l’époque, il est une émanation de Warcraft, univers médiéval-fantastique créé dix ans plus tôt qui trouve son inspiration dans les mécaniques de Dune II, mais surtout dans Donjons & Dragons ou encore le Seigneur des Anneaux.

Les joueurs attendaient un 4e opus de la franchise à succès de jeux de stratégie en temps réel (RTS), ils se retrouvent face à une nouvelle proposition qui va changer les repères. Il faut dire qu’il sort dans la foulée de Warcraft III: The Frozen Throne (2003) et prend place quatre ans après les événements de celui-ci.

La version World of Warcraft Classic, version rééditée du jeu originel pour les 15 ans en 2019
La version World of Warcraft Classic, version rééditée du jeu originel pour les 15 ans en 2019 © Blizzard

Mais cette fois, ses développeurs veulent une nouvelle approche de l’univers d’Azeroth où se déroule Warcraft. Ils veulent plonger leurs joueurs au milieu des humains, orcs et autres races qui le peuplent. Il est toujours question de choisir son personnage parmi huit races et neuf classes, réparties entre deux factions emblématiques (l’Alliance ou la Horde). À chacun de constituer son bataillon de 40 joueurs pour partir en raid dans le Coeur du Magma ou le Repaire de l’Aile Noire. Le reste change l’approche que les joueurs se font de Warcraft.

Un monde vivant où l'on sympathise avec des inconnus

Car Blizzard a depuis longtemps l’idée d’un jeu en ligne, profitant de l’essor (à petits pas) d’internet et s’inspirant de jeux comme Everquest ou Ultima Online. Ce serait le médium parfait pour créer ce monde virtuel tant espéré, dans lequel partir en quête, rencontrer d’autres joueurs, échanger, explorer et s’améliorer. Le monde va devenir dynamique, vivant et s’enrichit au fil du temps, avec des activités sociales et des défis. WoW fait découvrir la notion de monde ouvert et persistant (évoluant en permanence) qui ne va cesser de faire école dans le jeu vidéo par la suite. 

Au lancement, le 23 novembre 2004, Blizzard n'a pas anticipé la forte demande des joueurs: les serveurs plantent, provoquant de longues files d'attente et des connexions instables les premiers jours. Il faut dire que l'éditeur avait prévu d'atteindre 1 million de joueurs en quatre mois. Ce sera fait en un mois.

Un modèle économique et un style qui feront école

C’est aussi sa jouabilité qui fait sa renommée. World of Warcraft est beaucoup simple d’approche, même si certaines de ses quêtes et certains raids s’adressent à des joueurs aguerris. Il se veut plus intuitif. Son esthétique assez cartoon séduit énormément, tout comme la variété de ses personnages, son histoire qui implique bien plus le joueur avec ses choix et décisions. Un style visuel qui sera copié à de multiples reprises.

World of Warcraft
World of Warcraft © Blizzard

Plus qu’aucun autre jeu sans doute, WoW fait naître la notion de communauté. Ça sera sa force. Des millions de gens se croisent, sympathisent, vivent des aventures et tracent leur route ensemble dans Azeroth sans jamais s’être rencontrés dans le monde réel. Des amitiés qui dureront des années et durent encore pour certaines. Le jeu a compté plus de 12 millions d’abonnés actifs lors de ses années de gloire, autour de 2011-2012.

Avec un modèle pourtant inédit et qui laissait perplexe: acheter le jeu, puis payer un abonnement mensuel (environ 10 euros) pour accéder à ce monde virtuel et parfois verser quelques euros supplémentaires pour des éléments de jeu supplémentaires. Une fois encore, WoW va faire des émules et entraîner dans ses pas d’autres titres qui voient la manne financière que cela représente (Final Fantasy XIV ou The Elder Scrolls Online). Car Blizzard va engranger des milliards de dollars de revenus avec son modèle.

La force de World of Warcraft, c’est de capter les joueurs et de leur faire perdre d’une certaine façon la notion du temps. On est à l’époque où les Habbo Hotel et autres Second Life ont mis en place les codes de la vie virtuelle que l’on partage avec de parfaits inconnus devenus des "amis".

Sauf qu’ici, il y a la notion de jeu vidéo, de compagnonnage d’aventure, de communauté forte qui se reconnaît jusque dans la vraie vie. La Blizzcon, convention à l’honneur des jeux Blizzard, devient un point de rendez-vous de chaque guilde.

Un succès de la pop culture

Avec son approche différente des jeux de l’époque, World of Warcraft devient le MMORPG le plus joué au monde. Il enchaîne les extensions, resserre les liens entre les joueurs en incitant de plus en plus à l’exploration qui devient tentaculaire et épique au fil des ajouts jusqu’à The War Within, 10e extension sortie à l’été 2024. Et le jeu suit aussi les évolutions techniques pour embellir Azeroth et Kalimdor, l’autre continent du jeu, avec le temps.

Mais c’est vraiment grâce au phénomène des communautés, son côté fédérateur — même si sa popularité a légèrement baissé — et sa capacité à se renouveler sans perdre l'attachement émotionnel de ses joueurs que WoW a bâti son succès.

Le personnage du joueur de WoW dans l'épisode "Make love, not Warcraft" de la série South Park
Le personnage du joueur de WoW dans l'épisode "Make love, not Warcraft" de la série South Park © Capture d'écran South Park

Le titre restera comme celui qui a popularisé le jeu en ligne multijoueur, influençant d'autres jeux par ses mécaniques et sa capacité à rassembler et tisser des liens entre joueurs.

Au point de devenir aussi un phénomène de pop culture, inspirant des livres, des publicités, des films ou des séries. Un épisode de South Park lui sera ainsi dédié en 2006. 20 ans plus tard, World of Warcraft s'est fait un nom, même auprès des non-joueurs, surpassant dans les têtes son géniteur.

Melinda Davan-Soulas