Des iPhone pas assez réparables? Apple assume et explique pourquoi

Il est l’homme du moment chez Apple. John Ternus s’est petit à petit retrouvé dans la lumière lors des dernières keynotes autour des Mac et des iPad jusqu'à se muer quasiment en chef d'orchestre des iPad Pro M4 et iPad Air M2 lors de la conférence de mai.
Quand on suit l’évolution des destinées d’Apple depuis quelques années, la montée en compétence de John Ternus ne tient pas de la surprise. Présent dans les travées des divers campus de Cupertino depuis 23 ans, le timide jeune homme a gravi les échelons jusqu'à devenir le patron de l'ingénierie matérielle de l’entreprise.
Construire pour durer
John Ternus est l’un des symboles du rajeunissement et de la diversité des visages voulus par Tim Cook lors des différentes keynotes. Mais de là à en voir un successeur, il ne faudrait toutefois pas s’emballer trop vite. L’homme ne montre pas les signes extérieurs d’une ambition démesurée et il sait que d’autres attendent déjà depuis longtemps à la porte.

Loin d’être pressé par le temps, et sans doute conscient aussi de son déficit d’image, John Ternus patiente. Mais il a un avantage pour lui: il parle environnement et durabilité à une époque où les sujets sont clés et où Apple est lancé dans son projet de décarbonisation de sa production et de verdissement à tous les niveaux.
“Je vois combien la qualité de nos produits s’améliore de plus en plus. Nous avons des centaines de millions d’appareils en service qui ont cinq ans ou plus, et ce nombre ne cesse de cloître”, se félicite-t-il auprès de Tech&Co.
En visite à l’usine de Cork (Irlande), où sont fabriqués des iMac et où l’on fait passer les tests de résistance aux iPhone, il s’étend longuement sur la nouvelle approche dans la conception. Quand on lui demande si l’on conçoit des produits différemment aujourd’hui d’il y a 10 ou 15 ans, il estime que, chez Apple, non.

“C’est la façon dont nous le communiquons qui a changé”, sourit-il. “Nous croyons toujours fermement que la meilleure chose à faire est de construire pour la longévité, de concevoir des produits qui durent. Et cela ne change pas. Nous n’avions juste pas l’habitude de le raconter.”
Equilibrer durabilité et réparabilité dans la conception
Changement d’état d’esprit ou changement d’époque? Un peu des deux, selon lui. “Le monde s’intéresse de plus en plus à la durabilité et les clients s’en soucient dans leurs achats. Nous devions expliquer ce que nous faisions,” assure John Ternus, ajoutant qu’il lui apparaît aussi essentiel de dire quand certaines règlementations peuvent entraîner dans la mauvaise direction.
Car il juge “important d’expliquer la nuance” qui peut mener à “des compromis à faire entre la facilité à réparer un objet et sa durabilité essentielle.” “Il faut prendre des décisions intelligentes en examinant toutes les données”, glisse l’Américain.
Selon lui, la réparabilité ne doit “pas être l’objectif principal”. C’est la longévité d’un produit et un équilibre à trouver entre les deux. Car il ne faut pas rendre rapidement désuet un appareil sous prétexte qu’il sera facile à réparer.
“L’objectif est de concevoir un produit qui dure le plus longtemps possible. Et la réparabilité en fait partie. Mais il doit être conçu avant tout pour durer. Néanmoins, pour toute décision de conception, il faut tenir compte de ces deux éléments”, résume-t-il.
Car, s’il y a bien une chose dont tous les produits Apple peuvent se targuer, c’est bien leur longévité. À côté de cela, la réparabilité a souvent été pointée du doigt comme un point faible chez Apple.

Pour John Ternus, rendre tout facilement réparable est un risque: ajouter des connecteurs là où il n’y en aurait pas forcément besoin pourrait ainsi “créer des points de défaillance potentiels, ajouter plus de matériaux, donc davantage de gaz à effet de serre et tout le reste”. Et de citer les composants des iPhone ou Mac “qui ne tombent pratiquement jamais en panne”.
Pour cela, Apple explique faire subir, par exemple, plus de 10.000 tests minimum à un iPhone avant même que le produit final ne parte en chaîne de production. “Nous devons nous assurer que cela n’échoue pas”, déclare John Ternus. Mais la marque a aussi su allonger sa liste d’éléments réparables dans ses produits pour en atteindre une quinzaine sur l’iPhone à présent (batterie, écran, appareil photo, haut-parleur, châssis, caméra TrueDepth…).
La certification d’étanchéité a longtemps été un sujet mis “officiellement” de côté. Car Tim Cook et les siens voulaient être sûrs de leurs résultats avant d’estampiller leurs iPhone (et de payer le label). “Avec la certification IP68, le nombre de pannes que nous avons eues, l'eau étant l'une des plus fréquentes, a fortement décru”, rappelle-t-il.
“Certes, c’est difficile d’accéder à l’intérieur de l’appareil qui est fortement scellé. Nous faisons en sorte que vous puissiez le faire avec les outils que nous fournissons, mais c’est un peu plus difficile qu’avant pour des questions de résistance et longévité du produit. Mais c’est surtout pour l’utilisateur.”.
Apple 2030, le programme vert "sans compromis"
Avec la durabilité est arrivée aussi une autre notion à prendre en compte: l’empreinte carbone à minimiser. Pour cela, Apple mise depuis près de 10 ans sur le recyclage de matériaux. C’est le coeur aussi du projet Apple 2030 qui vise à maximiser le nombre d’éléments recyclés dans chaque appareil et émettre le moins d’émissions carbone possible. “Nous faisons tout pour rendre nos produits neutres en carbone, mais nous n’allons pas les rendre moins bons pour autant”, tient-il à rassurer.
Aujourd’hui, Apple parvient à recycler près d’une quinzaine de matériaux différents dans ses iPhone, iPad, Mac, Apple Watch ou autre (aluminium, or, tungstène, terres rares, cobalt, etc.). Et l’entreprise espère accélérer dans ce secteur, avec l’aide de ses robots désosseurs d'iPhone qui récupèrent les matériaux et les trient. Au point d’arriver à des châssis avec 100% d’aluminium recyclés, et des produits qui atteignent 30 à 50% de leurs composants recyclés.
Et quand on lui demande si les matériaux recyclés seront recyclables à long terme sans perdre en capacité et en durabilité, John Ternus a déjà une réponse: “Peut-être qu’à très long terme, il faudra trouver un moyen de développer de nouveaux matériaux”, admet-il. “Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Mais nous avons déjà beaucoup de matériaux recyclés que nous pouvons utiliser, c’est notre priorité.”
Apple investit d’ailleurs dans des entreprises qui ont trouvé des manières différentes de fabriquer des matériaux alternatifs ou recyclés extrêmement faibles en carbone, comme pour l’aluminium utilisé dans les appareils. Le premier Macbook Air en aluminium 100% recyclé date d’ailleurs de 2018. “On s’était demandé à l’époque quel genre de compromis on devrait faire, si cela serait aussi résistant que les anciens modèles”, se rappelle John Ternus. “Nous avons décidé que nous ne ferions aucun compromis sur rien”.