À force d'augmenter ses prix, Netflix finit par perdre des abonnés, une première dans son histoire

Le logo de Netflix. - Lionel Bonaventure - AFP
Le géant de la vidéo en ligne Netflix a subi un revers inattendu au deuxième trimestre en attirant bien moins de nouveaux abonnés que prévu, juste au moment où la compétition s'intensifie. La sanction a été immédiate à Wall Street où le titre reculait de plus de 12% dans les échanges électroniques suivant la clôture de la Bourse.
Non seulement Netflix n'a enregistré que 2,7 millions de nouveaux abonnements payants entre avril et juin (+1,8% par rapport à fin mars), là où il en attendait 5 millions, mais il en a même perdu aux Etats-Unis (où se concentrent encore près de 40% de ses abonnés). 126.000 Américains ont déserté la plateforme entre avril et juin de cette année. Une première depuis le lancement du service de vidéo en ligne du groupe en 2007.
Le groupe, qui compte désormais 151,56 millions de clients, refuse d'imputer cette contre-performance à la concurrence qui, selon lui, n'a "pas beaucoup changé" pendant la période. Elle est pourtant intense sur le secteur avec les offres d'Amazon, d'Hulu, de la BBC, de YouTube ou de Hotstar en Inde. Et elle devrait encore s'intensifier au cours des prochains mois avec l'arrivée sur le marché de Disney, Apple, WarnerMedia ou encore NBC Universal.
Netflix sait déjà qu'il va perdre des séries phares comme "Friends" ou "The Office", encore visionnées par de nombreux fans.
La guerre du streaming profite à tous
Mais le groupe californien dit y voir un avantage: cela devrait lui permettre de dégager des financements pour créer encore davantage de contenus originaux.
Et si on considère que 700 millions de ménages, sans compter la Chine, paient pour des abonnements télé, le gâteau est grand, a souligné Reed Hastings, le patron de Netflix, lors d'une interview retransmise sur internet. D'autant que les spectateurs "s'abonnent à différents services".
"Plus on parle de guerre du streaming, plus ça attire l'attention et du coup les consommateurs se tournent plus vite de la télé classique à la télé en streaming", a-t-il relevé.
Des contenus au succès mitigé
Pour expliquer le ralentissement du deuxième trimestre, Netflix avance surtout que les nouveaux contenus n'ont pas séduit autant qu'anticipé malgré le succès de quelques pépites comme la série "Dead to Me", les documentaires sur la nature et les animaux narrés par le Britannique David Attenborough "Notre Planète", ou le film "Murder Mystery" avec Jennifer Aniston et Adam Sandler.
Il souligne aussi qu'il était difficile de réitérer le succès du début d'année, quand le groupe a attiré 9,6 millions de nouveaux abonnés. Et il reconnaît que la récente hausse des prix des abonnements dans certains pays a pu en refroidir certains. En cinq ans, les forfaits "standard" et "essentiel" ont respectivement été augmentés de 37,5% et 33% en France. Jusqu'à présent, les hausses de prix ne freinaient pas l'expansion de la plateforme.
Mais Netflix a-t-il été cette fois trop gourmand? En janvier dernier, l'américain a annoncé aux Etats-Unis la hausse la plus conséquente de son histoire. La formule "standard" y avait gagné 18,2% d'un coup, pour passer de 10,99 à 12,99 dollars par mois. Le tout sans que le populaire service enregistre une baisse du nombre d'abonnés.
"La route va être difficile pour Netflix avec l'arrivée de nouveaux concurrents et le retrait de contenus populaires, mais l'ajout de contenus solides au troisième trimestre devrait permettre de récupérer certains abonnés", estime l'analyste Eric Haggstrom du cabinet eMarketer.
4 dollars par mois... en Inde
Netflix espère repartir du bon pied et anticipe au total 7 millions de nouveaux abonnés d'ici fin septembre, dont 800.000 aux Etats-Unis et 6,1 millions dans le reste du monde, grâce notamment au lancement des nouvelles saisons de "Stranger Things", "Casa de Papel", "The Crown" ou de la dernière saison d'"Orange is the new black".
La société californienne mise aussi sur le lancement en exclusivité du film du réalisateur multi-oscarisé Martin Scorsese, "The Irishman", et du film d'action "6 Undergound" réalisé par le spécialiste des blockbusters Michael Bay.
Pour fidéliser les spectateurs autour de ses créations, Netflix parie également sur des partenariats annexes, comme le lancement de nouveaux jeux vidéo basés sur les séries "Stranger Things" et "Dark Crystal: Le temps de la résistance". Et pour capter le très vaste marché indien, Netflix va lancer une offre réservée aux appareils mobiles à moins de 4 dollars.
Côté finances, le géant du streaming a vu son bénéfice net trimestriel reculer de 29%, à 271 millions de dollars. Rapporté par action -un indicateur clé en Bourse, le bénéfice est ressorti à 60 cents, soit un peu au-dessus des prévisions. A 4,92 milliards de dollars, le chiffre d'affaires est quant à lui légèrement inférieur aux attentes des marchés (4,93 milliards).