Entre immenses succès et ratés, retour sur une saga d'exception qui promet de se réinventer avec "Battlefield 6"

Lancée il y a plus de vingt ans, en septembre 2002, Battlefield 1942 a révolutionné le jeu de tir à la première personne, en réunissant jusqu'à 64 joueurs en ligne dans des batailles de grande envergure, à mille lieues de ce que pouvait proposer la concurrence à l'époque.
Au fil des années, la franchise a su se démarquer de ses quelques concurrents, dont Medal of Honor (aujourd'hui oublié) et Call of Duty, plaçant DICE, le studio à l'origine de son développement au sommet de la liste des studios star. Avec des épisodes cherchant constamment à repousser les limites techniques et de gameplay, Battlefield s'est parfois perdu, et tente avec Battlefield 6 un retour aux sources très attendu des fans.
A l'occasion de la sortie du titre ce 10 octobre, Tech&Co vous propose de redécouvrir la saga qui fêtera en 2027 ses 25 ans d'existence.
Des nerds PCistes aux consoleux
De Battlefield 1942, l'épisode fondateur, à Battlefield 6, dernier épisode en date, il y a un gouffre. Il est en premier lieu technique, puisque DICE, le studio derrière la série, a changé de moteur graphique pour adopter une solution bien plus malléable que le Refractor Engine des débuts, le Frostbite Engine. Introduit en 2008, il a bien entendu beaucoup évolué depuis mais est encore utilisé aujourd'hui. Il est bien entendu optimisé pour les consoles et le PC, aussi bien pour des modes classiques (solo et multi) que plus exotiques (Battle Royale), introduisant au passage les dernières technologies à la mode comme le ray tracing et la destruction pixel par pixel.
Un gouffre de gameplay existe aussi entre le premier Battlefield et celui qui sort en ce 10 octobre. Exigeant au début, il a laissé sa place à une approche davantage tournée vers le grand public - au grand dam des fans des débuts. Bien aidé par l'arrivée de la série sur consoles, ce changement de direction va surtout lui permettre de voir sa base de joueurs augmenter considérablement.
Entre les 2,5 millions d'exemplaires de Battlefield 1942 sorti uniquement sur PC et les 17,4 millions de Battlefield 3 écoulés sur PC, Xbox 360 et Playstation 3, il y a un monde. Le nombre de nouveaux joueurs explose, et avec lui l'ambition d'Electronic Arts.

Constatant que sa série arrive à rivaliser avec le carton mondial de Call of Duty, l'éditeur américain va adopter une nouvelle optique de développement au sein de DICE, en multipliant les recours à des studios internes venant en renfort - comme Activision. S'il n'est pas question d'annualiser la saga, le rythme de sortie va s'accélérer avec des temps de développement plus court, et le risque de se retrouver en difficulté.
Avec Battlefield V, le début des problèmes
C'est exactement ce qu'il va se passer après Battlefield 1. Avec ce nouvel épisode, lancé en 2016, DICE prend le contrepied de la guerre moderne ou de la Seconde guerre mondiale en s'intéressant à la Première guerre mondiale. 13 millions d'exemplaires vont se vendre avec plusieurs extensions payantes. Le studio semble être parti sur de bonnes bases.
Sauf qu'à peine deux ans plus tard, Battlefield V va venir tout gâcher. Pas aidé par un temps de développement très court et une pression maximale imposée aux équipes, le titre va décevoir pour plusieurs raisons.
Retour de la Seconde guerre mondiale un an après l'échec relatif de Call of Duty WWII, manque de cartes, dont celle du Débarquement allié, pourtant iconique de la franchise, une optimisation technique et de gameplay aux abonnés absents, un mode Battle Royale à peine sorti et déjà oublié... La machine s'enraye.

Les ventes chutent fortement, et la base de joueurs s'amenuise mois après mois.
Avec cela en tête, on imagine que DICE va faire de son mieux avec Battlefield 2042. Sur le papier, on pourrait le croire. Lancé en 2021, le titre propose de nous faire vivre un conflit se déroulant dans un futur proche, mais avec néanmoins des outils et options du futur. De 64 joueurs, on passe à 128 et la campagne solo est abandonnée au profit d'un mode "Hazard Zone" où l'objectif est de remplir une mission contre d'autres équipes.
Le mode Portal tente aussi de secouer la communauté en proposant un éditeur de bataille complet.
Mais une fois lancé, le jeu ne convainc pas. D'abord, les cartes ont toutes été étudiées pour accueillir 128 joueurs, elles sont donc trop grandes dès qu'il manque des joueurs sur un serveur. Certaines parties deviennent très longues et les fans commencent à déserter le jeu.
Le grand n'importe quoi de Battlefield 2042
Bien conscient des problèmes, DICE va débuter un véritable chemin de croix. Le studio va refondre pendant de longs mois l'ensemble des cartes pour les réadapter à une population plus restreinte, plus en adéquation avec ce qui fait l'essence de Battlefield. Mais tous les efforts du monde ne changent rien au désamour des joueurs pour Battlefield 2042, dont le suivi est finalement abandonné après à peine deux ans d'exploitation.
Chez Electronic Arts, qui sort déjà difficilement des échecs successifs de Mass Effect Andromeda et d'Anthem, on voit rouge. Décision est alors prise de tout changer pour revoir les fondations.
Pour Battlefield 6, Vince Zampella, créateur de Medal of Honor, Call of Duty, Titanfall et Apex Legends, prend la tête des "Battlefield Studios". Derrière ce nom un peu pompeux, on retrouve DICE, qui a toujours la main sur l'ensemble du projet, mais aussi Criterion, Ripple Effect et Motive.
Une ribambelle de studios qui ont chacun un objectif: proposer un pan du contenu du prochain Battlefield qui doit être "un retour aux sources".
Reconquérir les fans, quoi qu'il en coûte?
Les idées apportées par Battlefield 2042, comme les cartes à 128 joueurs, sont abandonnées, une campagne solo est mise en chantier et un retour au système de classe est acté.
De nombreuses sessions de test avec des joueurs sont organisées très en amont du lancement, comme l'explique Florian Le Bihan, Principal Game Designer chez DICE à Tech&Co: "Les tests avec les joueurs et en interne nous ont permis de voir comment le jeu évolue, et les retours sont très importants. Les fans savent ce qu'ils veulent."
Nul doute que la franchise joue son véritable avenir avec Battlefield 6. Pour Electronic Arts, qui a toujours du mal à se remettre de l'échec commercial de Dragon Age: The Veilguard, le titre doit être la bouffée d'air frais tant attendue.
Un succès d'autant plus nécessaire que l'éditeur américain a annoncé le 29 septembre dernier un accord qui le valorise à 55 milliards de dollars et qui devrait mener à son retrait de la bourse américaine (Nasdaq) entre avril et juillet 2026, si tout va bien. Mais cela ne changera rien au destin de Battlefield 6, désormais. A la fin, ce sont les fans qui auront de toute façon le dernier mot.